21 - Août

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L'été avait repris son cours. Chacun faisait comme si de rien n'était, comme si Colette n'avait rien remarqué et Matthieu rien tenté. Au début du mois d'août, les petites communes alentour organisaient des concours de jardins. Les touristes et locaux étaient alors invités à circuler dans la bourgade de leur choix pendant une semaine entière et à voter pour leur jardin préféré à travers un parcours prédéfini.

Ils en étaient à leur cinquième parcours sur sept. Le village était charmant, les compositions florales magnifiques, les gens adorables. Il flottait dans l'air l'odeur de l'océan tout proche, mais il n'était visible que de la colline la plus haute, celle où se trouvaient la mairie et l'église.

Matthieu et Colette marchaient côte à côte, gaiement, dans les rues pavées à l'ancienne, comme si le temps n'avait pas eu de prise sur les demeures et les aménagements - impression renforcée par le fait que les rues du parcours, par sécurité pour les badauds se promenant, avaient été fermées aux voitures pour l'occasion.

Toute la journée, leurs mains s'étaient frôlées, cherchées, manquées. Aucun n'était prêt à l'avouer. Ils admiraient roses et lys, gerbera et tulipes, bosquets d'hortensias, se montraient des décorations et des aménagements.

- Matthieu ! entendirent-ils soudain.

Une femme d'une cinquantaine d'année leur faisait de grands signes.

- Bonjour Madame Guérin ! la salua-t-il

- Bonjour mon petit ! C'est ta petite amie ? demanda-t-elle avec un grand sourire.

Un blanc. Devaient-ils dire non ? Après tout, ils n'étaient pas ensemble...

- Je... vous présente mon amie Colette, dit-il après quelques secondes.

- Enchantée, sourit-elle.

- Ravie aussi. Dis-moi mon petit, as-tu une idée d'où on pourrait trouver un professeur compétent ?

- Et bien, Colette en est une mais je crains qu'elle ait déjà un emploi.

- Quel dommage. Ah, je vois mon cher et tendre au loin, je le rejoins. Bonne balade les amoureux !

Et elle partit sans leur laisser le temps de dire quoi que ce soit. Ils haussèrent les épaules et prirent le parti d'en rire, n'en pensant pas moins pour autant.

- Pourquoi cherche-t-elle un professeur au fait ?

- Viens, je vais te montrer.

Il prit timidement le bout de ses doigts pour l'entraîner dans des petites rues. Après quelques virages, ils débouchèrent sur une place où un bâtiment était en cours de rénovation.

- L'école publique a fermé, obligeant toutes les familles des alentours à aller jusqu'à la grande ville. Les mairies des petits bourgs ont décidé d'ouvrir une école privée. Il n'y aurait qu'une classe allant du CP au CM2. Mais il faut un enseignant ou une enseignante.

- Une classe multiple ? Dur de trouver quelqu'un, surtout pour venir à la campagne...

- Oui... Mais ils proposent plein d'avantages en compensation : le budget est celui de quatre communes réunies et la personne qui viendrait aurait toute latitude dans l'aménagement, la programmation... Elle serait assurée de pouvoir faire à peu près tout ce qu'elle veut.

Colette dévisagea Matthieu. Il avait l'air sérieux. Son cœur rata un battement.

- Tu crois... que je pourrais postuler ?

- Et bien oui, mais tu as déjà un travail.

- En fait, mon contrat s'est terminé en juin. Le groupe dont je m'occupais a quitté la structure associative et tous les autres groupes ont déjà des enseignants. Ils m'ont dit qu'ils me rappelleraient s'ils avaient un nouveau groupe mais je n'ai toujours aucune nouvelle...

- Oh et bien, commença-t-il en tâchant de ne pas s'emballer, tu peux postuler oui, si ça ne te dérange pas de te retrouver à la campagne.

- Pas du tout. Misty pourrait enfin connaître les balades extérieures au lieu d'être coincée dans un appartement... Et puis, j'ai des amis précieux ici, sourit-elle.

Matthieu lui rendit son sourire.

- Dans ce cas, il faut retrouver Madame Guérin. C'est elle qui gère les recrutements.

Ils repartirent aussitôt, gaiement, à la recherche de la femme. Ils ne s'étaient pas lâché la main.

ColetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant