LA NEIGE AVAIT MÉTAMORPHOSÉ la lande en un manteau blanc immaculé. Seuls quelques rochers et arbres dénudés contrastaient occasionnellement le paysage. Une brise régulière faisait flotter les flocons les plus légers à la surface du manteau, créant une furtive poudreuse scintillante au soleil. Pas un nuage en vue, le soleil brillait fort dans un ciel azur. La neige absorbait la plupart des sons et le silence régnait en maître absolu - le temps semblait figé. Curieux, Petit Boréal sortit la truffe de la pouponnière, impatient de découvrir le monde autour de lui. Il fit quelques pas jusqu'au centre du camp du Clan du Vent - son clan, mais le froid mordant lui griffait déjà le corps. Un coup de vent, et le chaton commençait déjà à grelotter.
« Petit Boréal ! Reviens ici ! gronda une voix autoritaire, mais chaleureuse venant de la pouponnière. Il fait beaucoup trop froid dehors, tu dois rester au chaud.
— Je n'ai pas froid ! » répliqua le chaton plein de courage. La mère leva les yeux au ciel, avant de récupérer son chaton et de le ramener à l'intérieur. Elle le blottit à côté de sa sœur qui dormait paisiblement sur la litière.
« Je dois y aller, restez sage avec Pelage de Blé, dit-elle en les léchant affectueusement, avant de se diriger vers la sortie de la pouponnière. Elle jeta un dernier regard triste avant de se décider à sortir.
— Oh, mais c'est ennuyeux ici ! Pourquoi maman part-elle toujours ? râla le jeune mâle, qui était déjà bien réveillé et n'avait aucune envie de retourner dormir.
— Douce Pluie à d'autres obligations au sein du clan. Viens te réchauffer ici, tu joueras plus tard, quand le temps sera moins froid, répondit une chatte au pelage d'or. La reine avait le ventre énorme : elle allait avoir ses chatons d'un jour à l'autre. En attendant, elle gardait ceux de Douce Pluie.
— Ce n'est pas juste, répéta Petit Boréal, bougonnant.
— Son rôle est très important pour le clan, insista la reine, elle préférerait rester avec toi, mais elle ne peut pas. Tu dois apprendre que le clan passe avant tout. »
Déçu, Petit Boréal se résout à se rouler en boule près de la chatte. Quel ennui !
Quand tout espoir semblait perdu pour la journée de jeu de Petit Boréal, un mâle entra maladroitement dans la pouponnière. Son pelage était gris clair et le ventre blanc.
« Bonjour ici ! miaula-t-il gaiement.
— Bonjour, Poil de Mulot. J'imagine que tu es venu voir Petit Boréal et Petite Marine ?
— En effet !"
Le mâle s'approcha de ses petits. Petite Marine, une jeune femelle au pelage uniforme gris et aux yeux bleus se réveilla doucement alors que son frère Petite Boréal, au pelage gris tigré et aux yeux bleu-vert, sauta sur lui.
« Poil de Mulot ! On s'ennuie ici ! s'écria-t-il en ronronnant, ravi de voir le félin.
— Je m'en doutais. Et je me suis dit que vous aimeriez un petit tour rapide du camp. Histoire de vous dégourdir les pattes. Mais pas trop longtemps, il fait vraiment très froid cette saison. »
Son fils miaula de joie en sautillant mais sa sœur ne partageait pas son enthousiasme. Elle se força tout de même à suivre.
« Il fait meilleur ici, mais d'accord. » finit-elle par dire.
Le petit groupe sortit de la pouponnière et le froid assaillit de nouveau les chatons.
« Surtout, restez près de moi. Je ne veux pas vous perdre dans la neige, ni que vous ayez froid. Mais pour une fois qu'il fait beau, il faut en profiter. Dîtes-moi si vous êtes fatigués », miaula le père tout en commençant à faire le tour.
Le clan vivait dans la lande où, lors de la belle saison, de grandes bruyères pliaient au gré du vent. Quelques rochers et de rares arbres finissaient de décorer le paysage. Leur camp était installé dans un petit vallon sablonneux entouré de rochers. Le Clan du Vent est connu pour dormir le plus souvent à la belle étoile : les tanières étaient installées sous des grands rochers, les protégeant du vent, de la pluie ou du soleil, mais assez ouverts pour voir le ciel. Seuls l'antre du chef, la pouponnière et la tanière des anciens étaient plus protégés de l'extérieur. Le père débuta la promenade par rappeler aux petits les différents lieux clé du clan : d'abord le promontoire avec l'antre de leur chef, Étoile d'Ouragan. Le résident y était, regardant d'en haut les chats s'affairer, se réchauffant au soleil. Il trônait fièrement sur le grand bloc de granit d'où il appelait son clan. Son pelage épais tacheté de nuances de gris donnait l'impression de voir des nuages ténébreux sur sa fourrure, ses cicatrices, notamment ses oreilles au bout manquant, témoignait de ses batailles passées. Il était âgé, mais cela lui donnait un air de sagesse encore plus prenant.
