Dans le bus, sur le trajet menant jusqu'au bar, je pensai aux événements de la veille encore une fois. Bien que Mal m'ait prévenu de ses changements d'humeurs soudaines, j'en avais été stupéfaite. Ses paroles aiguisées tranchaient bien trop avec le joyeux luron ronronnant que je rencontrais habituellement. Y penser à nouveau me dérangea. Pourtant, ce n'était pas dans mes habitudes de m'inquiéter pour le premier venu.
C'est tout en pensant à lui que je descendis du bus. Et c'est tout en marchant que je me rappelais de la raison de mon inquiétude pour lui. Je connaissais bien trop le chemin sinueux sur lequel il glissait.
Alors que je me questionnais inutilement, je vis Oz qui m'adressa un signe de la main. Devant le bar, il n'y avait que lui et son sac à dos posé à ses pieds. Pourtant consciente que seule son odeur nous entourait, je continuais d'analyser les environs.
- Mal n'a pas pu venir, m'informa-t-il.
Percevant un léger trémolo dans sa voix, mon inquiétude se réveilla. Je me repris cependant instantanément. La psychologie de Mal n'était pas le sujet de mon rapprochement envers ces loups, ni même un sujet qui pourrait me faire avancer dans mes recherches, je me contentai alors d'acquiescer avant de pénétrer dans l'établissement. Oz me suivit jusqu'au bar et c'est boissons en mains que nous nous installâmes. Pourtant, mon inquiétude était bel et bien ancrée. Ou alors, étais-ce toujours cette fichue empathie qui ne me laissait pas en paix? Navrée de constater que je n'arrivais pas à penser correctement à notre future conversation, je laissais mon empathie m'enrober. Un instant. Juste un instant.
- Tu pourras dire à Mal que ce n'est pas son fichu caractère qui va me faire décamper.
- Je vais lui dire dès maintenant.
Tout en m'adressant un sourire reconnaissant, tel un messager, il sortit son téléphone et pianota rapidement quelques mots avant de le reposer sur la table, écran contre le bois.
- Bon, avant que tu ne poses la moindre question, il me parait évident d'aborder avec toi nos origines.
Trompée par les photos où il représentait la joie de vivre et entouré par la bienveillance qu'il émanait la veille, je n'avais pas pris suffisamment de recul pour l'analyser. D'une attitude prudente, son regard en amande se plissa légèrement mais ne fit apparaître aucune ride. Il était sans aucun doute bien plus jeune que moi, mais sa prestance et son charisme imposaient un certain respect. Prenant alors conscience que je pourrais difficilement le mener en bateau, je me contentai d'acquiescer tout en domptant mes sens et en faisant le vide dans mes pensées encombrées.
- Il y a mille ans, sur la côte, nos ancêtres commerçaient avec des étrangers venant de terres lointaines. Malgré la bonne entente instaurée, ces étrangers à la peau pâle ne restaient jamais bien longtemps, préférant reprendre la mer sur leurs langskip.
- Les vikings?!
Il acquiesça, un demi-sourire érigé sur ses lèvres.
- Contrairement à ce que la plupart des gens peuvent penser, ils n'étaient pas que des envahisseurs barbares. Ils étaient avant tout des commerçants qui partaient en expédition à la recherche de marchandises. Ils convoitaient surtout les narvals environnants pour s'emparer de leurs défenses frontales. A l'époque, ils vendaient ces excroissances pour une petite fortune. Il se disait que réduites en poudre, elles permettaient de guérir de tout. Avec ces petites fortunes amassées, ils pouvaient construire d'autres bateaux et continuer leurs périples.
Tout en buvant, je me remémorai les inscriptions des panneaux présents au musée qui contaient l'histoire de ces licornes des mers. Peut-être aurai-je dû y porter plus d'attention? Peut-être que les musées qui m'avaient entourée m'auraient permises de mettre la main sur mes origines, ou de me guider vers certaines réserves où mes frères inconnus naissaient.
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Le frère perdu - Leah Clearwater
FanficDerrière la façade d'un sourire fané, Leah était sortie de l'obscurité qui la rongeait. Agrippée par des masses d'ombres, chaque jour sans lui avait été une épreuve impossible à surmonter ... jusqu'à ce que la lumière, bien que diffuse, ne l'aide à...