La Guerre Des Clans - Cycle Boréal Livre I - Nuit D'Orage

Chapitre 5

UNE VOIX LES AVAIT RÉVEILLÉS. C'était Griffe Blanche, avec Pelage de Sapin, les parents de Nuage de Frêne.
« Avez-vous vu Nuage de Frêne ? Vive-Queue le cherche partout, il devait le retrouver pour son entraînement », s'inquiétait Pelage de Sapin. La chatte en tremblait. Nuage Boréal se retourna : effectivement Nuage de Frêne n'était pas là et son odeur ténue indiquait qu'il était parti depuis un moment déjà.
« Cela ne lui ressemble pas... ajouta son père, tout aussi nerveux.
— Ah vous êtes là ! Plume Brune se rapprocha à son tour, Nuage de Frêne et Douce Pluie sont introuvables. Nous partons immédiatement à leur recherche. Vous nous accompagnez tous les deux ! » ordonna fermement le guerrier.
Douce Pluie ? Nuage Boreal resta interdit : il savait très bien où était sa mère.
« C'est probablement le Clan de L'Ombre, allons d'abord là-bas. » Il donna l'ordre aux guerriers de le suivre. Sauf qu'elle n'est pas là-bas, se dit Nuage Boréal. En revanche, il ne savait pas où était Nuage de Frêne. Mais comment leur expliquer ?
Plume Brune mena la patrouille avec Nuage Boréal, Nuage Marin, Griffe Blanche et Pelage de Sapin. Patte Grise et Vive-Queue étaient partis de leur côté pendant que Poil de Mulot et Étoile d'Ouragan surveillaient le camp. Nous manquons vraiment de guerriers, remarqua Nuage Boréal. Il comprenait la fébrilité des membres de son clan et l'arrogance des autres clans. Ils ne pouvaient même pas distribuer deux patrouilles complètes. Heureusement que Pelage de Blé a eu ses petits...
Ils longèrent la bordure avec le Clan de L'Ombre, marqué par le chemin du tonnerre. Aucun signe de leurs ennemis. Pour l'instant. Ni l'odeur de Douce Pluie, ni celle de Nuage de Frêne n'était à l'horizon. Ils continuèrent jusqu'au Quatre Chênes, et même le long du Clan du Tonnerre mais rien n'arrivait jusqu'à leurs museaux.
« Ils n'ont pas pu s'envoler quand même ! » s'écria Pelage de Sapin. L'inquiétude se mêlait à la colère. Perdre Nuage de Frêne serait terrible : c'était son unique fils et un des rares apprentis du clan.
« Ne t'en fais pas nous allons le retrouver », tenta de la rassurer Griffe Blanche, en effleurant son museau. Mais il semblait peu sûr de lui. C'est bredouille qu'ils rentrèrent alors que le soleil atteignait son zénith.
« Alors ? s'enquit Étoile d'Ouragan.
— Rien. » se contenta de répondre Plume Brune sans émotion. Il pourrait montrer un peu de compassion ! fulmina Nuage Boréal.
« Bon, rentrez-vous reposer. Vous repartirez en fin d'après-midi. Nous attendons encore le retour de l'autre patrouille qui est partie du côté de la ferme. »
— Ils ne trouveront rien là-bas non plus, murmura Nuage Boréal pour lui-même. Mais sa sœur l'avait entendu :
— Comment ça ? » Elle regarda son frère perplexe. D'un geste de la queue, il somma sa sœur de se taire.
« Viens, je vais te dire. »
Ils filèrent à la tanière des apprentis, feignant d'aller se reposer tout en prenant un petit mulot à se partager sur le chemin.
« Que se passe-t-il ? demanda Nuage Marin. Ses yeux brillaient de curiosité et d'espoir.
— Je sais où est Douce Pluie. Il n'est pas impossible que Nuage de Frêne soit avec elle.
— Et comment le sais-tu ?
— Je t'expliquerais en chemin, on devrait y aller tout de suite avant qu'on repère notre absence.
— On va avoir de gros ennuis, Nuage Boréal. Pourquoi ne pas prévenir Étoile d'Ouragan ?
— Car ça pourrait mal se terminer. »
Il craignait que son clan ne veuille pas soutenir Douce Pluie. Cela impliquerait de raconter son rêve, que les autres le croient, qu'ils aillent sauver Douce Pluie alors qu'elle était en faute et mettait le clan en danger ! De plus, cela mobiliserait des guerriers alors que Clan de l'Ombre était plus menaçant que jamais.
Ils filèrent du campement en s'assurant de ne pas être suivis et coururent vers la frontière avec le Clan de la Rivière. En chemin, il expliqua brièvement son rêve à Nuage Marin, qui écouta en silence. Arrivés au petit pont qui marquait la frontière, ils se cachèrent dans les buissons pour réfléchir à la suite. Sa sœur était toujours aussi calme, ne réagissant pas aux histoires de son frère. Elle semblait ne pas douter un seul instant de sa sincérité et se concentrait sur sa mission. Avant de bondir hors du territoire du Clan du Vent, Nuage Boréal huma l'air : une odeur familière était dans l'air : Douce Pluie et... Nuage de Frêne !
« Nuage de Frêne ! s'écria Nuage Boréal. Il était ici.
— Il a dû suivre Douce Pluie.
— Quelle cervelle de souris !
— Ne parle pas si fort ! ... J'espère qu'il va bien...
— Pardon, suivons son odeur, tâchons de ne pas nous faire prendre, proposa Nuage Boréal. Pour le reste, il faudra improviser. »
Ils traversèrent le torrent avec prudence. L'eau glacée montait jusqu'à leur ventre et la fonte des neiges avait renforcé le courant. Heureusement ce passage était assez simple. Les pattes de Nuage Boréal glissaient sur les petites pierres qui roulaient sur le lit de la rivière. Il regretta amèrement de ne pas savoir nager... Ils auraient pu prendre le pont, mais cela les exposeraient beaucoup trop car il n'y avait pas de végétation sur l'ancien sentier bipède. Une fois de l'autre côté, les deux félins se glissèrent dans les roseaux et retrouvèrent l'odeur de leurs camarades : il n'y avait plus qu'à suivre la piste. Heureusement, aucune patrouille ennemie n'était à l'horizon, mais ils devaient rester prudents : le Clan de la Rivière savait très bien que le Clan du Vent transgressait les frontières - ils devaient sûrement faire des rondes régulières.
Ils continuèrent leur chemin jusqu'à s'enfoncer un peu plus dans le territoire du clan adverse. Nuage Boréal avait la même sensation que lors de leur fuite du Clan de l'Ombre : cette sensation de déjà vu à chaque coin de buisson, et une énergie folle, comme s'ils pouvaient courir pendant des lunes, lui et sa sœur. Dès qu'elle était près de lui, il se sentait en parfaite symbiose. Enfin, les odeurs devenaient de plus en plus fortes : il était là où Œil du Soleil l'avait guidé. Il pouvait même jurer de le sentir à ses côtés.
« Là ! Oh non, des guerriers du Clan de la Rivière ! s'écria Nuage Marin.
— C'est même plus que des guerriers...Étoile Brillante est là. »
Douce pluie était couchée près du vieux matou gris, comme dans le songe de Nuage Boréal. Étoile Brillante était flanquée par son lieutenant, Frappe du Torrent, leur guérisseur Museau Rose et un guerrier que Nuage Boréal ne connaissait pas, qui retenait Nuage de Frêne sous sa patte. Heureusement le jeune apprenti ne semblait pas blessé. La cheffe toisait les deux nouveaux venus alors que les guerriers feulaient et crachaient. Seul Museau Rose restait silencieux, mais ses yeux trahissaient son inquiétude. Il n'avait pas fallu longtemps pour que les apprentis se fassent à leurs tours démasqués.
« Qui va la ? D'autres guerriers du Clan du Vent ? C'est une invasion ! feula Frappe du Torrent.
— Nuage Boréal ? Nuage Marin ? Mais par les étoiles que faites-vous ici ?! » s'étrangla Douce Pluie. La vue de ses petits l'avait sortie de sa torpeur.
« Ils nous espionnent, ou chassent chez nous, on devrait les tuer sur le champ ! répéta Frappe du Torrent.
— Nous sommes ici car le Clan des Étoiles nous a guidés ! répondit Nuage Boréal. Les chats s'exclamèrent de surprise à ces mots.
— Comment ? Tu oses mentir ! cracha de nouveau Frappe du Torrent.
— Le Clan des Étoiles ? demanda Douce Pluie, incrédule.
— Assez ! »
La cheffe du Clan de la Rivière s'approcha des jeunes, qui s'étaient assis près de leur mère. Nuage Boréal remarqua que le corps du vieux félin était froid. Il comprit alors que sa vision était vraie, il s'agissait là de leur grand-père et leur mère était venue lui dire adieu et le veiller.
« Expliquez-vous », demanda Étoile Brillante calmement. Frappe du Torrent cracha une fois de plus, excédé que sa cheffe veuille bien laisser parler les intrus.
« Je dis la vérité, je le jure sur le Clan des Étoiles. Un guérisseur de jadis m'a guidé jusqu'ici, pour que nous puissions voir notre grand-père.
— C'est vrai », renchérit Nuage Marin. Nuage Boréal la regardait avec étonnement qu'allait-elle dire ?
« Nous venons d'être baptisés, n'avons jamais mis les pieds ici et connaissons à peine notre territoire. Comment serions-nous arrivés jusqu'ici, à ce moment précis, sans nous perdre, si nous n'étions pas guidés par leur volonté ? Douce Pluie voulait simplement rendre hommage à son père, comme le veut le code du guerrier. Nous n'avions rien fait d'autre. Quant à Nuage de Frêne... » Elle se tourna vers le jeune chat qui semblait complètement perdu au milieu de tous ces chats et de ces explications surnaturelles. « Il était à la recherche de Douce Pluie, et il l'a trouvé. Il a dû s'inquiéter en suivant son odeur sur votre territoire. Il a fait son devoir de guerrier en la suivant.
— Pourtant, Douce Pluie vient depuis des lunes sur notre territoire en cachette. Comment expliquez-vous cela ? demanda Étoile Brillante, toujours avec une voix calme.
— C'est ma faute... Museau Rose, le jeune guérisseur du Clan de la Rivière, s'avança : J'ai rencontré Douce Pluie au pont, un jour, et je lui ai dit que son père était vieux et malade, mais je ne savais pas comment le soulager. Elle m'a aidé en apportant des herbes et en veillant sur lui de temps en temps...je...je n'assumais pas de ne pas pouvoir m'occuper de lui. Je suis désolé, Étoile Brillante. J'aurais dû te le dire. Et à toi aussi Douce Pluie, j'aurais dû mieux m'occuper de lui. »
Un silence terrible s'abattit sur le groupe. Les chats se regardèrent dans le blanc des yeux alors qu'une fine pluie commençait à tomber. Ils étaient suspendus à la réaction d'Étoile Brillante. Cette dernière avait fermé les yeux, et respirait calmement. Nuage Boréal se prit d'admiration pour la cheffe - comme Étoile d'Ouragan, une aura émanait d'elle qui imposait le respect et la sagesse. Ces chats ont vu et vécu tant de choses se disait-il. On ne pouvait que respecter leur réaction.
« Je comprends, lâcha-t-elle enfin.
— Comment ?! s'étrangla Frappe du Torrent.
— Aucun gibier n'a été chassé ici. Un guérisseur a le droit d'aider un autre. Un guerrier à le droit de veiller un guerrier dont il était proche. Peu importe le clan. Le Clan des Étoiles a guidé ces jeunes ici, certainement pour qu'ils apprennent une leçon essentielle. Nous sommes tous liés par le code du guerrier et par le Clan des Étoiles. »
Elle marqua une pause, laissant entendre les expirations de soulagement des chats du Clan du Vent, et les miaulements de frustration du côté du Clan de la Rivière.
« En revanche, reprit-elle, de telles actions ne doivent pas être faites dans le secret. Vos chefs doivent connaître vos actions. Museau Rose, nous en reparlerons. En attendant, nous allons enterrer Queue Grise. Les membres du Clan du Vent vont nous y aider. Ensuite, je vais les ramener personnellement à Étoile d'Ouragan pour une mise au point. Frappe du Torrent, je veux que tu rentres avec Museau Rose, c'est Griffe de Jonc qui m'accompagnera au cas où. »
Elle avait prononcé ses ordres d'un coup, sans l'ombre d'une hésitation, en prenant le temps de réfléchir à la situation et avait aussitôt établi la marche à suivre sans laisser place à la contestation. Nuage Boréal admirait une telle démarche.
« Mais enfin Étoile Brillante !
— Silence ! »
Frappe du Torrent recula d'un pas. Clairement sa cheffe avait pris sa décision. Nuage Boréal et Nuage Marin enfoncèrent leur museau dans leur défunt grand-père, qu'ils n'avaient jamais rencontré, avant de câliner leur mère, dévorée par la peur pour ses chatons et le chagrin. Mais Nuage Boréal sentait aussi que Douce Pluie était soulagée. Elle devait être contente de voir qu'elle n'aurait plus de secret à garder. C'est en silence qu'ils dirent au revoir à Queue Grise, avant de marcher lentement vers le Clan du Vent, toujours sans un mot. Finalement, alors qu'ils passaient sous le pont, Nuage Marin brisa le silence.
« Comment était Queue Grise ? »
Sa mère la dévisagea. Elle aurait préféré rester silencieuse jusqu'à leur arrivée devant Étoile d'Ouragan. Elle s'apprêtait à répondre mais Étoile Brillante la devança.
« C'était un noble guerrier. Sa seule entorse au code fût de tomber amoureux d'une chatte du Clan du Vent. Mais ce n'était pas vraiment une erreur, puisque de cette union, Douce Pluie est née, et personne ici ne remet en cause que c'est une grande guérisseuse », complimenta Étoile Brillante. Douce Pluie était plus gênée que jamais. C'était un beau compliment, qui justifiait presque les entorses au code du guerrier, ce qui était très surprenant pour un chef. Peut-être que quand on est amoureux, le code passe en second ? se demanda Nuage Boréal.
« Je n'ai pas beaucoup connu mon père, commença Douce Pluie avec une petite voix, j'ai été élevé dans le Clan du Vent et je lui serais avant tout loyal. Mes parents ont fait le choix de rester dans leurs clans, ce qui était la chose honorable à faire. Mais, je l'admets, j'ai souvent pensé à lui et quand j'ai su ces derniers temps qu'il allait mal...j'imagine que j'ai voulu rattraper un peu du temps perdu. »
Elle baissa la tête, marchant en regardant ses pattes. Nuage Marin et Nuage Boréal n'osèrent plus poser de questions.
Ils arrivèrent enfin au camp du vent, niché contre le flanc de la lande avec ses petites tanières logées entre les rochers. Nuage Boréal aimait ce sentiment à la fois de foyer et de liberté dans ce camp. Le plaisir de voir la lande et la forêt s'étaler jusqu'à l'horizon avait quelque chose de magique. Ils n'avaient pas croisé de patrouille sur le chemin, mais Patte Grise fût la première à découvrir la troupe.
« Étoile Brillante ? Griffe de Jonc ? Douce Pluie ? Les apprentis ? Mais qu'est-ce que cela signifie ?! Où étiez-vous passés ? s'écria-t-elle, furieuse.
— Nous allons en discuter avec Étoile d'Ouragan, répondit calmement la meneuse. Emmène-nous jusqu'à lui, je te prie. »
La lieutenante grommela en les emmenant jusqu'au cœur du camp. Étoile d'Ouragan y était, donnant quelques instructions à Pelage de Sapin avant de se retourner en voyant les visiteurs arriver. S'il était surpris, il ne le fit pas paraître. Il se contenta d'hocher la tête en guise de bienvenue.
« Étoile Brillante, Griffe de Jonc, bienvenue. Que me vaut cette visite accompagnée des miens ?
