Chapitre 17: Libérer la louve

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Les feuilles des arbres se mouvaient avec le vent, laissant danser à travers la fenêtre la lumière diffusée par la lune. Allongée dans mon lit d'adolescente, je regardais ce spectacle d'ombre et de lumière se balancer gracieusement sur le plafond alors que le sommeil me fuyait. Je fermais les yeux. Je les ouvrais. Encore et encore.

Pourtant épuisée, je n'arrivais toujours pas à sombrer. Dès que je fermais les yeux, son visage m'apparaissait et les larmes menaçaient de couler. J'avais pourtant eu de plus grandes douleurs à affronter qu'un cœur partiellement brisé. La douleur n'était pas aussi simple à se dissiper, contrairement à ce que j'avais pu imaginer.

Bien qu'éreintée, je me levais sans faire un bruit pour ne pas réveiller ce doux foyer qui, avant mon arrivée, devait ressembler à un paradis familiale entièrement comblé par le bonheur. Mon frère n'avait pas changé. Il s'inquiétait bien trop et me couvait de sa bienveillance habituelle. Il trouvait même injuste que nos frères m'aient accusée de la sorte. Si seulement j'avais su que Martha était pire que lui, j'aurais pris le temps d'aller m'acheter une tente pour camper dans les bois. Chaque matin, elle me réveillait en m'emmenant le petit-déjeuner au lit et en me racontant ses rêves encore bien plus étranges que sa personnalité. Tous les deux étaient à la fois réconfortants et oppressants. Je me contentais alors de leur montrer ma gratitude en restant silencieuse.

C'est avec l'infime soulagement de ne pas avoir ma mère et son inquiétude permanente sur le dos que je m'assis sur ma chaise de bureau. Elle avait finit par déménager chez Charlie en nous laissant sa maison. Bien que Seth et Martha y construisaient leurs vies, ils me rappelaient sans cesse que cette maison leur paraissait vide sans ma présence. Et pourtant, je me préparais encore une fois à faire mes bagages pour partir loin d'ici.

J'allumais alors mon ordinateur en espérant trouver une nouvelle destination à explorer. Google Map, mon allié de longue date ne m'inspirait plus alors que je m'y perdais autrefois durant des heures. Mais à présent, je n'avais plus aucun but. Je n'avais plus de loups à trouver. Je ne devrais même pas les croiser au risque d'animer une colère étouffée par une piètre paix. Mes frères me le rappelaient chaque jour.

Peut-être avais-je réussis à tuer une heure en me promenant virtuellement dans certaines bourgades et villes qui m'inspiraient une certaine paix intérieure. Mais au final, je n'en avais retenue aucune. Cette vie d'itinérance que je pensais aimer m'avait également quittée. Je pris conscience que c'était ma soif de découverte en espérant rencontrer mes semblables qui m'animait. Qu'allais-je devenir maintenant? Qu'allais-je faire? Changer de ville sans but pour simplement trouver un travail afin de m'occuper me paraissait si monotone. Rester ici était également inenvisageable. Bien que j'étais attachée à ma réserve natale, les souvenirs déplaisants qui étaient liés à cet endroit me percutaient sans cesse et m'oppressaient. Tout était si beau avant l'arrivée des Cullen, et je ne demandais pas grand chose. Vieillir à la Push, avec mon mari aimant et mes enfants était tout ce que je désirais. Aujourd'hui, rien de tout ça ne m'attendait ici. Ni ailleurs.

C'est tout en soupirant que je fermais l'écran de mon ordinateur. Il était quasiment cinq heures du matin et je n'avais pas fermé l'œil de la nuit. Une nuit inutile, d'ailleurs, puisque je n'étais pas parvenue à faire le vide dans mon esprit. Malgré la fatigue, l'envie de courir me démangeait. Même mon ancienne routine m'avait quittée. Quasiment deux semaines étaient passées depuis mon retour ici et je m'étais contentée de rester terrée entre ces murs réconfortants et plein de vie que nourrissaient sans cesse mon frère et Martha. C'était à croire que leur bonheur suffisait à me tenir éloignée d'un comportement apathique.

Alors que je m'arrêtais devant le vieux psyché sous lequel mes baskets étaient toujours rangées dans un sac, je me perdis à contempler mon reflet. Il ne me correspondait pas. La flamme qui animait mon regard s'était éteinte et mes cheveux ternes, fourchus et emmêlés me montraient à quel point la femme que je m'étais forcée à devenir était bel et bien partie. J'avais pourtant songé à me couper les cheveux afin de muter et de courir plus librement. Mais étais-ce la seule chose qui m'empêchait de muter? J'avais également été réticente à ce que Jacob perçoive mes pensées et que son inquiétude le pousse à prévenir la meute de mon état, ou pire, de mes sentiments pour cet étranger qu'ils redoutaient. Je ne voulais pas non plus que Mal lise en moi une détresse suffocante ou rigole de ma naïveté.

Le frère perdu - Leah ClearwaterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant