CHAPITRE 16 - JODY

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Pour ce chapitre, je vous conseille d'écouter la musique Way Down We Go de Kaleo.
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Le temps s'est figé.
Moi aussi, par la même occasion, je me suis figée. Figée de stupeur, figée de confusion.

—C'est un peu gros à avaler, je te l'accorde, continue Ethann. Mais c'est la vérité : je veux seulement t'aider.

  Mon cœur remonte dans ma gorge.
  Comment peut-il savoir que je souhaite retrouver mon père à tout prix ? Je n'en ai jamais parlé.

C'est appâtant d'entrevoir une piste, une véritable piste, après des années d'ignorance et de désillusion.

   Cependant, réaliser qu'il en sait autant sur moi, sur mon désir de le connaître, me désarme.

  J'ai un mauvais pressentiment. Un pressentiment qui me hurle de me méfier. De me protéger. Mon intuition me susurre qu'il en sait peut-être plus, qu'il occulte sans doute une partie de vérité dans ses dires. Qu'il ne me confie que la partie émergée de l'iceberg.

—Comment tu sais que mon père a disparu ? je l'accuse brutalement.

  Il semble hésiter un instant. Puis, en laissant retomber sa tête vers l'avant, il soupire doucement :

—Je le sais parce que, le fameux jour où mon père est mort, ton père à toi a disparu.

  Sa voix provoque des frissons le long de ma colonne. Tu parles d'une coïncidence. A l'entendre, on penserait presque que mon père est coupable de sa mort. Cette situation ressemble énormément à un délit de fuite. C'est bien ce qui m'inquiète : que la raison de la confession d'Ethann ne soit due qu'à un désir de vengeance.

  Les paroles de ma mère me reviennent brutalement en mémoire, et je me sens faillir.

« Je le fais pour te protéger, Jody.
Un jour, tu comprendras. »

  Peut-être que ce jour-là est arrivé. Peut-être que mon père est un assassin. C'est pour cette raison qu'il a fui sans laisser de traces : parce qu'il était recherché.

  Je me raidis sur le canapé. A la place d'Ethann, je ne perdrais pas de temps à sympathiser avec la fille du meurtrier de mon père.

Cette réalisation me glace le sang. Je n'ose pas relever les yeux vers Ethann. Je me sens soudain bien à l'étroit dans cette pièce.

  Et s'il voulait venger son père en me tuant à mon tour ? 

—Eh, Thompson ?

  Sa voix me tire de mes pensées. Je me redresse un peu mais m'abstiens de croiser son regard.

—Au cas où tu commencerais à flipper, ton père n'est pas un meurtrier. Mon père a été retrouvé mort dans sa voiture. Il a dévié de la route en pleine descente, étant donné qu'il n'avait pas de freins.

  Il a appuyé chacun de ces derniers mots. Je peux deviner son air abattu rien qu'à la façon dont sa voix s'est brisée à la fin de sa phrase.

  Relevant le menton dans sa direction, je remarque que sa mâchoire s'est crispée et que son regard s'est fermé. Son expression est froide et lointaine.

  Je n'imagine pas une seconde devoir vivre en sachant que le meurtrier de mon père court toujours. C'est un supplice sans nom. Une torture que je ne souhaiterais même pas à mon pire ennemi.

  J'ai un soudain élan de compassion pour Jones. Quand je pensais que ne pas connaître son père était la pire chose qui soit, j'avais assurément omis le cas où le père meurt brutalement. S'il y a bien une frontière qu'on ne peut pas franchir, c'est bien celle qui sépare la vie de la mort. Ethann devrait vivre à jamais sans son père, sans l'espoir de pouvoir, comme moi, le retrouver un jour. Il devait se faire à cette écœurante réalité, accepter cette injustice impunie.

Buried in liesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant