Chapitre 9 - Bon chien

29 4 8
                                    

Après quelques gémissements, Eddie se tourna sur le dos.

- Ozzie..

Pattes croisées, tête posée sur le bras d'Eddie ; Ozzie attendait patiemment que son maître refasse pleinement surface.

T'é... t'étais pas obligé.

Ses côtes avaient été enfoncées. Comme la fois où ; se trompant de main, il avait voulu récupérer son sachet de drogue qu'il avait par mégarde jeté avec ses feuilles à cigarette.

Décidé à récupérer son récent achat et ne voulant se salir ; il avait entrepris une ascension périlleuse jambes écartées sur le couvercle arrondi de la benne à ordure.

Celui-ci ne supportant plus le poids et la bêtise de son hôte, s'était refermé.

Étourdi qu'il était, son menton était entré en contact avec le sol, suivi de près par la canette qu'il était censé jeter. Le reste de son corps s'écrasant violemment à sa suite sur un amas de ferraille abandonné le long de la benne.

Faute d'argent et de dignité, il était parti se faire soigner chez Rick la fumette.

Il respira profondément avant d'ouvrir les yeux.

Non, non, non... Qu'est-ce que... ? Je... je vois... J'ai retrouvé ma vue. Il se tourna vers Ozzie, bousculé par sa frustration. Comment est-ce possible ? Après tout ce temps dans l'obscurité, dans la confusion.

Il toussa.

Je peux à nouveau voir. C'est... c'est étrange.

Je ne comprends pas... Comment puis-je avoir retrouvé ma vue ici, dans ce cauchemar...

Peut-être que c'est lié à mes connaissances sur l'Outreterre. Peut-être que j'ai été touché par quelque chose, quelque chose qui a modifié ma perception.

Ses yeux, toujours écarquillés, balayèrent la pièce. Il reconnut immédiatement les meubles familiers.

C'était son mobil-home, son sanctuaire personnel.

Ou... ou peut-être que c'est juste un tour de l'esprit, une illusion. Pour me distraire de la véritable menace qui plane.

Il observait Ozzie à nouveau faire le tour de la pièce. Monter sur les fauteuils, la table. Regarder en l'air. Comme s'il cherchait à attraper une proie posée en hauteur.

**Sang**

Il n'y a rien là h-

**Chair**

Ignore-le, ignore-le... Est-ce que ça a un rapport avec tout ce qui se passe ? Avec le monde à l'envers, Vecna, les portails... Il avait terriblement mal au ventre.

Les portails... Il redressa la tête.

Je suis chez moi.

Il était immense, zigzaguant, démesuré. Se frayant jusqu'à sa chambre et redescendant le long des murs. Séparant l'habitation en deux.

La surprise et l'effroi se mêlèrent dans son esprit. Comment un simple portail avait-il pu prendre une telle ampleur ? Comment pouvait-il se déployer ainsi, dévorant progressivement son univers familier ? Non, non non NON !

OZZIE ASSIS !

Sur le lit pliant de son oncle, Ozzie tenta de trouver son équilibre avant de chuter pour s'élancer à nouveau vers la bibliothèque avec la grâce d'un chat obèse.

Je dois trouver des réponses, des explications...

Il passa une main tremblante dans ses cheveux, essayant de rassembler ses pensées. Son bandana avait disparu.

**Sang**

**Sang**

J'ai des priorités, des responsabilités envers ceux qui comptent sur moi. Je dois trouver un moyen de les protéger, de contrer Vecna.

***

Ozzie, tu vas descendre de là !

**Désir**

- Ozzie laisse ça tranquille ! Eddie tentait, du bas de la bibliothèque ; de faire tomber le chien.

**Sang**

**Chair**

C'est pas un paquet surprise, ce qu'il y a dedans ! Ça pourrait nous attaquer, tu vois pas que c'est trop gros pour toi ?!

**Délivrance**

Eddie ne pouvait qu'effleurer ses pattes en sautant. Lançant de simples coups de tête réfléchis dans la membrane bigarrée, Ozzie l'ignorait complètement.

Un vertige l'assaillit brusquement. Ses jambes tremblantes, sa vision se troublant un instant. La peur soudaine de revivre cette sensation ; cette infirmité.

Ignorant ce que contenait ce cocon et sentant l'urgence de se protéger ; il préféra foncer dans sa chambre sans considérer le chaos organique qui s'organisait au-dessus de sa tête.

Il s'arrêta net au milieu de la pièce. Byers, Byers. Le petit Byers. Quatre-vingt-trois. C'est ce que Wheeler avait dit. Allez, quoi... Je prends quoi ?!

Des ceintures... Ça pourrait marcher. Boucles après boucles ; les mains tremblantes ; il les aligna sur le lit.

Toi, je m'occupe de toi en dernier. Il forma une longe assez grande pour éviter tout dommage physique de la part d'Ozzie.

Il grogna. Une douleur aiguë le traversa ; s'intensifiant à chaque inspiration. Une brûlure sourde se propageant dans son estomac. Que... Qu'est-ce...

**Sang**

**Sang**

**Douleur**

Il secoua la tête, luttant contre le vertige persistant. Concentre-toi.

À... à ton tour maintenant. La faiblesse s'emparait de ses membres, rendant chaque mouvement laborieux. Il prit la ceinture qu'il avait écartée et retourna le cran de manière à ce qu'elle ne se coince pas. Glissant la sangle dans la boucle et attachant l'extrémité à l'autre ceinture, il cherchait un point à fixer dans l'espace. Garde l'équilibre ; flanche pas.

** Douleur**

- Non... je ne peux pas... je ne peux pas lui faire de mal...

Mais pourquoi est-ce que je dis ça ? Je... Je n'ai aucune raison de lui faire du mal...

Je veux juste l'éloigner. Le lier et l'éloigner.

**Sang**

**Chair**

**Puissance**

Eddie, déstabilisé regagna le salon. Qu'est-ce qui m'arrive ? Et p.. pourquoi ces pensées me traversent l'esprit ?

Elles... Elles n'étaient pas ciblées. Il regarda son chien. Oui son chien. C'est tout ce qu'il avait. Tout ce qu'il lui restait.

Il l'observait. Ozzie continuait de donner des coups de tête en reniflant par instant. Attendant une réaction.

C'était ce qu'il lui semblait. Raisonner était devenu difficile, il voulait juste partir.

Il vit alors la membrane s'animer. Il recula ; s'appuyant contre la petite tablée proche de la porte.

C'est ça ta technique de chasse ?! Agacer ta proie jusqu'à ce qu'elle pète un câble et se jette sur toi ?

Il plia les genoux. La fatigue le rendait euphorique. Il pouffa.

C'est pour ça que je n'ai croisé que toi.

Si vous vous entêtez à tous vouloir vous faire gober par plus gros que vous bah... Je donne pas cher de ta peau, mec.

**Chair**

**Faim**

Et... et de la mienne non plus.

Ozzie descendit immédiatement de la bibliothèque lorsque le fracas métallique d'une chaise atteignit ses conduits acoustiques.

Bon chien.

Eddie Munson/Kastheory - Pétales closesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant