Chapitre 5 - Fuite ou folie

33 4 0
                                    


Sous la peau clairsemée de la corolle aux cinq pétales jouaient les zygomatiques.
Impatients de broyer la petite créature tant méprisée.

Eddie ne saisit pas la chaleur dans son corps ni le sentiment de sécurité qui le gagnait. Un réconfort pourtant bienvenu mais étouffé par la menace que représentait le chien.

-" Non, attends !" Eddie tomba à genoux en hurlant. Il savait ce qui allait se passer ; pourquoi ne l'avait-il pas arrêté ?

"Arrête !"

**Sécurité !**

"Je t'en prie arrête !"

** Sécurité **

** Sécurité **

"GNNn... Ah AAH..."

**Confort, sécurité !**

Tirant sur ses boucles noires ; les phalanges blanchies par la pression de ses bagues ; il se recroquevilla.

"Non... non... STOP !"

**Confort !**

Une nausée le prit et il cracha du sang. Ses coudes frottèrent le sol.

Sa chaîne clinquait au rythme des soubresauts de son corps en proie à la douleur.

**Apaisement ! Appartenance !**

"Arrête ! Elle... Elle en a assez eu."

Soumise à l'activité nerveuse résiduelle ; la chair blanchâtre de la créature s'échappait en lambeaux racornis. Lui brisant la voix.

**Menace**

**Danger**

**SANG**

La patte maintenant les deux ailes plaquées forcit. La tête se détacha.

"STTTOO-OP !"

Son cœur manqua un battement. Puis deux.

Il enfonça un bras au creux de son ventre ; ne parvenant plus à émettre un seul son.

Seule la présence du souvenir du
"Hellfire Club" imprimé sur sa poitrine le gardait au bord de la conscience.

**Reconnaissance**


"Toi... Toi je vais t'appeler Ozzie. Seulement si tu me fais la promesse de ne pas me dévorer sans mon consentement."

Le chien vint à sa rencontre, Eddie tapa du poing ; dispersant moisissure, poussières et soulagement. Il gardait sa tête enfouie dans son col. La souffrance subie le rendant euphorique.

Réalisant la teneur de ses propos à la fois burlesques et véridiques ; il ne pouvait s'empêcher de trouver un lien entre lui et le monde à l'envers.

Steve s'était fait lui aussi attaquer par les chauves-souris ; il n'avait pourtant créé aucun lien psychique avec ces bourreaux volants.

Elles l'avaient bien grignoté certes ; tout comme lui. Mais les seuls symptômes que Harrington avait démontré étaient son obstinente arrogance et son agacement perpétuel pour la crevette du groupe.

Voir la chauve-souris mourir lui avait procuré consolation et plaisir. Il pouvait être heureux d'avoir un demo-chien à l'œuvre ; éliminant toute menace potentielle pour lui. Mais... cette loyauté ne correspondait pas au comportement indomptable et agressif de son équivalent fictif ; Demogorgon le prince des démons. Il n'était le sous-fifre de personne. Pourquoi cette créature ne cessait de l'incommoder par ses instincts incessants ?

Il avait compris ses intentions. Le rassurer en détruisant ce qui pouvait lui nuire. Cela devait fonctionner dans les deux sens. Lui ressentait son allégeance. Le chien ; son hystérie envers tout ce qui l'entourait.

Mais pourquoi ? Qu'avait-il fait pour mériter cet intérêt ?

Henderson lui avait bien parlé de Dart, mais cette bête sauvage était restée indomptable malgré son appétence pour les barres chocolatées au nougat.

Et se voiler la face plus longtemps ne lui servait plus à rien. Depuis les douleurs ; Eddie n'avait plus que deux préoccupations.

Pourquoi avait-il choisi ce chemin ?

Il pouvait retourner là-bas. Mais il ne retrouverait pas le groupe, les campagnes. Les concerts chaque mardi.

Sacrifier sa vie et ses rêves pour sauver des gens qui le haïssaient. Il serait toujours recherché et le Hellfire Club soupçonné.

Le lycée. Son diplôme.

Tout ça était maintenant hors d'atteinte. Et quand bien même ; dans quel état retrouverait-il la ville et ses habitants. Atteints par Vecna ou leur propre folie.

Il s'était réveillé ici. Était-ce sa punition pour avoir cessé de fuir ou était-ce une opportunité ?

Cesser de fuir signifiait-il jouer les héros ? Il ne voulait pas être un héros.

Il se redressa, sonné. Le chien l'observait silencieux.

Une seule chose lui faisait peur. Ce canidé abjectement docile était un prédateur tout comme lui.

Se nourrir pour survivre... Comment allait-il s'y prendre ? Tuer d'autres êtres vivants n'était déjà pas chose facile. Mais mêler les conséquences des pouvoirs du monde miroir à son esprit déjà torturé l'était encore moins.

Faire demi-tour et choisir la fuite ou encaisser et se battre sans sombrer ?

Pour aucun des deux, il n'avait la force.

Eddie Munson/Kastheory - Pétales closesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant