Chapitre 3

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All around in my home town, they're trying to track me down


Le réveil de Belle Sharp sonna à sept heures tapantes comme tous les jours ; elle l'éteignit aussitôt d'un geste brusque.

Relancer le réparateur de Spokane pour la photocopieuse du bureau, commença-t-elle à lister dans sa tête.


Elle se leva, ouvrit les volets qui laissèrent entrer l'humidité matinale ; puis elle se dirigea vers la douche comme un automate, livrée à ses habituelles pensées du saut du lit.

Commander du papier, continua-t-elle en laissant couler l'eau, parce que personne d'autre n'allait s'en occuper dans cette équipe de branques.


La jeune femme se sécha, enfila un débardeur noir et un jean, essuya la buée du miroir.

Archiver les procès-verbaux, se rappela-t-elle face à son reflet, tout en se frottant énergiquement les dents. Rédiger le rapport pour l'intervention de la veille : tapage nocturne au sud du lac Fletchers. Une poignée de gamins ivres qui avaient décidé d'aller chasser l'opossum avec deux fusils, en pleine nuit, près de l'étang qui longeait une habitation. Aucune victime à déplorer, un miracle. Si les gens du coin avaient eu un jour le moindre sens commun, Belle avait de plus en plus de mal à en distinguer les résidus. Elle avait été adolescente ici, elle aussi ; elle avait fait des choses bien stupides avec les autres jeunes du coin. Mais elle ne se rappelait pas avoir été désoeuvrée à ce point. Plus les incidents s'enchaînaient, plus elle avait le sentiment que le prochain mort de la région serait une victime collatérale de l'ennui qui les rongeait tous à petit feu.


Elle ramena ses longs cheveux vers l'arrière et les fixa dans une queue de cheval serrée, puis sortit de l'étroite salle de bain, contourna son lit - un canapé convertible qu'elle ne repliait jamais - et franchit le seuil de la petite pièce qui lui faisait office de cuisine, d'entrée et de salon. Le frigo contenait un reste de haricots et deux tranches de lard qu'elle mit à réchauffer sur le gaz.

Racheter des haricots. Du gruau, des Dr Pepper.


Elle voulut lancer la cafetière, mais se rappela soudain qu'elle avait terminé le pot hier. Elle devrait se contenter du brouet de la machine à la station.

Racheter des haricots, du gruau, des Dr Pepper, du café.


Le gras du lard se mit à crépiter dans le fond de la poêle ; la jeune femme y versa les haricots d'une main en vérifiant son téléphone portable de l'autre.

Appeler le bureau de Tensas Parish par rapport à un conflit de juridiction.


Pas de coups de fil manqués cette nuit. Ça l'aurait étonnée, vu qu'elle ne coupait pas le réseau et qu'elle avait toujours eu un sommeil léger. Les nuits de son enfance avaient été chaotiques, parcourues de litanies incessantes et de craintes refoulées. A cette époque, lorsqu'on les réveillait à l'aurore pour exécuter les tâches du matin, elle était la première debout ; la liste de ce qu'elle allait devoir accomplir ce jour-là tournoyait depuis plusieurs heures dans sa tête.

Passer au tabac sur le chemin de la station pour racheter des clopes, poursuivit-elle inlassablement en enfilant une veste en cuir noir. Son modeste petit-déjeuner fut plus engouffré que mangé. Ses bottes l'attendaient près de la porte d'entrée.


Rappeler pour la énième fois à ce gros incapable de Munroe qu'il fallait absolument organiser une réunion de service avant la fin de la semaine. Quand Abellard était shérif, c'était autre chose, la vie à la station. Trente-six ans, qu'il était resté à ce poste, avant de se faire destituer brutalement par une attaque cardiaque. Il lui avait tellement appris, et pourtant, il avait donné le sentiment d'avoir encore beaucoup à enseigner. Sans lui, sans sa bienveillance et la confiance qu'il avait placée en elle, sans sa passion communicative pour son métier, elle ne serait jamais devenue shérif adjointe. Et alors, qui sait comment elle aurait tourné. Elle partait de si loin.

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