Le frère perdu - Leah Clearwater

Chapitre 14: Mensonges et vérités - Partie 1

Le tic tac incessant qui émanait de la montre de Marshall me rappela une fois de plus à quel point j'étais distraite. Bien qu'occupée par certaines tâches au travail, je glissai souvent la main sous le comptoir pour faire face à l'écran d'accueil de mon téléphone vide de toute notification.

- Pourquoi tu ne l'appellerais pas? demanda Marshall.

Bien que mes malheureux sentiments me suppliaient de le faire, la voix de la raison m'ordonnait de l'oublier pour reprendre mes esprits. Il fallait impérativement que je le questionne sans être troublée par ce qu'il me faisait ressentir. Alors non. Ce n'était pas une bonne idée de le contacter alors que mon cœur me dictait de le faire. Seule la raison m'y pousserait.

- Il n'y aura jamais rien entre lui et moi.

Marshall expira lacement. Comme à sa désagréable habitude, il espérait que mon cœur trahisse ma raison.

- Je te rappelle que je suis du genre monomaniaque, poursuivis-je.

- Et tu vas encore me reprocher de t'avoir qualifiée ainsi ...

- Pas le moins du monde.

Il me regarda étonné. Après tout, ce sujet avait été notre première et seule dispute. A plusieurs reprises, Marshall avait enfilé sa tenue de chef d'orchestre afin d'organiser des rendez-vous arrangés. Evidemment, ils ne menaient jamais à rien et son incompréhension l'avait fait s'interroger. Je lui avais alors vaguement expliqué que j'éprouvais le besoin de ne m'attacher à rien, ni même à personne, préférant me focaliser sur une vie d'itinérance qui me convenait très bien. Ces aveux l'avaient poussé à me qualifier de personne monomane que j'avais associé à l'hystérie, terme par lequel mes frères m'avaient souvent définie. Mais Marshall ne connaissait pas mon passé. Il n'était pas comme eux. J'avais compris des jours plus tard que sa remarque était simplement de l'étonnement lié à mon ambition.

- J'ai toujours le même but dans la vie. Mal est juste un obstacle.

- Je sais que tu vas m'en vouloir, Leah. Mais cette obsession à te raccrocher à un seul but ne t'aidera pas à être heureuse.

- J'ai l'air d'être une personne qui pleure chaque soir sur son triste sort de célibataire?

Il nia de la tête.

- Alors n'en parlons plus.

- Tu es quand même bien plus heureuse depuis qu'il est apparut dans ta vie.

Ne souhaitant pas le blesser, je me contentai de lui jeter un regard insipide. Mais l'avait-il été? Étais-je encore capable de faire preuve de clémence? Marshall me renvoya un sourire contrit avant de retourner à ses occupations. Ses paroles m'aidèrent à laisser mon téléphone enseveli sous un amas de papiers. Mal ne m'avait fait éprouver aucun bonheur. Il était un problème, une erreur dans mon équation qui me poussait à la confusion.

Sortant de mon lieu de travail, j'avais été soulagée qu'il ne m'ait pas contactée. Néanmoins, mon regard l'avait cherché alors que je me dirigeais vers mon arrêt de bus. Navrée par mon comportement, je laissai les images du passé me rappeler à quel point la douleur avait été insupportable. Comme si me souvenir de ma rupture n'était pas suffisant, je portais un coup fatale à mon cœur en lui rappelant que l'imprégnation avait protégé Emily. La douleur de ces souvenirs était bien plus facile à supporter qu'une autre potentielle rupture causée par l'imprégnation.

J'étais incontestablement une personne atteinte de troubles obsessionnels. Résolue à me consacrer corps et âme à mon travail, les jours suivants, j'avais laissé mon téléphone dans mon casier. Mais malgré ce samedi où les visiteurs abondaient, Mal obsédait mes pensées. Mon avidité à lui soutirer des informations était même passée à la trappe. Malgré mes efforts, je n'arrivais pas à ensevelir mes sentiments. Plus le temps passait, plus ils se propageaient douloureusement. C'est donc tout en subissant un sentiment de vide existentiel que je me  dévouais corps et âme au travail.