19 - Plage

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Quelques semaines après l'arrivée de Colette, Matthieu lui fit une surprise : il la ramena à la plage où ils s'étaient rencontrés. La nuit était déjà bien avancée mais les lumières de la ville derrière eux apportaient une légère clarté, accentuée par la lumière d'une pleine lune et celle, passante, d'un phare au loin.

Sur le sable, le jeune homme avait étendu un grand plaid de pique-nique, coincé à chaque coin par des petits tas de galets. Sur le plaid, une lampe de camping éclairait un petit panier d'osier.

- Mat c'est incroyable, et adorable !

- Merci. Je me suis dit que ça te ferait plaisir de revenir ici même si la dernière fois tu pleurais toutes les larmes de ton corps...

- Tu sais que je t'adore ? Mais des fois tu manques un peu de délicatesse, rit-elle.

Matthieu sourit avant de lui prendre la main et de l'entraîner vers le plaid. Colette s'assit en tailleur, face à la mer. L'air marin caressait doucement son visage, apportant de la fraîcheur après une journée de soleil et de chaleur. Elle était agréablement surprise qu'il ait pensé à la faire venir ici. Le fait était que beaucoup évitaient les endroits liés à des souvenirs plutôt mauvais. Mais ici, c'était avant tout le lieu de sa rencontre avec Matthieu, qui lui avait permis de rencontrer également ses parents. Si elle n'était pas venue ici une première fois pour évacuer sa tristesse, elle n'aurait jamais pu passer les meilleures vacances de sa vie en compagnie des meilleures personnes qui soient au monde - à son humble avis. C'était donc une excellente idée, chargée de souvenirs et d'émotions.

Matthieu la regardait profiter en silence. Il ne pouvait s'empêcher de comparer la Colette à côté de lui à celle d'il y avait quelques mois. Elle avait l'air d'être plus sereine, plus joyeuse. Et il espérait y avoir un peu contribué.

Elle se laissait aller au rythme de la mer, inspirant avec le sac et expirant au ressac. Bientôt, le bruit puissant des vagues l'envahit, angoissant et apaisant, envoûtant, effrayant. Machinalement, alors qu'elle fixait encore l'horizon perdu dans la pénombre de la nuit, elle tendit la main et reprit celle de Matthieu. C'était un moment à partager, elle le sentait au plus profond d'elle-même. Le jeune homme entrelaça leurs doigts et se rapprocha d'elle. Elle posa sa tête sur son épaule, les yeux toujours au large.

Il se fit les mêmes réflexions que lors de leur première rencontre. Comment pouvait-elle avoir l'air si concentrée et en même temps complètement ailleurs ? Comment pouvait-elle montrer à la fois tristesse et joie ?

Tout à ses émotions, elle sentit à peine une larme couler le long de sa joue. Mais Matthieu la vit. Sans pouvoir résister, il tendit délicatement sa main libre pour venir la cueillir du bout des doigts. La transe de Colette se termina dans un frisson alors qu'elle redressait la tête et regardait le jeune homme.

Dans la pénombre, seuls ses yeux tranchaient vivement. Des yeux doux, lumineux, tendres, de la couleur de l'océan. Colette les voyait comme si c'était la première fois. Comme ce jour-là sur cette même plage. Ils l'avaient fascinée, interrogée, intriguée.

C'était comme un tiraillement dans leur cœur, un fourmillement sur leurs lèvres, un essoufflement dans leur poitrine. La main libre de Matthieu retomba doucement sur ses jambes. Il esquissa un léger mouvement vers Colette avant de s'arrêter net. Elle n'avait pas bougé, pas cillé. Seulement prit une légère inspiration qui avait raisonné dans l'âme du jeune homme comme si elle lui avait hurlé "non".

Il sourit doucement, recula, s'éloigna. Lâcha la main de la jeune femme. Entreprit de sortir les en-cas du panier.

Un peu perdue, la tête vide et le cœur plein, Colette sentait la brûlure de l'absence de la main de Matthieu dans la sienne. Ses oreilles semblaient ne plus rien entendre alors qu'il énumérait les choix de nourriture possibles. Elle mordilla sa lèvre inférieure, comme si une sensation manquait. Et elle avait peur de savoir ce qu'elle aurait voulu. De comprendre qu'elle avait envie de sa chaleur et de sa tendresse. Et de constater qu'il avait préféré s'éloigner...

ColetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant