Force était de constater que la recherche d'appartement de Colette était en pause. Accaparée par son travail, elle ne trouvait pas le temps de chercher assidûment ce nouveau pied-à-terre qu'elle avait pourtant promis de trouver.
Matthieu en était plus que comblé. Il n'avait pas renoncé à l'idée de la faire rester le plus longtemps possible, dans l'optique de devenir de véritables colocataires longue durée. Évidemment, il savait que la situation ne pourrait pas rester ainsi éternellement : Colette ou lui changeraient de travail, auraient de nouveaux objectifs de vie, de nouvelles envies de voyage et d'habitation. En fait, le jeune homme croyait dur comme fer que, si son amie décidait de rester vivre en colocation avec lui, la seule raison qui la ferait véritablement partir serait une petite maison où Misty pourrait avoir accès à l'extérieur. Dans leur appartement actuel, la petite chatte n'avait qu'un balcon pour s'imprégner des odeurs de l'océan, pas si loin de là, de la ville et de la nature, ainsi que de leurs sons. Et puisque Misty passait avant toute chose pour Colette, il lui semblait logique de penser qu'elle partirait pour celle qu'elle appelait affectueusement son petit bébé d'amour.
Colette, elle, savait que son manque de temps n'était qu'une excuse. Elle en avait plus qu'assez pour faire tout ce dont elle avait envie, et ce même en n'en ayant pas : tout était une question de priorités. Et partir de l'appartement qu'elle partageait avec Matthieu n'en était pas une, du moins cela ne l'était plus.
Leurs routines étaient bien établies et elle ne s'imaginait pas se réveiller sans qu'il soit là à un moment où un autre de la nuit. Pour ce point, ses vacances avaient été une vraie torture. Elle aimait ouvrir les yeux et ne pas avoir à se demander s'il allait bien, pour la bonne et simple raison qu'elle le voyait. Elle aimait que les messages qu'ils échangeaient désormais soient des nouvelles basiques au cours de leur travail, ou des banalités comme des courses à faire. Elle aimait pouvoir discuter avec lui de vive voix, voir son sourire plutôt que de l'imaginer derrière l'écran.
Et puis elle n'avait plus cette sensation de manque constante qu'elle ressentait avant de venir vivre avec lui. Même pendant l'été, alors qu'ils n'étaient qu'à quelques kilomètres l'un de l'autre, dès qu'ils se quittaient, il lui manquait. Elle passait son temps à actualiser sa messagerie, même sur les horaires où il était au travail. Elle avait fait de son mieux pour se restreindre mais elle avait eu peur que toute son affection tourne à l'obsession. Elle avait focus sur lui et savait que cela s'atténuerait... Cela fut le cas dès lors qu'ils vécurent ensemble.
Ce fut comme magique : il occupait toujours ses pensées mais de façon moins pesante. Il ne lui manquait plus à proprement parler, elle était juste impatiente de pouvoir le voir, de lui raconter ses journées, d'écouter les siennes. De rire avec lui, de pleurer devant des films de seconde zone avec lui, de sentir sa chaleur en se calant contre lui dans le canapé.
Alors quand, le dernier dimanche des vacances d'automne, Edith lui parla de ce petit appartement avec balcon et vue sur l'océan, un peu plus grand et plus proche de son travail... Colette ne sut que dire, à part un merci peu convaincu accompagné d'un sourire pas beaucoup plus enthousiaste. Elle promit de le visiter cependant, tout en sachant qu'elle ne s'y installerait pas.
Elle tint parole et le regretta. L'appartement était véritablement incroyable : la salle de séjour était plus grande, ce qui permettrait d'installer un vrai coin de parcours et de jeux pour Misty. Le balcon était spacieux et déjà sécurisé, ce qui aurait permis à la chatte de sortir sans crainte profiter du soleil et de l'air marin. Il y avait deux chambres - ou plutôt une chambre et un bureau, tellement spacieux qu'ils auraient pu loger à quatre. Avec tout l'appartement orienté vers l'océan.
Colette et Matthieu, qui l'avait accompagnée, étaient dépités. Le jeune homme était certain qu'elle allait accepter d'emménager. C'était trop beau pour refuser. Même le loyer, plutôt raisonnable, bien qu'élevé, pour un tel logement, n'était pas inabordable étant donné le salaire augmenté qu'elle avait désormais. Et elle pourrait prendre un deuxième chat, elle qui en rêvait !
La jeune femme savait que c'était un coup de coeur. L'agent immobilier lui dit de prendre le temps de réfléchir. Les propriétaires l'avaient spécifiquement proposé pour elle en priorité, reconnaissants de voir leur petit fils, Greg, pouvoir aller dans une école près de chez lui grâce à elle. Elle lui assura donc qu'elle allait y réfléchir sérieusement.
Le soir-même, ils étaient invités à prendre l'apéritif chez les parents de Matthieu pour faire un compte-rendu détaillé de la visite.
Après qu'ils eurent tout raconté, en se faisant demander chaque détails, Jacques s'étonna de leur manque d'enthousiasme.
- Je ne sais pas trop, répondit Colette. Misty s'est bien habituée à l'appartement actuel, et moi aussi. Je ne sais pas si changer à nouveau serait si indispensable.
- Mais vous vous marchez dessus dans cet appartement, rétorqua Jacques.
- C'est vrai, répondit Matthieu. Mais c'est une question d'organisation. Et puis le loyer est quand même élevé, non ? dit-il en lançant un regard à Colette.
- Oui, enchaîna celle-ci. A deux le loyer et les charges sont plutôt faciles à gérer mais je ne suis pas sûre de pouvoir assumer tout toute seule dans ce nouvel endroit.
Edith se retint de lever les yeux au ciel, comprenant bien que la véritable raison de ces réticences était ailleurs.
- S'il n'y a que ça, dit-elle, Matthieu n'a qu'à venir avec toi ! Il n'est pas obligé de rester dans celui-là parce que c'est nous qui le lui louons. En plus, ce ne serait pas si mal, on pourrait augmenter le loyer !
Les deux jeunes gens restèrent bouche bée un instant. Ils n'y avaient pas pensé ! Enfin, pour être tout à fait juste, chacun y avait pensé brièvement, s'était imaginé vivre à deux là-bas et à quel point ce serait chouette... Sans oser le formuler à voix haute.
- Et bien... C'est vrai... Les chambres sont assez grandes pour qu'on puisse avoir chacun la nôtre avec notre bureau individuel dedans... hésita Colette.
- Oui... continua Matthieu. Enfin, au début il faudra partager une chambre quand même puisque tu n'as plus de lit à toi mais...
Elle opina. En cinq minutes, l'enthousiasme les gagna et ils avaient déjà aménagé l'appartement entièrement en pensées, nouveautés comprises. Cette fois-ci, Edith ne se retint pas de lever les yeux au ciel en allant chercher le dessert tandis que Jacques, presque ignorant de ce qui se jouait, décidait d'envisager avec eux sa participation à l'affaire.
Ils emménagèrent au début des vacances de décembre, cherchant secrètement un moyen pour que la deuxième chambre reste définitivement un bureau.
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Colette
RomanceColettte a des rondeurs, de l'enthousiasme, des bouclettes et des couleurs à revendre. Mais voilà, 80kg de tout ça, c'est difficile à gérer... Pour les autres ! Romantique dans l'âme revenue à la réalité, elle cherche à aimer et être aimée en retour...