11 - Aïden

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« La raison pour laquelle tant de gens trouvent qu'il est si difficile d'être heureux c'est qu'ils imaginent toujours le passé meilleur qu'il ne l'était, le présent pire qu'il n'est vraiment et le futur plus compliqué qu'il ne le sera. » Marcel PAGNOL



       

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Bach Marcello – Adagio

Mardi 13 mai

21 h 19

Aïden


Le doux concerto de Bach-Marcello, Adagio, s'élève à travers le penthouse et m'emporte loin de toute cette terrible réalité. Je ferme les yeux afin de ressentir et vivre ce mouvement... Chaque note de musique m'émeut jusqu'au plus profond de mon être. J'ai besoin d'évacuer ce qui me ronge de l'intérieur, ce qui me torture et me rend si vulnérable. Je me laisse aller à cette douce mélodie, ces accords calmes, marquant le temps qui passe et la vie qui s'écoule. Ce chant mélancolique me laisse aux bords des larmes. Ce désespoir que je retiens du plus profond de mon âme et cette impuissance à m'en sauver.

Je suis perdu et confus face à ces deux femmes qui, aujourd'hui, sont si différentes l'une de l'autre. L'une vit dans mon passé, inestimable, comme un véritable écrin qui laisserait imaginer et deviner le sublime diamant qu'il abrite pour l'éternité. L'autre vit dans mon présent, addictive, comme un fruit défendu qu'il m'est interdit de cueillir et de savourer.

Melinda m'apporte un certain apaisement et un nouvel espoir, deux sentiments que je ne connais plus depuis ces dernières années. Elle est plus forte, plus courageuse, mais aussi dangereusement séductrice, ambitieuse, prête à affronter le monde et à lui déclarer la guerre, s'il devait se mettre en travers de son chemin. Elle est tout son contraire. C'est si déroutant, si troublant. La confusion règne en moi, telle une reine sur son trône et dans mon esprit torturé.

Debout face à ce dessin qui reflète l'immense douleur que je ressens au fond de mes tripes, je lutte contre l'envie de traverser mon vestibule et la rejoindre. Elle qui m'a séduit sans vergogne, il y a quelques heures, et que j'ai repoussée comme un crétin. Elle me verrait foncer droit sur elle, tel un lion enfermé bien trop longtemps en cage, qui a besoin de chasser, manger et de retrouver ses instincts de prédateur. Je lui montrerais toute ma force, le manque douloureux que mon corps traverse loin du sien, et je me perdrais en elle. La vue des roses blanches dans le vase posé sur la console me rappelle combien j'ai pu être heureux par le passé.

Prenant une fleur et la portant à mon nez, je respire le parfum délicieux et nostalgique qu'elle dégage et réveille en moi. Le passé n'est jamais loin, Aïden, il reviendra toujours te hanter. Cette femme fait partie de mon passé, mais elle est encore si présente à ce jour. Humant de nouveau la rose, je me rappelle combien nous avons été proches de notre bonheur et combien il a été si injustement arraché à nos vies. Je me souviens de la pureté de son regard, de cette paix intérieure que je lui enviais tant et de son éternel sourire. Elle était si innocente et si pure, toujours intimement convaincue que notre monde était un havre de paix où les êtres malveillants n'existaient que dans les films. J'entends encore sa voix me chuchoter avec douceur :

« Aïden, ne laisse pas la colère obscurcir ton cœur.

Nous l'aurons notre fin heureuse, je te le promets... Je t'aime, Aïden Kyle. »

Je voulais la protéger, la garder tout contre moi, pour ne jamais la laisser me quitter. Mais j'ai échoué. Elle est partie dans ce monde bien à elle d'où je ne peux la sauver. Je secoue furieusement la tête. Mes pensées s'embrouillent et j'aimerais pouvoir remonter à la source, dans mon passé, pour me couper de cette douleur et apaiser ma colère. Une seule question me taraude depuis que je l'ai prise contre mon torse cet après-midi. Comment concilier mon lourd passé avec la vie si organisée que je mène aujourd'hui sans tout anéantir sur mon passage ? Il me faut une solution. La situation m'échappe. Je perds le contrôle, et cela me met hors de moi et me hante jusque dans mes nuits. Il n'y a aucune solution et tu le sais très bien. Melinda s'approche trop dangereusement de moi. Elle a une emprise que je n'arrive plus à maîtriser, et je ne peux y succomber pour le moment. Pas tant que la situation ne sera pas sous contrôle. J'ai déjà retourné le problème dans tous les sens, reprenant inlassablement tout depuis le début, pour trouver la faille qui me libérera de toute cette merde. Mais je suis pieds et mains liés par ce passé obscur et douloureux qu'elle ne pourrait pas comprendre. Je n'ai pas le droit de la laisser entrer dans ma vie. Une fois qu'elle connaîtra la terrible vérité, la réalité lui deviendra insupportable, et elle me quittera... pour toujours. Et elle aura parfaitement raison, imbécile ! Je me tape sur le front afin d'imposer le silence à cette petite voix qui me dit et me répète jusqu'à la folie à quel point j'ai été stupide de laisser les choses en arriver là. J'aurais dû rester et me battre. Au lieu de quoi, j'ai opté pour la facilité, et me voilà pris au piège aujourd'hui avec cette femme que je désire plus que tout.

Je sors mon téléphone de ma poche, hésitant à composer le numéro. Mes doigts caressent l'écran et la photo du visage magnifique qui s'y trouve. Je dois me résoudre à la supprimer. Il m'est essentiel, presque vital, de passer cet appel afin de préserver ce lien précieux. La main tremblante, je regarde ce magnifique tableau accroché au mur et me conforte dans l'idée que je n'ai plus le choix.

—Bonjour, Madame... Oui, c'est moi. Comment allez-vous depuis notre dernière conversation ? demandé-je en me tenant l'arête du nez, crispé par la situation qui m'échappe. Je maîtrise la... Oui, Madame, vous pouvez me faire confiance... Comment vont les choses de votre côté... ? Il m'est extrêmement difficile de garder mon calme au vu de la situation... Oui, je le sais très bien, et je vais m'y tenir... pour elle. Cela a toujours été pour elle...

Une larme roule le long de mon visage et se meurt au sol...

— Oui, Madame... À bientôt et prenez soin de vous.

Je tourne en rond quelques secondes. Je lève la tête vers le cadre où le dessin me rappelle mes priorités en m'ébouriffant les cheveux et tenant fermement mon téléphone. Tu n'as plus le choix, Aïden ! Je compose le numéro avec la ferme intention de mettre fin à toute cette merde que j'ai lamentablement laissé m'échapper et dont je dois reprendre le contrôle.

— Ben ! Conseil de sécurité. Je veux tout votre service dans mon bureau, et tout de suite. Ne me faites pas attendre ! Votre patron est de retour, craché-je d'un ton arrogant et impitoyable.


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