« Il a l'air si fort ! miaula Petite Marine, impressionnée par la scène.
— C'est vrai que les chefs ont neuf vies ? » s'étonna Petit Boréal. Poil de Mulot acquiesça d'un signe de tête avant de se diriger vers la tanière des apprentis. Les petits s'approchèrent excités : dans une lune, ils pourront y vivre et apprendre à être de vrais guerriers ! Un jeune apprenti au pelage beige en sorti. Il venait tout juste d'être nommé guerrier la veille.
« Bonjour, Nuage de Frêne, salua Poil de Mulot.
— Nuage de Frêne ! C'est comment d'être apprenti alors ?! » s'écria Petit Boréal. Ils se connaissaient bien car ils avaient déjà passé plus d'une lune ensemble dans la pouponnière, quand Nuage de Frêne était lui aussi encore un chaton et s'appelait Petit Frêne.
« C'est génial ! Mais Vive-Queue me fait beaucoup travailler, malgré le froid. Il n'y pas grand-chose à manger en cette saison. Bon je dois retourner apprendre à chasser, il doit m'attendre sur le terrain des apprentis. A plus tard !
— Au revoir, Nuage de Frêne, miaula doucement Petite Marine. Elle semblait impressionnée par la nouvelle assurance de son ancien colocataire.
— Allons continuons », pressa Poil de Mulot.
Ils passèrent ensuite par l'antre des guerriers, des anciens et enfin de la guérisseuse. Poil de Mulot se pencha à la recherche de cette dernière, mais elle n'y était pas. Il soupira, avant de remarquer que plusieurs chats le dévisageait. Il reprit le pas rapidement vers le maigre tas de gibier.
« À la mauvaise saison, il y a peu à manger. Les proies se cachent du froid », expliqua-t-il.
Ils finirent par contourner le camp et grimper sur une petite butte. Les chatons commençaient à fatiguer, la neige était parfois haute - plus qu'eux - et chaque pas était un vrai défi. Mais Poil de Mulot les surveillait de près, et les prenait par la peau du cou quand les petits s'enfonçaient trop. Arrivés en haut, même Petite Marine cessa de bougonner devant le spectacle. Le soleil faisait scintiller toute la vallée : on voyait la rivière au loin, les landes enneigées, le haut des arbres et les prairies broussailleuses.
« Au centre on aperçoit les Quatre Chênes, c'est là que les quatre clans se rassemblent à chaque pleine lune. Et ça ce sont leurs territoires... » Il tendait la patte pour illustrer ses propos à mesure qu'il décrivait les terres des clans rivaux de la Rivière, du Tonnerre, et enfin de l'Ombre.
« Le Clan de la Rivière est au sud d'ici, commença-t-il. Notre frontière est le ruisseau où l'on voit les chutes là-bas, qui rejoint ensuite la rivière en question. Ce sont des guerriers qui aiment pêcher et nager.
— Brr ! Quelle idée ! grimaça Petit Boréal. Petite Marine, elle, semblait curieuse.
— Ça doit être amusant...si on sait bien nager, conclut-elle.
— À l'est, dans la forêt, c'est le Clan du Tonnerre. Ils préfèrent au cœur des arbres. Et au Nord c'est le Clan de l'Ombre, de l'autre côté du... » Il s'arrêta un instant. Des souvenirs tragiques lui venaient à l'esprit. « Du chemin du tonnerre, reprit-il. Vous ne devez jamais le traverser, il est terriblement dangereux.
— Pourquoi ? demanda Petit Boréal.
— Des monstres roulent dessus à toute vitesse, si vous les percutez, vous ne survivrez pas. »
Petit Boréal frissonna à cette idée, mais il en fallut plus pour le décourager.
« On pourra aller explorer tout ça ? s'exclama-t-il.
— Non Petit Boréal. On ne doit pas aller dans les territoires des autres, rétorqua Poil de Mulot.
— Et si on est discret ? s'enquit Petite Marine, aussi déçue que son frère.
— Non c'est non ! Seuls des cas très exceptionnels peuvent l'autoriser.
— Pourtant l'autre jour, j'ai vu Étoile d'Ouragan et Patte Grise aller très loin ! contesta le jeune mâle.
— Étoile d'Ouragan est notre chef. Et Patte Grise notre lieutenante. Eux seuls peuvent nous dire de quitter le territoire. Allons rentrons maintenant. Nous parlerons du code guerrier plus tard. »

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La Guerre Des Clans - Cycle Boréal Livre I - Nuit D'Orage
Fanfic-Fiction La Guerre Des Clans - (Livre 2 disponible ! Livre 3 en cours d'écriture !) Dans la forêt, depuis la nuit des temps, quatre clans de chats suivent les lois de leurs ancêtres. Le code du guerrier dicte leur vie et chacun de leurs pas. Mais la...