Chapitre 7 partie 2

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When you came in the air went out




Lorsque Belle revint s'asseoir à leur table, elle affichait une mine préoccupée ; Devlin s'abstint de lui faire remarquer qu'elle ne ramenait pas le menu qu'elle avait prétendu aller chercher.


— Tout va bien ? demanda-t-il quand même, à tout hasard.

— Dans cette ville ? Jamais vraiment, rétorqua vivement la jeune femme.


La porte d'entrée s'ouvrit dans un grincement et ils tournèrent machinalement la tête dans sa direction. L'immense silhouette de Louis Prideaux se dessina dans l'encadrement, avant de tenir la porte pour les ingénieurs qui arrivaient à sa suite.

Ils se séparèrent au comptoir, où Kay et son acolyte – Devlin ne retrouvait pas son nom – prirent place sur des tabourets, tandis que le grand blond partait saluer son beau-frère. En le suivant des yeux, le marshal s'aperçut de la présence d'un enfant qu'il reconnut vite comme le fils de Charlie. Installé sur une banquette proche du billard avec une limonade, sa tête blonde ne dépassait pas du siège et il ne fut visible que lorsque Louis le prit brièvement dans ses bras avant de le reposer. Cette scène rappela soudain quelque chose au marshal.


— On n'a toujours pas vu la mère.

— Hein ?

— Pardon, je suivais le cours de mes pensées. La femme de Jesse, la mère de l'enfant.

— Non, c'est vrai que vous ne l'avez pas encore vue. Mais ça arrivera, à force, si vous vous obstinez à rester ici.


Devlin releva la formulation désagréable, mais ne s'en émut pas.


— J'ai l'impression qu'à part vous et une poignée d'habituées, les femmes du coin restent beaucoup chez elles.

— Pas elle, pas tellement. Mais elle préfère les espaces ouverts.

— Vous la connaissez bien ?

— Un peu, marmonna Belle avec une réticence qui n'échappa pas au marshal. On a été plus ou moins amies fut un temps, mais pourquoi vous vous y intéressez comme ça ?


Devlin fit semblant de ne pas remarquer le grossier détournement de conversation ; il avait compris depuis un moment que les sujets tabous abondaient lorsqu'on essayait de faire la causette aux locaux, et il ne voyait pas l'intérêt d'insister. Lui-même n'était pas du genre à se livrer à cœur ouvert au premier venu.


— Pure curiosité. Je me demande à quoi elle peut ressembler, avec tous les remous qu'elle suscite. Tout le monde parle d'elle sans vraiment en parler. Je n'ai même pas retenu son nom, s'il a été mentionné.

— C'est Mazarine.

— Ah oui, c'est vrai. Drôle de nom.

— C'est français, je crois. Pas pire que Belle, cela dit, grimaça la jeune femme, ce qui arracha un sourire au marshal.

— Vous n'aimez pas votre prénom ?

— Il est pompeux, laid, et il me va à peu près aussi bien qu'une moufle à un pied. Ma mère a fait beaucoup de choix stupides pour moi. J'ai bien un prénom choctaw, mais personne ici ne saurait le prononcer.

Les Échos du bayouOù les histoires vivent. Découvrez maintenant