A une heure où le soleil se trouvait déjà bien bas dans le ciel, à peine dissimulé par la cime des montagnes lointaines, l'eau sombre du Lac Noir miroitait encore de son éclat mystique. Au travers de ce qui ressemblait à s'y méprendre à un miroir, le parcours sinueux des oiseaux et autres créatures volantes s'y reflétait. La nuance dorée du ciel teinté d'ocre crépusculaire rendait le paysage surnaturel et ornait la nature d'un tendre halo. L'horizon tout entier semblait parler, d'une voix inaudible, contant une histoire pleine de vie, de force et de mystère. Au creux du paysage lumineux, on pouvait y lire une aventure qui s'animait au rythme du vent d'été venant caresser les vallées de hautes herbes.
Du haut de la Tour d'Astronomie, une jeune femme aux courts cheveux de jais se laisser bercer par un sentiment de paix, tandis qu'elle contemplait les vastes environs. La délicatesse de l'air qui se frayait un chemin au travers des arches vint effleurer la peau laiteuse de son visage. La sensation lui était agréable.
Face à elle, le monde qui se profilait avait suffit à la ravir tout l'après-midi. La jeune femme avait pris place sur les marches non loin du globe central et s'était laissée aller à l'écoute et à l'observation. Les secondes lui étaient apparues telles des minutes, et les minutes s'étaient appartenaient à des heures. Longues et interminables, mais non moins délectables.
Durant ce temps, vagues avaient été ses pensées. Elles naissaient tels des bourgeons avant de se dissiper promptement, sans avoir eu le temps d'éclore. Au cours des derniers mois qui venaient de s'écouler, rares avaient été les moments de parfaite solitude où seul le flot de ses songes pouvaient encore la dissiper. Alors, pour la première fois depuis longtemps, la jeune femme savourait le moment présent.
Ce soir, elle se tenait là où l'horizon ne semblait plus avoir de secret et où son esprit pouvait librement divaguer. Postée dans les hauteurs de la Tour d'Astronomie, Cyol se sentait en paix. Ce lieu était en tout point devenu son refuge, l'endroit où tout lui semblait plausible et où rien ne venait la déranger. A une exception près...
— A quoi songes-tu donc ? entonna une voix grave non loin derrière elle.
Accoudée contre la rambarde de fer forgé, l'épaisse mèche de sa coupe garçonne flottant dans l'air, Cyol ne se détourna pas de sa contemplation. Elle reconnut sans le moindre mal le timbre rauque et sévère d'Aesop Sharp, qu'elle devinait dissimulé dans l'ombre. Comme à son habitude.
— Vous n'en avez pas assez de surprendre les gens de la sorte, Professeur ?
La désinvolture de son ton n'avait rien d'irrespectueux. Il était plutôt calme et affirmé. Cyol avait eu le temps d'apprendre à connaître le plus cynique des professeurs que comptait Poudlard, durant ces dernières semaines. D'ailleurs, Sharp était devenu son principal guide entre les couloirs malicieux de l'école ⎼ si on pouvait appeler leur lien de la sorte. La jeune femme s'était alors appropriée le même ton avec lequel il pouvait parler couramment. A tel point, que cela en était devenu un jeu ou bien une marque de reconnaissance entre eux. Ce n'était pas encore très clair.
Cyol perçut le bruit sourd de ses talons de souliers se rapprochant d'elle, lentement, raisonnant contre le bois de la plateforme sur laquelle ils se trouvaient. Ainsi, l'homme au visage balafré vint prendre place près d'elle ⎼ à une distance suffisamment raisonnable pour ne pas être "proches" l'un de l'autre.
— Si te surprendre est une chose aisée, je ne donne pas cher de ta peau cette année.
Cyol laissa s'échapper un léger rire, un soupir tout du moins.
— Vos encouragements me vont droit au cœur. Je crois que vos enseignements m'aideront à me faire quelques ennemis, acheva-t-elle d'un rictus moqueur sans jamais détacher son regard de l'horizon.
A son tour, Aesop Sharp émit un ricanement subtil.
Si quiconque passait dans le coin - un autre professeur ou un elfe - il se dirait instinctivement que ces deux-là ne s'estimaient pas plus que cela. Pourtant, Cyol avait passé beaucoup de temps en compagnie du Professeur Sharp à son arrivée, et ce dernier lui avait appris tout ce qu'il pouvait en peu de temps sur Poudlard et l'univers dans lequel ils se trouvaient... Elle qui ne semblait rien connaitre ou reconnaitre.
Ainsi, c'est auprès de lui que Cyol eut l'impression d'obtenir les meilleurs conseils. Rudes, mais sensibles. Brutaux, mais réels. Aesop Sharp ne mâchait pas ses mots et il était d'un genre peu appréciable, mais plus on apprenait à le connaître, à lire au travers de ses mots, plus il paraissait accessible. Une chose que Cyol avait, semblait il, remarqué.
— Alors, à quoi pensais-tu durant tout ce temps ? lui redemanda-t-il en se tournant vers elle.
La jeune femme émis un long soupir, comme si elle était accablée par le poids de ses pensées. Seulement, elle reprit sa contenance la plus naturelle et détourna la vérité qu'elle ne voulait exprimer.
— Je songeais à cette année qui s'apprête à commencer.
Elle ne dit rien de plus.
Au fond, Cyol avait l'esprit emplit de bien des choses troubles. Ce monde qui l'entourait de toute part lui semblait distant et obscur. L'absence de ses souvenirs n'en rendait la sensation que plus pesante. Alors oui, elle songeait à cette année qui allait s'écouler. Seulement, cela était parasité par un vaste nombre de questions. Parviendrait-elle à vivre les jours comme des moments authentiques, ou ne cesserait-elle de courir après les pièces de puzzles égarées ? Serait elle en mesure de se sentir comme quiconque, chez-elle, sans éveiller le moindre soupçon, ou serait elle bien incapable de se fondre dans la masse ? Trouverait-elle les réponses enfouies à tout ce qui la perturbe, à ce qu'elle est, ou demeurerait-elle une énigme éternelle pour elle-même ?
Cyol inspira profondément. L'air délicatement frais vint emplir ses poumons, tandis qu'elle tentait de remettre en ordre les bribes d'idées qui vacillaient dans son esprit. Sa conscience lui sembla être un fardeau de plus.
— J'imagine que tu te demandes encore où est ta place au sein de cette réalité ? demanda le Professeur Sharp toujours de son œil inquisiteur posé sur elle.
Bien que son visage restait impassible, Cyol s'avérait surprise qu'il comprenne aussi vite ce qui se dissimulait entre ses mots.
— Disons que je me suis faite à l'idée que rien ne me semblera jamais clair.
Sur ces mots, le silence reprit place entre eux. L'absence de parole n'en était que plus éloquente. A son habitude, Aesop Sharp n'approfondissait jamais les choses, il n'en avait pas besoin. Quant à son élève, elle n'en attendait rien.
Alors que Cyol aurait pu rester là encore un long moment, le timbre légèrement posé du Professeur des Potions s'éleva à nouveau au sein de cette bulle paisible.
— Je crois qu'il est temps pour toi d'aller te préparer, Cyol.
Puis, une fois sa parole évanouit dans l'air, il se détourna et repartit d'où il était venu, tandis que la fumée d'une locomotive à vapeur s'élevait à l'horizon.
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REKINDLE THE STARS - Sebastian Sallow
FanfictionOn dit bien souvent du hasard qu'il n'est qu'un concours de circonstances. Un jeu dangereux dans lequel l'inattendu, l'inexplicable se produit. Seulement, était-ce véritablement le hasard qui avait menée Cyol aux portes de Pré-au-Lard cette nuit là...