La tension était palpable. Des mots fusèrent, même parmi mes frères les plus calmes et réfléchis. Plus par devoir que par conviction, Sam tenta de nous apaiser sans réel succès. Il termina même par abandonner en s'égarant dans ses pensées. Lui-même se sentait perdu, ne sachant plus quoi croire, ne sachant pas à quoi s'attendre. Je ne connaissais que trop son esprit rationnel qui me permit de prendre un certain recul sur la situation. Nous étions en sous-nombre pour les affronter. Quels choix avions-nous d'autre que de nous soumettre à leurs décisions?
Alors que je me maudissais de nous avoir condamné à ce qui pourrait être une nouvelle forme d'asservissement, Mal prit dans sa gueule ses vêtements avant de disparaître derrière la maison, laissant les dernières paroles de mes frères en suspension. Évaluant sûrement la situation sans dangers, Oz le suivit à la trace, nous laissant seuls en compagnie de ces deux étrangers. Si nos visages traduisaient de la colère, de la méfiance, ou même de l'appréhension qui camouflait avec peine la peur de certains, les traits de ces deux hommes n'exprimaient rien. Absolument rien. Tout ce que nous pouvions déceler dans ce silence pesant était l'attente d'un ordre de leur hiérarchie. Cette dernière ne tarda d'ailleurs pas à refaire surface.
Accompagné de Oz, Mal marchait de nouveau sur ses deux jambes. Oz s'arrêta devant Sam, l'invitant à serrer la poignée de main qu'il lui tendit en lui annonçant qu'il nous devait des explications. Je ne vis pas Sam réagir à son geste, mais je pouvais aisément deviner qu'il y répondait avec méfiance tout en espérant maintenir un climat de paix. Mon regard n'avait pas pu se détacher de celui de Mal qui avait poursuivit sa marche jusqu'à l'orée du bois. De ses prunelles brisées et d'un geste de la main, timide et hésitant, c'était comme s'il me suppliait de le rejoindre. Poussée par mes sentiments contradictoires, naviguant entre colère et amour, je le rejoignis en tâchant de maîtriser ma démarche empressée.
Nous nous enfoncions dans les bois, jusqu'à ne plus pouvoir entendre Oz conter l'histoire des originels à mes frères. Peut-être préférait-il prendre ses précautions, en nous emmenant encore plus loin des oreilles indiscrètes, puisqu'il continua sa course en prenant soin d'éviter tous les chemins environnants. Mon agacement fut tel que j'en oubliais les regards que m'avaient lancé mes frères, à la fois inquiets et accusateurs d'avoir fraternisé avec l'ennemi.
- Tu comptes aller jusqu'au Canada?
Mal se figea, regarda les alentours, et de son allure dégingandée il rebroussa chemin. Prenant le temps de me rejoindre, je fis le nécessaire pour maîtriser les battements de mon cœur. Les grands nigauds maladroits ne m'avaient jamais attirée, et pourtant, il était là, à proximité. Je pouvais presque sentir son souffle chaud caresser mes joues. J'aurais même pu tendre ma main pour effleurer la sienne. Non sans efforts, je reculais de quelques pas, prétextant vouloir m'installer sur un rocher pourtant dépourvu de tout confort.
- Je suis prête à tout entendre.
Telle une godiche déterminée à en découdre, je croisais les bras. Comme si mon agacement n'était pas assez visible, ce geste mécanique m'hérissa encore plus.
- J'ai beaucoup d'excuses à te faire, j'en suis bien conscient. Mais avant, laisse moi t'expliquer pourquoi nous avons dû prendre nos précautions.
Lui non plus ne maîtrisait pas ses gestes parasites. Il caressa doucement sa nuque, balaya doucement ses cheveux, puis se décida à fourrer ses mains dans ses poches. S'il avait été agacé par sa gêne, son comportement ne me procurait qu'une certaine adoration.
- On connaissait déjà vos légendes. Si nous sommes venus ce soir, c'était pour voir si vous y croyez vraiment. Et je voulais que tous les miens en soient témoins.
- Et quel est le verdict? demandai-je en digérant difficilement cette information.
Si nous épier alors qu'on avait le dos tourné ne lui avait posé aucun problème, il était incapable de soutenir mon regard à présent.
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Le frère perdu - Leah Clearwater
Fiksi PenggemarDerrière la façade d'un sourire fané, Leah était sortie de l'obscurité qui la rongeait. Agrippée par des masses d'ombres, chaque jour sans lui avait été une épreuve impossible à surmonter ... jusqu'à ce que la lumière, bien que diffuse, ne l'aide à...