Chapitre 19 - Une cicatrice pour se rappeler

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- Vous l'avez pris sans mon accord ! C'était mon sang, ma famille.

- Il a toujours été notre propriété, un sujet de l'expérience. Tu n'as jamais eu aucun droit sur lui.

- C'est mon sang !

- Ta famille n'a toujours été que des vendus. Ton frère a accepté notre marché. Il nous a confié la garde de l'enfant. Nous avons investi du temps et des ressources sur lui.

- Et c'est comme ça que vous traitez un gamin ? Vous l'avez blessé, traumatisé.

- Cela ne te regarde plus ; il n'a pas été aussi utile que nous l'espérions. Il n'a jamais été à la hauteur des autres. De toute façon, nous allons recommencer avec de nouveaux sujets. Des sujets qui répondront mieux à nos attentes.

- Que va-t-il se passer alors ?! Vous allez lui faire subir des expériences encore plus atroces ?! Il n'en a pas encore eu assez ? Effacer sa mémoire, le transformer en une coquille vide ?

- Nous savons ce que nous faisons. Nous obtenons des résultats.

- Des résultats ? Vous-

La dispute continuait, les voix se mélangeaient à mesure que les émotions s'intensifiaient. Ces éclats de conversation se mélangeaient à ses rêves. Ses yeux s'agitaient sous ses paupières.

- Son père était un faible, influençable et stupide. Il a vendu son propre sang pour... pour-

- Pour une poignée d'argent. Sa mère-

- Sa mère n'a eu aucun mot à dire, elle a été effacée de la vie de ce gamin, tout comme moi.

- Ton incursion familiale ne nous concerne en rien. Ils voulaient se débarrasser d'un problème, nous avons saisi une opportunité.

- Opportunité ? C'était de la manipulation. Vous avez su comment les prendre quand ils étaient vulnérables.

- Tu as toujours été le grand frère n'est-ce p-

- Vous voulez lui effacer la mémoire ? Très bien, effacez donc la culpabilité de son père ! Vous saviez que j'avais peur de mon propre frère, que j'étais incapable de le contrôler. Ce... C'était pour ça... Ce numéro de téléphone qui est apparu.

- Les circonstances sont ce qu'elles sont. On avait besoin-

- Mais...

- Fermez-la Wayne ! Si son père a terminé en prison, c'est de sa propre faute. Avec ou sans notre aide, il y aurait fini tôt ou tard.

On ne peut pas le garder, Wayne. Tu as besoin d'un travail. D'argent. On a besoin de s'en débarrasser. Ne fais pas le difficile.

- Vous profitez des faiblesses des gens pour tout obtenir. Je vais reprendre cet enfant. Je l'aurai repris quoi qu'il-

- Quoi qu'il arrive ? On sait Wayne. Hawkins nous appartient. Ton quotidien nous appartient.

La tension entre le docteur Brenner et Wayne montait en flèche, et les paroles échangées devenaient de plus en plus explicites et menaçantes. Wayne ne pouvait plus soutenir l'idée que le laboratoire pouvait encore avoir une quelconque mise sur sa famille. Eddie ; semi-conscient, était pris au milieu de cette confrontation. Ses poings serrés froissaient sa couverture de survie.

- Je n'ai pas à justifier mes actions devant vous.

- Bref. Numéro dix va-

- Eddie.

- Eddie va rentrer chez vous. Il lui sera prescrit des visites hebdomadaires. Mais tout d'abord-

Alors que ses paupières s'ouvraient et que ses sens reprenaient peu à peu leurs fonctions ; la dispute s'intensifiait. Un chaos cacophonique qu'il n'avait pu imaginer dans ses cauchemars.

- J'ai... J'ai mal.

- Ce tatouage doit disparaître. C'est le symbole de son parcours dans cette expérience ; un échec que nous ne pouvons pas oublier, mais que nous pouvons effacer.

- Brenner ! Ce tatouage représente tout ce qu'il a vécu ici. Les épreuves, la souffrance. Sa vie ! Sa vie Brenner ! Vous ne pouvez pas l'effacer comme si tout ça n'avait jamais existé.

- Nous avons tout ce qu'il faut. Il n'en restera aucune trace. C'est une nécessité Wayne. Nous ne pouvons pas nous permettre de garder les échecs. Nous avons des objectifs à atteindre. Tu es un sentimental, tu ne peux pas comprendre la portée de notre travail.

- Des objectifs à atteindre. Faites-moi rire ! Vous voulez effacer toutes les preuves de vos expériences macabres en enlevant ce tatouage et sa mémoire. Eddie mérite une chance de se reconstruire, de... de se rappeler ce que vous lui avez fait subir. Je ne vais pas vous laisser lui enlever ça. C'est mon neveu, mon sang !

- Papa ? Papa que se passe-t-il ? Le Docteur Ellis, elle... Et Six, Papa... Ils-

- Dix, calme-toi.

Wayne se figea, il savait que Brenner l'observait, qu'il attendait depuis longtemps cette craquelure, cette faiblesse. Son visage passant d'une expression furieuse à une profonde douleur. Les larmes menaçaient de couler ; trahissant ses émotions.

Le Dr Brenner eut un sourire en coin.

Tu es trop impliqué émotionnellement, Wayne. Dix, je vais t'inoculer un calmant pour ton bras. Il y a eu un accident. Mais tout va bien maintenant. Brenner passa une main rassurante sur les cheveux rasés du garçon.

L'émotion s'entremêlant entre chaque syllabe ; la voix de Wayne trembla alors qu'il reprit la parole.

Eddie toujours groggy et déboussolé écoutait les mots comme s'ils étaient à des kilomètres de distance. Il essayait de comprendre, de se situer. Tout ce qui le raccrochait à l'instant présent avait disparu. Ses frères et sœurs ; les médecins ; les infirmiers. Les gardiens.

Il regarda la main qui serrait la sienne.

Wayne détourna son attention d'Eddie et se tourna vers le Dr Brenner. Son visage marqué par le regret et le chagrin.

- Si Eddie doit oublier, il aura toujours une cicatrice pour se rappeler.

Sans hésitation, Wayne saisit un scalpel posé sur une table à proximité. Le scientifique réagit avec une vivacité surprenante. D'un geste brusque, il tenta de s'interposer, renversant objets et papiers ; éparpillant leurs secrets sur le sol. La lumière crue des néons éclairait la lutte des deux hommes. 

Le scalpel s'approcha du poignet d'Eddie, la lame étincelante à la lueur de la pièce.

Et tandis que Wayne pressa la lame contre la peau du garçon, il sentit une larme rouler sur sa joue.

Eddie Munson/Kastheory - Pétales closesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant