Chapitre 22 - Impuissant

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Il avait préféré s'installer à l'arrière. Hopper n'avait cessé de jeter des coups d'œil à travers le rétroviseur.

Eddie donnait l'impression d'être profondément perdu dans ses pensées.

Le chef avait essayé de lui poser de simples questions. Les réponses n'avaient été qu'un ensemble de compositions vagues et parfois même dénué de sens.

Il sursauta quand Hopper lui ouvrit la porte.

L'idée de revenir dans cet endroit le faisait frissonner. Hopper remarqua son hésitation et posa une main réconfortante sur son épaule.

- Hey, Eddie, t'en fais pas. Tu n'as plus rien à craindre ici. Et à cette heure-ci, il n'y a personne. Tout va bien se passer.

Eddie hocha doucement la tête, essayant de se convaincre que Hopper avait raison. Il sortit de la voiture et le suivit à l'intérieur du commissariat. Une fois à l'intérieur, le chef lui prêta des vêtements.

Eddie leva un sourcil en regardant les vêtements que Hopper lui tendait.

- Vraiment, Hopper ? Du bleu marine et du beige ? Vous êtes sûr ? Vous n'allez pas me prêter une chemise hawaïenne pour compléter ce look ?

- Continue et je vais vraiment aller te chercher une chemise hawaïenne gamin. Et tu seras forcé de la porter devant tes amis !

Eddie rit légèrement, malgré sa nervosité. Il prit les vêtements et se dirigea vers les vestiaires.

Une fois sous la douche, il laissa l'eau froide couler sur lui, espérant que cela l'aiderait à éclaircir ses pensées embrouillées.

Lorsqu'il sortit de la douche, ses cheveux humides et frisés à l'excès, tombaient en mèches désordonnées sur son front.

Il se regarda dans le miroir ; s'approchant de son double.

- T'as une sale gueule, Munson.

Le sang séché avait coulé au fond de l'égouttage. Laissant des cicatrices propres.

Si quelqu'un avait pu les voir, il aurait pu penser qu'elles avaient plusieurs années.

Harrington, t'as de la concurrence.

Une ligne mauve marquait son cou. Il l'observa longuement.

Une idée lui vint alors à l'esprit ; une idée folle et désespérée. Il était prêt à tout pour obtenir des nouvelles d'Ozzie. Même sous l'effet de l'alcool. Il verrouilla la porte.

- Allez mon gros, si j'ai réussi à sentir la douleur d'autre créature, je peux le faire avec toi. 

Il se saisit du seul essuie à portée de main et le plia rapidement en un bandeau qu'il réussit à nouer tant bien que mal autour de ses yeux.

Cette méthode certes peu orthodoxe était le seul moyen qu'il avait trouvé pour se concentrer.

Il prit une profonde inspiration, puis ferma les yeux, se laissant aller à la sensation rugueuse du bandeau improvisé.

- Ozzie... Ozzie, bouge tes fesses. Montre-toi.

Tentant de visualiser leur lien de manière nouvelle, il se concentra sur l'image mentale du chien, essayant de le rejoindre à travers cette connexion qu'il apprenait seulement à manier.

Mais tandis qu'il se perdait dans cette totale improvisation, une sensation de douleur aiguë se manifesta soudainement dans sa hanche. Il poussa un gémissement de douleur. Il n'avait pas mesuré la possibilité que lui et sa créature n'avaient pas la même résistance face à la souffrance. Mais quelque chose le rassurait.

Pour Ozzie, la douleur était supportable. Il sentait ce cœur ; à la place du sien. Pompant à un rythme raisonnable. Cette adrénaline contre ce calme. Cela lui donnait la nausée.

Alors qu'il luttait pour rester debout, la douleur s'intensifia.

Se courbant violemment, il cracha du sang dans l'évier.

Il recula. 

Son nez commençait à saigner ; des gouttes écarlates tombant sur le sol carrelé.

Ses genoux ne purent le porter plus longtemps.


Il parvint à enlever le bandeau de ses yeux. 

Ses yeux fatigués se posèrent sur le carrelage, fixant intensément les motifs en constante évolution. Ils semblaient presque embrasser la douleur. Leur offrant une danse au rythme des élancements parcourant sa hanche. Il leva lentement la main et toucha la surface du carrelage, sentant le froid sous ses doigts. Il la  frappa doucement, un espoir vain pour calmer la danse.

  Et alors qu'il observait son propre visage, il oublia de respirer.  Sur ses épaules, deux ailes sombres avaient commencé à émerger, se déployant lentement derrière lui. 

Eddie fixa les ailes, incapable de croire ce qu'il voyait. La douleur dans le haut de sa jambe commençait à s'atténuer, mais les ailes restaient.


* * *


5h04, Eddie alla s'asseoir sur une chaise, les yeux rivés sur le sol.

Il se passa une main sur le visage ; n'écoutant pas vraiment. 

- Hey, Eddie, même si on ne peut pas revenir en arrière. On va retrouver Ozzie, ne t'inquiète pas.

- Je suis vraiment désolé, Hopper. Tout ça, c'est de ma faute. Si seulement j'avais été plus sobre, si seulement j'avais agi plus intelligemment.

- Il faut apprendre de nos erreurs, c'est comme ça qu'on grandit.

- C'est juste que... tout ce que j'ai essayé de faire, ça a mal tourné. J'ai voulu le soigner, le garder en... en... Hopper soupira doucement.

- On fait tous des erreurs, Eddie. Personne n'est parfait. Mais tu ne peux pas te laisser abattre par ça. On va résoudre ce problème ensemble.

Eddie hocha la tête.

- Vous êtes vraiment sûr de vouloir... Enfin, je veux dire, je ne veux pas vous causer de problèmes.

- Je ne peux pas laisser le toutou de Munson se balader sans surveillance dans ma ville.

Eddie aurait dû sourire, mais un monstre l'habitait. Ce n'était pas la peur, mais l'impuissance. Cette créature était bien pire que sa cousine. Elle s'était logée en lui, étouffant toute initiative, le laissant impuissant. Simple spectateur de sa vie.

- Il est... il est spécial. Je préfère être avec vous pour... pour le chercher. Je ne sais pas comment il peut réagir avec les inconnus.

Hopper lui donna une petite tape amicale sur l'épaule. Cela le fit sursauter.

- Eh bien, on va tous les deux s'assurer qu'il rentre sain et sauf. Et... et qu'il ne me morde pas les fesses. Ensuite... tu devrais vraiment penser à ralentir sur la boisson. Ça ne mène qu'à-

- Ouais, je sais... ouais.

Ozzie... Il ne pouvait peut-être rien faire pour lui-même, mais lui ; il pouvait l'aider. Il voulait l'aider. Cette impuissance qui le tourmentait, il pouvait la canaliser. Il pouvait faire une différence. C'était peut-être la façon dont il pouvait combattre ce qui le submergeait.

 Et peut-être, juste peut-être, cette volonté serait la clé pour guider sa propre guérison, un pas à la fois, comme un pansement sur une plaie pour chaque action. 

Chaque action qui finirait par la faire cicatriser avec le temps et l'attention.

Eddie Munson/Kastheory - Pétales closesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant