Chapitre 17 - ETHANN

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Pour ce chapitre, je vous conseille I feel like Im drowning de Two feet.
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  Le soleil se lève à peine sur Heavenwall.

Allongé dans l'herbe, les mains croisées sous ma nuque, je contemple les premières lueurs orangées qui se dessinent sur l'horizon. Il a plu un peu cette nuit, suffisamment pour que l'humidité s'empreigne dans le goudron. J'adore l'odeur fraîche du bitume mouillé. Je suis peut-être le seul à aimer ça. Cette senteur et celle de l'essence sont mes préférées.

Enfin, il y en a peut-être une autre.
Un parfum.

Quand j'étais petit, j'avais tendance à aimer fuguer, à aimer vagabonder seul dans les rues sans permission. Cette manie a commencé après le décès de mon père.

Quelques années s'étaient écoulées déjà, sans que je n'accepte pour autant le choc. Je crois que c'était une manière de ne pas me sentir impuissant après son décès. Je ne voulais pas rien faire. Pour moi, il n'était pas mort. C'est ce que les gens racontaient, mais ce n'était pas la vérité. Je le cherchais dans les rues, à l'extérieur, partout : je me convainquais que je finirais bien par le trouver.

Or, je ne le trouvais jamais. Ma mère finissait par me ramener à la maison, ou elle me sermonnait et finissait par me punir. Elle ne comprenait pas que c'était ma manière d'encaisser le deuil.

Cela dit, à défaut de trouver mon père, je découvrais des endroits isolés, ou des points de vue inconnus, qui devinrent, avec le temps, les lieux où je me réfugierais lorsque le silence de sa mort devenait trop étouffant à la maison.

Et, cette nuit, j'avais ressenti le besoin de m'évader.

La soirée a eu lieu il y a deux jours déjà. J'avais passé le plus clair de mon temps à tout nettoyer. Par chance, rien n'avait été cassé.

  Je n'ai pas fermé l'œil depuis. Mes pensées ne m'ont pas laissé une seconde de répit, virevoltant autour d'un visage trop angélique à mon goût. Autour d'un passé qui refuse de s'enterrer.

  Tout s'est passé comme prévu. Elle a accepté mon aide : et, par la même occasion, elle a confirmé mes doutes. Elle ne sait rien. Je l'ai vu dans ses yeux : elle est désespérée à l'idée de le retrouver, parce qu'elle ne sait pas où chercher. Elle n'aurait pas accepté mon aide si elle avait déjà toutes les pistes dont elle avait besoin.

  Ou alors, c'est la reine du bluff.

  En revanche, je reste convaincu que certaines réponses se trouvent dans ce foutu collier. J'ignore de quoi il s'agit, ni si elle a conscience que certaines se trouvent juste là, sous son nez. Elle l'ignore certainement aussi. Comme tout le reste.

  En ce qui me concerne, je ne compte pas lui faire part de l'importance de ce pendentif : ce serait me tirer une balle dans le pied. Non, il faut que je profite de son ignorance pour prendre une longueur d'avance. Pour lui voler, pour comprendre, avant de lui rendre.

J'inspire une grande bouffée d'air avant de me redresser.

Je me suis retrouvé dans ses yeux, au moment où j'ai évoqué son père. S'y lisait un mélange de rancoeur, de colère et de tristesse. Un assortiment que je connais trop bien.

C'est ce qui m'énerve le plus, je crois.

Savoir que je la comprends, que j'aurais la même rage de savoir si mon père était encore en vie. Mais, en ce qui me concerne, la tristesse a déserté mon cœur depuis longtemps pour n'y laisser qu'un désir sanguinaire de vengeance. Je reconnais avoir éprouvé une pointe d'empathie à son égard, que j'ai cherché à éradiquer depuis. Je dois m'interdire quelque soit compassion à son égard. Elle reste la fille de son père et, malheureusement pour elle, cela ne la place pas dans une position favorable en ce qui me concerne.

Buried in liesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant