Pour ce chapitre, je vous conseille d'écouter idontwannabeyouanymore de Billie Ellish.
___________________________________Deux heures plus tard, Club d'exposition de photos, Université d'Heavenwall
—Jody, tu peux me montrer tes derniers clichés, s'il te plaît ?
La voix de Madame Davis résonne dans mes oreilles, et je reviens brusquement sur Terre.
—Heu...oui, je balbutie si faiblement que je me demande si elle est parvenue à m'entendre.
Vacillante, je m'avance vers le tableau où sont suspendues de petites cordes fines, pour y accrocher entre deux pinces mes dernières captures. Ce n'est pas grandiose : les clichés sont tous monochromes, et le jeu de contrastes n'est pas très prononcé.
C'est ma mère qui avait tenu à ce que je rejoigne le club de photographie de l'université. Elle me l'avait suggéré parce qu'en participant à des activités extrascolaires, notre dossier était valorisé par la suite.
Ma passion pour la photographie n'est pas nouvelle. Pour mes douze ans, ma mère m'avait offert mon premier appareil, un Canon EOS 4000D.
Depuis, je ne l'avais jamais lâché. Je me levais parfois tôt le matin, pour aller prendre des clichés au crépuscule. J'aimais capturer des instants précieux, comme la disparition de la vague dans son roulement, le battement des ailes d'un oiseau, ou bien l'apparition du premier rayon de soleil sur l'horizon. Des instants éphémères, que je rendais éternels, grâce à mon objectif.
Mais, dernièrement, je m'étais spécialisée dans l'astrophotographie. Qu'il s'agisse d'immortaliser la voie lactée, de réaliser des photos circumpolaires, ou de capturer quelques clichés de la Lune, le ciel et les étoiles sont mon domaine de prédilection.
Ils l'ont toujours été, en vérité ; je crois simplement que je doutais encore trop pour me lancer, jusqu'alors. L'astrophotographie fait partie des activités photographiques qui semblent baigner dans la complexité. Complexité qui m'effrayait. Je craignais d'être incompétente, peur de perdre du temps à m'essayer à quelque chose dont je ne tirerais rien.
Et puis, j'avais fini par me jeter à l'eau.
– Je peux te poser une question ? demande ma professeure, haussant un sourcil dans ma direction.
J'hoche la tête en signe d'acquiescement. Elle s'immobilise un instant près de l'estrade, et son regard oscille entre les trois clichés qui s'y trouvent.
– Pourquoi choisis-tu d'utiliser le monochrome dans tous tes clichés ?
Je réfléchis quelques instants avant de répondre. Je crois que je ne me suis jamais réellement posé la question, en vérité.
J'apprécie tout particulièrement les clichés monochromes depuis mes débuts en photographie. Sûrement parce que je trouve leur esthétique plus binaire, plus figé, plus intemporel. Je ne saurais comment l'expliquer, c'est comme une évidence à mes yeux. L'harmonie de la photo n'est pas la même. Le contraste entre le noir et du blanc rend, à mon sens, la photo plus criarde, plus attrape l'œil. Il sublime les contours de l'objet capturé, et en fait ressortir les détails invisibles.
C'est pourquoi j'apprécie autant la photographie. Derrière l'objectif, sous le jeu des couleurs et des contrastes, le monde m'apparaît sous un autre angle. Différent. Méconnaissable. Plus beau. Plus rayonnant.
J'aurais pu répondre ça en guise de réponse. A la place, je me contentais d'un simple :
– Euh...je l'ignore.
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Buried in lies
RomanceJody ne rêve que d'une chose : connaître son père. Toutefois, entre le mutisme de sa mère à son sujet et l'absence de toute trace d'existence de ce dernier, elle commence à perdre espoir. Prisonnière de son ignorance, Jody nourrit désormais des do...