On dit bien souvent du hasard qu'il n'est qu'un concours de circonstances. Un jeu dangereux dans lequel l'inattendu, l'inexplicable se produit.
Seulement, était-ce véritablement le hasard qui avait menée Cyol aux portes de Pré-au-Lard cette nuit là...
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Attablés dans l'obscurité feutrée de la taverne, à quelques pas seulement des imposantes cuves de bièraubeurre qui conféraient à cet espace une ambiance empreinte de tradition et de chaleur, Syrona s'efforçait de restituer à Cyol les moindres détails de cette nuit singulière.
Pendant ce temps, Sebastian, immobile et silencieux, observait Cyol. Son regard, perçant comme une lame, scrutait chacun des gestes de la jeune fille, tentant de déchiffrer les indices camouflés derrière le masque de ses expressions. Le rideau de sa mèche brune tombait partiellement devant ses yeux, ajoutant une nouvelle couche de mystère. L'oreille aux aguets, il écoutait aussi attentivement chaque mot prononcé par la tenancière.
La sorcière de son âge lui avait délibérément menti dès le début, et la culpabilité qu'elle ressentait était palpable dans son regard évitant le sien. Pourtant, Sebastian ne pouvait lui en tenir rigueur : ils étaient encore étrangers l'un pour l'autre, et elle avait parfaitement le droit de garder des pans de sa vie confidentiels. Cependant, les circonstances rendaient ce choix particulièrement troublant.
— Jusqu'à un certain moment, les événements de cette nuit-là suivaient une trajectoire plutôt banale, réfléchit Syrona en retissant son chignon. Les marchands commençaient à ranger leurs échoppes et à verrouiller leurs boutiques, tandis que les villageois regagnaient la chaleur de leurs foyers. Puis, à un instant précis, le vent s'est étrangement retourné. La nuit s'est plongée dans une obscurité de plus en plus pesante, et le subtil changement dans l'atmosphère laissait présager quelque chose de surnaturel, révéla la tenancière. C'est précisément au moment où je revenais d'une course à l'extérieur du village que quelque chose a brusquement changé. J'ai salué certains de mes voisins en chemin, et au cœur de Pré-au-Lard, un cri perçant a déchiré la tranquillité de chacun.
Une brève pause ponctua les paroles de Syrona, ses sourcils se fronçant légèrement alors qu'elle cherchait les détails manquants dans ses souvenirs.
— Je crois avoir agi par instinct à ce moment-là. Je me suis précipitée sur la place, sans la moindre idée de ce qui m'y attendait. Quand j'ai atteint l'endroit où se trouvait Calliope Snelling, la visagiste, j'ai brusquement saisi la gravité de la situation. Une jeune fille aux longs cheveux noirs gisait au milieu de la neige, vêtue d'une tunique rudimentaire en toile de jute, son corps marqué de contusions, son visage ensanglanté... Tu étais là.
Syrona s'interrompit à nouveau, replongeant mentalement dans la scène, ressentant le malaise qu'elle suscitait chez ceux qui l'écoutaient attentivement. De son côté, Sebastian avait détourné son attention pour se focaliser complètement sur le récit troublant de Syrona, à la recherche d'indices à saisir.
Cyol redevenait un mystère perturbant, hors d'atteinte.
— Je reste perplexe quant au fait que les autres villageois n'aient pas pu t'aider, mais tous semblaient cloués sur place par la terreur. Sans perdre un instant, je me suis précipitée vers toi, inconsciente et pâle, te couvrant de mon manteau et te transportant jusqu'à ma taverne. Tu souffrais d'hypothermie, précisa la tenancière d'un ton résolu.
