CHAPITRE 3 - JODY

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Pour ce chapitre, je vous conseille d'écouter you're somebody else de Flora cash.
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   J'ai à peine le temps d'attraper le volant pour le faire pivoter que la voiture nous frôle de près, trop près, ce qui me vaut un coup de klaxon venant de son conducteur.

Décidément, celui qui se tient derrière le volant cumule visiblement tous les défauts du monde. En plus d'être en tort, il nous lance un regard rempli de méprise, signe que c'est un crétin prétentieux.

  En d'autres termes, il appartient à la pire catégorie de gens que vous pourrez être amenés à rencontrer. J'ai à peine eu le temps de poser les yeux sur son visage mais je peux déduire qu'il n'est sûrement pas d'ici, et c'est tant mieux. Heavenwall est une petite ville, et la plupart des visages se connaissent depuis des années. Or, lui, avec ses cheveux noirs en bataille et son rictus hautain, il ne me dit absolument rien.

    Beth retient un cri étouffé avant de reprendre la main sur sa voiture, tandis que je m'enfonce contre le siège passager, encore haletante.

— On l'a échappé belle ! Non mais, c'est à se demander si certains n'ont pas obtenu leur permis dans un Kinder Surprise ! elle s'écrie, sa voix exprimant un mélange entre soulagement et colère.

    J'opine doucement en tentant de retrouver ma respiration.

– Tu as pu voir son visage ? continue Beth.

    Je me remémore les vagues traits de ce dernier. Difficile d'être précise quand on a qu'un millième de secondes d'échantillon.

– Oui. Je ne l'ai jamais vu. Sûrement quelqu'un de passage.

    Un petit rictus amusé se dessine sur ses lèvres.

– Ou un nouveau...

– Espérons que non, je lâche dans un soupir.

    De toute façon, il y a très peu de chances pour que quelqu'un s'installe ici au tout début du second semestre. C'est plutôt rare de croiser de nouvelles têtes à Heavenwall, mais ça l'est encore plus en milieu d'année scolaire.

    Soudain, une notification attire mon attention sur l'écran de mon téléphone.

   Génial. La journée ne pouvait pas mieux commencer.

   Je pousse un long soupir, moins discret que je ne l'aurais souhaité, et décide de ne pas décrocher. Je le laisse simplement échouer sur ma messagerie non personnalisée. J'ai volontairement choisi de garder la sonnerie standard, afin d'éviter tout sentiment de frustration qui pourrait naître chez mon interlocuteur en entendant ma voix.

   En l'occurrence, Luke.

   Je suis du genre à tout anticiper. Je n'aime pas quand quelque chose n'est pas calculé. En général, quand quelque chose m'échappe, l'anxiété s'éprend rapidement de moi et débouche fréquemment sur une crise d'angoisse.

  Certains crieront au "control freak", mais, moi, je préfère employer le terme "anticipation préventive". Je prévois tout, j'explore toutes les hypothèses possibles avant de prendre des décisions. La fameuse expression "foncer sans réfléchir" ne fait pas partie de mon vocabulaire. Je ne sais tout bonnement pas faire autrement. J'ai toujours besoin de prévoir, d'organiser, de contrôler. Vous l'aurez compris, les surprises et moi, ça fait deux.

   Il rappelle une seconde fois et je dois lutter contre l'envie de lui raccrocher directement au nez. Je laisse une seconde fois la sonnerie retentir, jusqu'à ce qu'elle finisse enfin par s'interrompre.

Buried in liesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant