Tandis que j'admirais la lune, Sam ravivait les flammes du feu de camp dressé derrière chez lui. Ce gigantesque brasier ne souffrirait plus des sauces dégoulinantes qui garnissaient les hot-dog que mes frères avaient réchauffés au-dessus de lui. Si ce dernier illuminait les visages de ceux qui mastiquaient le reste des vivres, la pénombre avalait les autres qui raccompagnaient leurs femmes et enfants jusqu'à leurs voitures. Elles ne restaient plus. Leurs enfants ne devaient pas avoir connaissance de la magie qui coulait pourtant dans leurs veines. Pas pour le moment en tout cas.
A son tour, Sam s'éloigna du brasier et prit dans ses bras Judith qui refusait d'aller se coucher. Cette dernière me regarda d'un air suppliant alors que je ne bougeais pas de la souche sur laquelle j'avais élu domicile depuis le début de la soirée. Elle réclamait les histoires que seuls les adultes avaient le droit d'entendre et se mit même à protester avec des hurlements stridents dès que Sam eut franchit le seuil de sa maison.
Aux yeux de mes frères, il était trop tôt pour leur en parler. Cependant, il n'y aurait jamais de bons moments. Je les connaissais suffisamment pour prédire qu'ils camoufleraient leur réelle identité à leurs enfants jusqu'à leur mort. Ils pensaient les préserver, mais à mes yeux, ils ne réfléchissaient pas. Ils n'anticipaient pas alors qu'ils se souvenaient très bien du choc qu'ils avaient éprouvé en mutant pour la première fois. Nos cousins, eux, n'étaient pas épargnés par leurs probables destinées. Ils y étaient préparés. C'était donc par anticipation, pour préparer l'avenir des enfants de mes frères, que j'allais prendre la parole ce soir. Il fallait qu'ils ouvrent les yeux. Ils ne protégeaient pas leurs enfants. Ils ne faisaient que reproduire le même schéma chaotique dont le secret les avaient bouleversés.
J'entendis à peine les rires gutturaux et les vrombissements des moteurs de voitures qui tonnaient au loin. J'étais à nouveau bien trop perdue dans mes pensées. Même si je savais qu'il était inutile de ressasser le passé, je ne me débattis pas et me laissais imaginer une vie qui aurait put être la mienne. Si j'avais eu conscience du sang qui coulait dans mes veines, serais-je restée à la réserve? Serais-je partie pour me préserver? Sam m'aurait-il suivie? Sam serait-il resté pour accomplir son devoir de protection? Serais-je rentrée une fois le danger écarté alors que Sam se serait sûrement imprégné? Cette dernière interrogation me remplit d'amertume. Bien sûr que Sam aurait prit la décision de rester. Il a toujours été très droit, très à cheval sur ce qu'il devait faire ou non. J'aurais alors perdu Sam ... mais j'aurais pu me préserver.
Chaleurs et odeurs réconfortantes me tirèrent de mes pensées. Seth et Embry avaient prit place à mes côtés alors que Sam se tenait face à moi. Si son immense carrure lui donnait un air froid à la limite de l'antipathie, son regard bienveillant, lui, n'avait pas changé.
- Tout le monde est là, m'annonça-t-il dans un murmure, gêné que je l'observe ainsi.
Mon regard se détourna enfin du sien pour scruter les alentours. A l'exception de Jacob qui avait retrouvé Renesmée, toute la meute attendait patiemment en se focalisant sur le crépitement du feu. Tout en me levant, je mis ma nostalgie et ma rancune de côté. Il était inutile de ressasser le passé et d'espérer vivre une autre vie. Ce qui était fait était fait et seul l'avenir importait. C'est donc tout en pensant à Judith, à ma nièce Elinor et aux autres petites filles que je fis quelques pas en avant sous le regard interrogateur de la meute. Leur raconter ces légendes et leur dévoiler que nos cousins les inculquaient à leurs enfants dès leur plus jeune âge était vital pour l'avenir des miens.
Il y aura sûrement encore des loups, mais il n'y aura plus de louves.
- Ce soir, ce sera à Leah de prendre la parole, annonça Sam en s'asseyant à la place que j'occupais.
VOUS LISEZ
Le frère perdu - Leah Clearwater
FanficDerrière la façade d'un sourire fané, Leah était sortie de l'obscurité qui la rongeait. Agrippée par des masses d'ombres, chaque jour sans lui avait été une épreuve impossible à surmonter ... jusqu'à ce que la lumière, bien que diffuse, ne l'aide à...