Une étoile filante

Chapitre 19 - Bataille de boules de neige

Le sol, sous son tapis blanc et gelé, l'aveugla presque. La forêt, entièrement enneigée en cette fin d'année, était bercée d'une douce lumière dorée qui venait quelque peu réchauffer le décor hivernal. Là, au beau milieu des hauts sapins, trônait une longue table de banquet au-dessus de laquelle tombaient en cascade des flocons étoilés. Les cristaux glacés entamaient leur descente depuis le ciel étonnamment dégagé, pour venir s'évanouir juste avant d'atteindre la nappe qui, d'un vert foncé, venait tâcher l'étendue immaculée des sous-bois. Ornée de bougeoirs et de chandelles par centaine, la tablée scintillait de mille feux, ravissant les orbes ténébreux qui s'en approchaient lentement.

Chaque vingt-trois décembre, depuis plusieurs décennies déjà, se tenait le repas de Noël du Ministère. Cette année, le lieu de réception avait été soigneusement sélectionné par le Ministre lui-même. En optant pour une vaste forêt de sapins aux abords de Londres, Gustave Bringman souhaitait conférer aux festivités un air de féérie, à mi-chemin entre la nature boisée du cadre originel et les ornements enchantés que seule la magie permettait. Le petit homme à la parure excentrique ayant un immanquable goût pour le spectacle, nul doute ne planait quant à la réussite et au prestige de cet événement annuel.

Malgré cela, c'est à reculons que Bellatrix s'y rendit. Elle n'était pas friande des réunions de ce genre, et si elle avait fini par octroyer au petit Monsieur Bringman une sympathie certaine, elle n'était guère préparée à supporter son adjoint tout au long d'un repas. Heureusement pour elle, une autre personne assistait également au banquet, une personne pour laquelle la sorcière était prête à tout, même à discutailler des heures durant avec des êtres dédaigneux et désolants au possible, comme l'était notre cher Louis.

Quand elle arriva sur les lieux, et alors qu'elle se faisait éblouir par la fantastique toile de fond qu'avait dressée le Ministre, Bellatrix n'eut rapidement d'yeux que pour Hermione. Cette personne pour qui elle s'était forcée à venir, pour qui elle s'était fait belle, qu'elle désirait séduire.

La plupart des convives étaient déjà arrivés et sirotaient jovialement leur premier apéritif. Gustave, tout de rouge vêtu, était assis en bout de table, tel un Père-Noël miniature présidant l'assemblée. À sa droite, tout fier et tout beau, insupportable surtout, se tenait Louis. Il était apparemment pris dans un discours des plus grandiloquents avec son voisin de table, au point d'ennuyer à mourir celle qui lui faisait face. Une moue assumée sur le visage et le soupir facile, Hermione témoignait sa lassitude sans se cacher une seconde, alors que Louis s'engageait pour la énième fois dans un de ces discours sempiternels dont lui seul avait le secret.

Comme si elle l'avait sentie arriver, la Gryffondor releva la tête à l'approche de la Serpentard. Son regard, jusque-là empreint d'ennui, s'anima aussitôt.

Elles ne s'étaient pas encore croisées depuis leur dîner du vendredi, et ce premier regard échangé vint traduire dans une justesse sans pareille tout le trouble qui les avait assaillies ce soir-là.

Comme ensorcelée par la beauté qui avait frappé ses orbites, Hermione se laissa emporter par la vision édénique qui s'imposait à elle. Sa peau opaline, nitescente sous la lumière hiémale, lui donnait l'allure d'un ange tombé des cieux. L'aspect angélique s'effaçait cependant derrière ses yeux fauves qui, sertis d'onyx, apportaient à son regard une profondeur inquiétante, pourtant tellement attirante. Si l'on ajoutait à cela sa silhouette qui semblait avoir été taillée directement dans le marbre, elle était telle une déité grecque qui appelait à être vénérée. Mais dans son fourreau ajusté, noir de jais, et sous sa chevelure sauvage aux boucles ténébreuses et désordonnées, on pouvait aisément la confondre avec le diable en personne.
Esprit tentateur au masque charnel et au baiser sanglant, dont on se damnerait pour que son toucher nous consume.