— Tu continues de me prendre pour une idiote, Étoile d'Ouragan. Tu ne sais donc même pas où traînent tes apprentis et ta guérisseuse ? feula-t-elle. Son ton calme et posé s'était transformé en attaques cinglantes.
— J'imagine que Queue Grise est mort. Quelle tristesse. Mes condoléances », se contenta-t-il de répondre. Il prit tout le monde au dépourvu. Même Étoile Brillante et Patte Grise le regardèrent comme s'il s'était mis à voler. La meneuse du Clan de la Rivière prit une grande inspiration avant de répondre.
« Donc tu étais au courant.
— Oui. Mais je ne pensais pas que ces apprentis vous retrouveraient. Ils sont plus doués que je le pense.
— Ha ! Ils ne connaissent surtout pas le code du guerrier ! Ce sont de piètres apprentis, tous les trois ! fustigea Griffe de Jonc.
— Griffe de Jonc à raison, enchérit Étoile Brillante, ils n'ont pas suivi le code et ont traversé nos frontières. Ce ne sont pas des guérisseurs, eux. Et tu m'as menti délibérément pendant l'assemblée !
— Cela ne valait pas des tumultes supplémentaires. Mais tu as raison, j'aurais dû en parler. Quant aux apprentis ils seront punis. Ils doivent apprendre. Merci, Étoile Brillante, de me les avoir ramenés en paix, répondit avec gratitude Étoile d'Ouragan. Étoile Brillante grommela.
— Je respecte Douce Pluie et son défunt père, rien de plus. Il semblerait, que ce soit la volonté des étoiles que ces apprentis aient tout vu. Mais maintenant que cela est fait, je te prie de mieux contrôler tes guerriers et de rester sur ton territoire. Tu as de la chance que je ne m'intéresse pas à ta lande !
— Tu as toute ma reconnaissance. »
La nonchalance du meneur du Clan du Vent semblait irriter Griffe de Jonc qui grattait le sol avec ses griffes. Je n'imagine même pas ce qu'aurait hurlé Frappe du Torrent en voyant ça, songea Nuage Boréal. Étoile Brillante souffla.
« Bon. Inutile de te raisonner. Je t'ai connu plus vif, Étoile d'Ouragan, j'espère que tu sauras te défendre contre le Clan de l'Ombre. Je ne tiens pas à voir Étoile de Jade s'emparer de la moitié de tes terres. Ce ne serait bon pour aucun clan. »
Sur ses mots elle s'éloigna avec Griffe de Jonc.
« Ne devrait-on pas les suivre ? demanda Pelage de Sapin.
— Inutile. Je pense qu'Étoile Brillante n'est pas mal attentionnée. »
Cette rencontre entre chefs avait été très surprenante pour Nuage Boréal. Il admirait leur fierté, leurs paroles mesurées et réfléchies. Un contraste net avec les guerriers belliqueux qui s'arrachaient les oreilles pour un oui ou pour un non. Ça doit être ça, être chef pensa-t-il. C'est à ce moment qu'une patrouille constituée de Poil de Mulot, Plume Brune et Vive-Queue revint. Griffe Blanche revenait lui aussi d'une petite partie de chasse en solitaire. Pelage de Sapin s'empressa de les inviter à les rejoindre, alors que Douce Pluie, Patte Grise et Étoile d'Ouragan peinaient à raconter l'histoire sans être interrompus. Même les anciens, Fleur de rose et Patte de Lapin, s'étaient invités. Voilà tout le clan réuni.
« Quelle audace ! Elle ne manque pas d'air Étoile Brillante, à venir ici dans notre territoire ! Nous aurions dû la chasser ! s'exclama Vive Queue.
— Et vous Douce Pluie, et les apprentis, quelles cervelles de souris pour aller là-bas pour voir un vieux chat rabougri ! Étoile d'Ouragan, tu vas bien les punir n'est-ce pas ?! feula Plume Brune.
— Assez ! Douce Pluie faisait son devoir de guérisseuse, quant à ces apprentis ils pensaient bien faire et ont manifestement suivi ce que le Clan des Étoiles a exigé d'eux. Ce n'est pas idéal, certes, mais estimons-nous chanceux qu'Étoile Brillante ne nous soit pas hostile. Nous ne pouvons pas affronter deux clans en même temps. Je vous rappelle que le Clan de l'Ombre est notre première menace et doit concentrer notre attention.
— Alors tu ne devrais pas laisser tes guerriers faire n'importe quoi, répondit Plume Brune. Et si le Clan de L'Ombre avait attaqué pendant qu'ils étaient en train de faire mumuse dans un autre clan ? Trois apprentis et une guérisseuse en moins, rien que ça.
— Plume Brune à raison, Étoile d'Ouragan. Il faut être plus ferme, commenta Patte Grise.
— C'était un cas exceptionnel, se défendit Douce Pluie. Notre loyauté, ma loyauté, sera toujours au Clan du Vent. De toute façon la question ne se pose plus.
— Bien. Alors l'affaire est close. Plus de cachotteries et de mésaventures. On reste concentrés. Apprentis, allez donc vous occuper des anciens. Je ne peux vous punir davantage car votre entraînement est d'ores et déjà rigoureux, mais je n'en pense pas moins. A l'avenir, prévenez-moi au lieu d'explorer seuls. Maintenant au travail ! »
Le chef retourna dans son antre sans mot dire. Ces tergiversations l'avaient sans doute épuisé. Nuage Boréal n'avait jamais autant remarqué avant que son chef était, somme toute, assez âgé. Plume Brune râla avant de retourner à la pouponnière tandis que Patte Grise donna les ordres aux guerriers pour la fin de la journée. Ce qui consistait surtout à aller chasser autant que possible.
« Venez, dit Douce Pluie à ses chatons, je vais vous donner de la bile de souris pour les tiques des anciens.
— Oh beurk ! se plaignit Nuage de Frêne. Ce n'est pas juste je t'ai retrouvé tout seul !
— Et je n'ai demandé à personne de m'accompagner ! feula-t-elle. Vous n'aviez pas à venir. Nous avons de la chance qu'Étoile Brillante soit très pieuse... Mais ce qui est fait est fait. Allez. N'en parlons plus. »
Dans sa tanière, elle donna un peu de mousse imbibée à Nuage de Frêne.
« Tu en passeras ensuite à Nuage Boréal et Nuage Marin. Personne n'est épargné. Ensuite vous changerez leurs litières. Ah et Nuage Marin apporte ces herbes fortifiantes à Étoile d'Ouragan. Il avait l'air fatigué. Quant à toi Nuage Boréal amène ces baies de genièvre à Patte de Lapin, ses articulations lui font mal. »
Les apprentis se mirent à exécution sans se plaindre davantage. Nuage Boréal prit quelques baies dans sa gueule en faisant attention à ne pas les mâcher et se glissa dans la tanière des anciens où Fleur de Rose et Patte de Lapin avaient repris leurs places sur leurs litières. Nuage de Frêne était déjà à la tâche avec la bile de souris, impatient de s'en débarrasser.
« Il y en a une sur mon dos j'en suis certain ! Tu regardes mal ! se plaignait Patte de Lapin.
— Cesse de te plaindre, tu en as partout ! » railla en guise de réponse Fleur de Rose. Elle miaula amicalement en voyant Nuage Boréal.
« Ah voilà le deuxième, oh des baies, c'est pour Patte de Lapin, ça aussi je suppose. A moins qu'il râle encore même quand on prend soin de lui !
— Vieille chatte galeuse ! Répète voir ! » feula-t-il. Mais Fleur de Rose répondit en riant.
« Oh ce vieux chat ne cessera de m'amuser. Va donc les lui poser près de lui, il finira bien par les manger. » Nuage Boréal inclina la tête en guise de remerciement et déposa les baies près du vieux matou qui grognait.
« Aller, à toi. » Nuage de Frêne déposa la mousse imbibée de bile de souris puante.
« Je vais me laver le museau, ça pue ! »
Nuage Boréal ne répondit pas et se mit à la tâche. Il était encore dans ses pensées suite à tous ces évènements. Il n'avait pas le cœur à râler. Il voulait juste finir ses tâches et se mettre en boule pour dormir.