CHAPITRE 21 - JODY

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Pour ce chapitre, je vous conseille d'écouter Reflections de The Neighbourhood.
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16:57
Bibliothèque universitaire du campus, Heavenwall

Je referme adroitement le bouquin de psychanalyse que j'ai emprunté une heure plus tôt, avant de le ramener à l'accueil et de le déposer entre les mains de l'une des bibliothécaires.

Je quitte Freud et Adler pour me décider à me rendre au club de photos. J'avoue être nerveuse. J'appréhende assez le retour de Viviane sur le peu de mes dernières prises ; à savoir, très peu. Faute de temps et d'ordre de priorité, je reconnais ne pas avoir vraiment pris le temps de me pencher sur la question. Peut-être que le format y est pour quelque chose : après tout, elle m'a contraint à sortir de ma zone de confort, à ne pas utiliser le monochrome et à ne pas photographier le ciel. Ce changement ne s'est pas encore immiscé comme déclencheur d'inspiration chez moi, mais j'espère pouvoir parvenir à créer un contenu intéressant.

Mes derniers clichés sont simples et épurés ; en couleur, certes, mais, si je devais les décrire, je dirais qu'ils sont assez silencieux. Je ne saurais expliquer ce ressenti. J'ignore même si quelqu'un d'autre pourra percevoir ce que je ressens en les contemplant : un sentiment complexe, mitigé. L'ombre d'Ethann dans le couloir, ma chambre vide à la tombée de la nuit, Ethann qui court en redescendant de l'observatoire - oui, je l'ai pris en photo avant de lui emboîter le pas -, ou encore le regard empli de remords d'une vieille femme dans le bus. Des photos de mon quotidien dernièrement. Des photos qui n'échappent pas à la réalité : des photos qui y sont, au contraire, bien ancrées.

Après quelques secondes d'hésitation, je décide de m'engager dans le couloir pour me rendre au club. Je suis encore plongée dans mes pensées quand quelqu'un m'interpelle dans mon dos :

—Jody !

Je fais volte-face pour découvrir le visage de Chris Hamilton. Je tente tant bien que mal de contenir ma mine déconfite : s'il vient en missionnaire de la part de M.Lewis, le pauvre ne sait pas combien il fait fausse-route.

—Salut, lâche-t-il une fois arrivé à mon niveau.

Je le salue promptement avant de soutenir son regard gêné.

—Je ne t'ai pas revu depuis la soirée.

Je ne saisis pas trop où il veut en venir. J'arque un sourcil interrogateur à son intention, laissant le silence planer entre nous pendant quelques secondes.

—C'est vrai.

Ma voix trahit mon manque d'emballement. Je me sens aussitôt coupable : il n'a rien fait d'autre que d'être gentil et bienveillant envers moi jusqu'ici. Je ne devrais pas le traiter de la sorte. Mais l'idée que M.Lewis ait pu l'encourager à me servir de professeur particulier est si humiliante que je projette cette colère sur lui. Injustement, j'en ai conscience.

De son côté, Chris doit avoir senti le scepticisme dans le ton de la voix, puisqu'il marque une pause, embarrassé.

—Tu voulais me dire quelque chose ? je continue d'une voix plus neutre, espérant compenser cette première approche.

Il semble être reconnaissant de ma démarche, et la raideur de ses épaules semble un peu s'effacer.

—Je voulais te demander... hum... c'est un peu indiscret...

Il marque une pause et je l'intime du regard à poursuivre. Je tente tant bien que mal de m'armer de patience, mais le fait que j'ai rendez-vous avec Viviane dans moins de dix minutes ne joue pas à son avantage. J'ai horreur des gens qui commencent une phrase pour l'arrêter ensuite : et j'aimerais qu'il échappe à cette catégorie.

Buried in liesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant