Chapitre 21

238 45 50
                                    

Her voice was soft and cool, her eyes were clear and bright
but she's not there



— Comment ça, folle ?


C'était la question qui avait immédiatement échappé à Kay face à cette étrange affirmation. Le jeune homme avait hésité mais, certainement conscient d'en avoir déjà trop dit, l'avait entraînée jusqu'à un endroit plus tranquille pour s'expliquer. C'était ainsi qu'ils avaient trouvé un recoin dans la grande salle d'attente des urgences, sur deux chaises au fond où personne ne faisait attention à eux. A présent, Louis paraissait chercher par où commencer, le visage plus tiré que jamais. Kay sentait qu'elle devait lui laisser un peu de temps et d'espace, aussi elle ne le pressa pas malgré sa curiosité de plus en plus dévorante face à cette attitude.


— Ça s'est manifesté assez tôt, quand elle était petite, attaqua-t-il soudain - il poussa aussitôt un profond soupir qu'il semblait avoir retenu toute sa vie.

— Quoi donc ? le relança doucement la jeune femme.

— Comme je t'ai dit, il y a eu plusieurs cas de maladie mentale dans ma famille. A commencer par mon oncle, qui était traité pour un comportement psychotique - avec le succès que tu connais. Il faut que tu comprennes que Maze a naturellement un caractère terrible qui ne fait que rendre son instabilité mentale spectaculaire. Ce n'est pas... ce n'est pas une malade dangereuse à enfermer de toute urgence. Mais elle a toujours été très colérique, avec des éclats incontrôlables, je suppose que ça n'aide pas.


Il se prit la tête entre les mains. D'après son discours décousu, il n'avait pas l'habitude de confier tout cela à quelqu'un. L'avait-il fait seulement une fois ?


— On avait tous remarqué que petite, elle avait parfois un comportement bizarre. Avec notre passif familial, mon père était sur la défensive, mais merde, c'était une enfant. Elle avait le droit d'être lunatique. La première fois où on a vraiment réalisé qu'elle avait un problème, c'est quand elle avait huit ans et...


Le seul souvenir associé à cette découverte le fit pâlir douloureusement. Kay posa une main sur son épaule pour l'encourager.


— Elle était furieuse contre moi, à cause d'une dispute idiote. On était dehors, près du bayou, et elle a... elle a trouvé un serpent, elle l'a ramassé et me l'a jeté à la figure. Il était venimeux, heureusement mon père et mes grands-parents étaient tout près. Ils m'ont emmené à l'hôpital en catastrophe, où je suis resté plus de deux heures entre la vie et la mort.

— Mon Dieu...

— Crois-le ou pas, ce n'était même pas le pire. Elle t'a déjà donné sa version de cette histoire, n'est-ce pas ? Bien sûr qu'elle l'a fait, elle ne manque pas une occasion.

— Pourquoi est-ce que... Pourquoi est-ce qu'elle raconte ça ?

— Mais parce qu'elle y croit, Kay. Elle est fermement convaincue que non seulement elle n'avait rien à voir avec ce serpent, mais qu'en plus je suis vivant grâce à elle. Aucun d'entre nous n'arrivait à y croire quand elle a raconté tout ça avec aplomb, on a cru un moment qu'elle se fichait de nous. Il y avait trois témoins en plus de nous deux. Mais Maze se dissocie de la réalité, tout particulièrement quand elle fait des choses horribles. Mon oncle avait tendance à faire ça aussi, souffla-t-il, même s'il avait beaucoup moins d'imagination que Maze.

Les Échos du bayouOù les histoires vivent. Découvrez maintenant