Chapitre 15 - La salle aux lumières trop blanches

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- Et bien, allons manger quelque chose.

Ils se dirigèrent vers le fast-food le plus proche, un endroit où Eddie avait l'habitude d'aller après ses séances. Il aimait la nourriture rapide et grasse, cela lui procurait un certain réconfort après le laboratoire. Mais il ne se souvenait jamais de ce qu'il y avait mangé.

L'oncle Wayne le laissa sur le pas de la porte. Il savait où se trouvait les clés.

- Tu ne touches à rien, on se voit pour dîner. Sa vieille voiture crachait la même fumée qui semblait lui encrasser les poumons.

Eddie ferma doucement la porte de sa chambre, les mains moites et le cœur battant la chamade. Il venait de subtiliser un des magazines de son oncle. Rempli de photos de groupes de rock légendaires et d'articles sur les dernières tendances musicales des années 70 ; ce petit acte de transgression lui donnait un sentiment de liberté et d'indépendance qu'il ne ressentait pas souvent dans sa vie quotidienne.

Qui allait arrêter le petit Munson fraîchement âgé de 13 ans ? Surement pas l'oncle Wayne. Il n'obéissait qu'aux hommes en blouse blanche qui lui avaient trouvé un travail à l'usine. Il ne les aimait pas. Avec leurs grosses voitures noires ; ils débarquaient au mobil-home et l'accompagnaient à la salle aux lumières trop blanches.

Il y était venu tant de fois auparavant. Pourtant, une appréhension, une angoisse diffuse qui lui donnait envie de fuir lui grignotait à chaque visite l'estomac. C'était toujours la même routine. Ils le plaçaient sur une table métallique, lui attachaient les bras et les jambes avec des sangles serrées et le laissait immédiatement ressortir avec une sensation pâteuse dans la bouche et une horrible migraine.

Eddie savait que s'il se faisait prendre, son oncle serait furieux. Wayne avait toujours été protecteur envers ses magazines de musique, les gardant soigneusement rangés dans la bibliothèque du salon. Pourtant, la tentation de découvrir ce trésor musical était trop forte pour qu'il y résiste.

Il s'installa sur la moquette, le magazine posé devant lui. Les pages remplies de photos en noir et blanc des Rolling Stones, AC/DC et Pink Floyd l'enchantaient.


27 juillet 1979

AC/DC, le légendaire groupe de hard rock australien, a secoué la scène musicale avec la sortie de leur sixième album studio intitulé "Highway to Hell". Le groupe emblématique, connu pour ses riffs de guitare puissants et son énergie débordante, prouve une fois de plus pourquoi il est l'une des formations les plus influentes de l'histoire du rock.

"Highway to Hell" offre un mélange explosif de morceaux qui ne laissent personne indifférent. Des hymnes rock tels que "Highway to Hell" et "If You Want Blood" électrifient les foules lors des concerts, tandis que [...]



Déstabilisé ; il avait l'impression que ce cliché glissé entre deux pages cachait un secret. L'homme aux cheveux blancs devant lui, ses yeux le fixant avec intensité.


- Qui es-tu ? murmura-t-il à la photo, comme s'il espérait que l'homme puisse lui répondre.


Il jeta le magazine au milieu de la pièce. Le portrait tomba sur ses genoux. Des marqueurs abandonnés traînaient au pied de son lit. Eddie saisit le marqueur indélébile et commença à rayer la photo avec férocité, cherchant désespérément à effacer le visage de cet homme. Mais plus il griffonnait, plus l'homme envahissait sa tête.


Eddie martelait le sol de son poing. Faisant éclater ses émotions. En sueur, les yeux écarquillés ; son cœur battait la chamade.

Ce... c'était quoi ça encore. Reprends-toi, bon sang c'est pas vrai !

J'ai dormi, n'est-ce pas ? se dit-il à voix haute. Je n'aurais pas dû. Je n'aurais jamais dû baisser ma garde.

Je suis SI faible ! Il plaqua sa main sur la peau rugueuse du chien, sentant le battement irrégulier de son cœur. L'animal sursauta légèrement. Eddie se redressa et s'appuya sur ses coudes.

Il avait passé trop de temps à s'inquiéter sur son propre sort.

Il observa les alentours pour se rassurer qu'il était bien revenu à la réalité. Le cocon, la bibliothèque sur laquelle Ozzie s'était perché.

La bibliothèque... Eddie se rappela soudain de son rêve, de cette photo de l'homme dans le magazine. Il secoua la tête pour chasser ces pensées.

Ça va aller, Ozzie, murmura-t-il en caressant le chien.

C'était juste un mauvais rêve, rien de plus.

Mais même en se répétant ces paroles, Eddie ne pouvait s'empêcher de se mentir à lui-même.

Se ressaisissant, il regarda attentivement le chien qui était toujours contre lui. Ozzie semblait endormi. La plaie était toujours là, profonde et suintante.

Ozzie, debout !
Implora Eddie en secouant le chien. Je n'aurais pas dû me laisser aller, je n'aurais pas dû m'endormir.

Mais Ozzie ne réagissait pas, il semblait trop faible pour bouger. Eddie pouvait sentir la souffrance émanant de son corps. Ses pattes tremblaient légèrement, témoignant du combat intérieur qu'il menait en silence.

Pourquoi, pourquoi tu m'as laissé m'endormir ?! s'écria Eddie, la voix emplie de colère et de culpabilité. Tu... tu aurais dû me prévenir. Et cette maudite connexion pourquoi elle ne s'est pas rétablie ?! Il prit la tête d'Ozzie entre ses mains. Les pétales distendus laissaient paraître les rangées de dents menaçantes en totale inadéquation avec ce corps si vulnérable.

Pourquoi je ne me suis pas rendu compte ? continua-t-il, la voix tremblante. 

Je... je suis un abruti, j'aurais dû réagir avant. Te soigner. Arrêter de penser à moi.

Ses mains tremblaient, mais il se forçait à rester calme. Il ne pouvait pas se permettre de perdre à nouveau son sang-froid. Il prit une profonde inspiration pour se calmer, mais l'angoisse était toujours là ; prête à l'étreindre. 

Était-ce seulement possible ? L'état dans lequel il s'était retrouvé ; cette douleur, cette violence. Il en avait peur. Il se leva d'un geste brusque, sentant la frustration prête à déborder.

Faire les cent pas dans la pièce, passer sa main dans ses cheveux en désordre. Il avait besoin de bouger, de libérer cette tension qui le submergeait.

Couché sur le ventre, les pattes repliées sous lui ; Ozzie préservait et réchauffait ses organes vitaux. Eddie n'avait le temps de penser à autre chose. Il l'avait déjà cru mort une fois. Il ne voulait pas qu'un doute se transforme en une certitude. 

De quoi te soigner, de quoi te  soigner... Seize ans... Il ne les avait pas encore trouvé.

Eddie Munson/Kastheory - Pétales closesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant