On dit bien souvent du hasard qu'il n'est qu'un concours de circonstances. Un jeu dangereux dans lequel l'inattendu, l'inexplicable se produit.
Seulement, était-ce véritablement le hasard qui avait menée Cyol aux portes de Pré-au-Lard cette nuit là...
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— 𝓟𝓸𝓲𝓷𝓽 𝓭𝓮 𝓥𝓾𝓮 𝓐𝓵𝓽𝓮𝓻𝓷𝓪𝓽𝓲𝓯 —
Quelques mois plus tôt...
A mesure que les jours s'écoulaient par delà la fenêtre, l'hiver perdait progressivement de sa rigueur. Cependant, chaque matin qui se levait ressemblaient en tout point au précédent, et chaque nuit tentait de faire de l'ombre à celle de la veille. Le passage du temps se réduisait à une série de moments se chevauchant : les secondes devenaient des minutes, les minutes des heures, et les heures des jours.
Du haut de sa fenêtre, perchée à près de dix mètres de hauteur, une âme esseulée observait sans cesse le monde extérieur d'un regard morne. Des pins drapés d'une fine couche de neige, un lac aux eaux sombres figées par l'hiver, et des individus défilant, vêtus uniformément de longues robes noires enveloppant leurs épaules et leurs silhouettes.
— Je constate que tu n'as toujours rien avalé, remarqua une voix rocailleuse teintée de navrement.
Au son de cette voix, dissimulée derrière un rideau de cheveux noirs tombant en cascade sur son visage et ses épaules, la jeune fille vêtue d'une longue blouse blanche demeurait immobile. Recroquevillée sur ses genoux, ne déviant pas son regard de l'extérieur. Ses mutismes répétés renvoyaient un refus obstiné à toute interaction, la maintenant dans une contemplation silencieuse du déroulement implacable du temps.
Le grincement d'une chaise ancienne s'éleva dans la pièce lorsque le visiteur prit place, en retrait, non loin de la porte.
La seule lumière qui pénétrait dans la pièce - une petite chambre bien aménagée - provenait de la pâleur du jour s'insinuant par la fenêtre. Lampe à huile, bougies, rien de tout ceci n'était nécessaire quand la clarté du matin prenait place.
— Le temps semble plus clément aujourd'hui, fit remarquer le visiteur.
Son observation n'obtint pour seule réponse qu'un silence assourdissant.
L'homme qui s'était initialement présenté quelques semaines auparavant, au jour où la jeune femme mutilée s'était éveillée, se nommait Aesop Sharp - l'un des professeurs du château dans lequel elle se trouvait. Il toussa légèrement pour attirer l'attention, mais il était évident que ce visiteur n'était pas des plus habiles pour combler les silences pesants qui régnaient dans la chambre.
— Aujourd'hui encore tu n'as ni souvenir, ni réponse j'imagine ?
La jeune fille, repliée sur elle-même, vivait dans l'incertitude et l'ignorance. Des jours, des semaines s'étaient déjà égrenés sans le moindre changement. Depuis cette première nuit où ses paupières s'étaient lentement relevées jusqu'à cette matinée lumineuse d'hiver, son âme tourmentée semblait demeurer plongée dans un sommeil profond, presque hypnotique. Un sommeil si intense, si déroutant qu'elle ne pouvait y échapper.
