Chapitre 30 partie 2

57 9 34
                                    

There is no peace here, war is never cheap dear
Love will never meet here, it just gets sold for parts



La première chose qui frappa Kay lorsqu'elle s'extirpa difficilement des méandres du sommeil, fut l'humidité. Elle avait l'impression que sa peau étouffait dans cet environnement saturé. Elle était proche d'un point d'eau. Il ne lui fallut pas plus longtemps pour s'apercevoir qu'elle était couchée à même le plancher - fait de bois vaguement humide et dur contre ses omoplates.

— Elle se réveille, elle, lança une voix grave à l'accent étrange qu'elle ne connaissait pas.

La jeune femme tenta de se redresser mais dut faire appel à toute son énergie pour ne pas retomber face contre terre. Ses mains étaient liées dans son dos par une corde rêche. Sa tête lui semblait peser une tonne et un brouillard recouvrait ses sens. Il lui fallut quelques secondes pour se rappeler qu'elle avait été droguée.

— Bien dormi ?

Cette voix, en revanche, elle l'identifiait sans problème. Elle l'ignora en prenant tout son temps pour s'asseoir contre la paroi - un mur de planches également. Un coup d'œil circulaire à son environnement lui révéla l'intérieur d'une maison mal éclairée de toute petite taille - plus proche d'une cabane de pêcheur, à vrai dire. Un homme de haute taille s'appuyait paresseusement dans l'encadrement de la porte. Elle finit par le remettre : il s'agissait de l'ermite qui vivait dans le bayou, et qu'elle avait aussi vu dans ses rêves entraîner Belle et son insupportable amie d'enfance au combat. Elle devait être dans son domicile. L'odeur persistante du bayou n'était jamais loin.

— Je te parle ! l'interpella de nouveau la femme au visage cicatrisé, cette fois en la poussant de sa botte.

— Doucement, fille, fit observer l'ermite.

Kay s'était raidie sous le coup mais elle garda le silence et soutint le regard vairon de sa geôlière. Cette dernière se fendit de son éternelle moue moqueuse.

— Tu as l'air de t'être levée du mauvais pied. Je comprends, tu sais. J'aurais les boules à ta place.

— Vous n'avez pas exactement gagné grand-chose non plus, ce soir, ne put s'empêcher de relever Kay.

L'ermite laissa échapper un petit rire. On ne le distinguait pas bien dans l'éclairage limité de la cabane, qui accentuait plutôt les ombres, mais la jeune femme remarqua qu'il était plus vieux qu'elle ne l'avait pensé initialement. Il restait physiquement imposant et ne semblait pas près de se voûter.

— Je sais être patiente, rétorqua Kiz. Ce n'est qu'une question de temps, maintenant, avant que la porte de Dreamtown nous soit ouverte pour toujours.

— Je ne comprends pas ce que vous espérez en faire.

— Bien sûr que tu ne comprends pas, répondit la jeune femme dédaigneusement.

— Ce n'est qu'une chambre à rêves. Ce n'est pas comme si on pouvait y vivre. Ce n'est pas le monde réel.

— Et qu'est-ce que le monde réel a à offrir à des gens comme moi, hein ? On n'y trouvera jamais notre place, alors quelle importance ?

Pendant qu'elle attendait son réveil dans la maison du Seuil déserte et hostile, Kay s'était retrouvée à entrer et sortir de Dreamtown au gré des fluctuations de son sommeil. Elle était trop peu consciente et trop perturbée par ce qui s'était produit avec Sebastian pour contrôler ce voyage, qui ressemblait à présent à des filaments brumeux sans réelle consistance. Autour de cette femme qui l'avait attaquée, elle avait perçu des fragments d'une vie étrange, limitée, aux marges de la société.

Les Échos du bayouOù les histoires vivent. Découvrez maintenant