41 - Confiance

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Une fois la crise de larmes passée, Matthieu fit s'asseoir Colette dans le canapé. Celle-ci se massait le front, sentant une légère migraine poindre. Le jeune homme lui apporta un verre d'eau et s'assit à côté d'elle, attendant le plus patiemment possible qu'elle soit suffisamment calme.

- Ça va mieux ? demanda-t-il finalement.

Elle hocha la tête et posa le verre vide.

- Merci Mat... Je suis désolée... Alors que tu es fatigué et que tu rentre à peine en plus...

- Ne t'en fais pas Lety. Est-ce que... tu veux en parler ?

- J'ai juste... Enfin d'un coup c'est comme si tous mes doutes étaient sortis. C'est épuisant mais ça fait du bien.

- D'accord... Tu avais des doutes... à quel sujet ?

Elle hésita.

- Tu vas me trouver ridicule.

Matthieu prit sa main et la serra brièvement.

- Non, bien sûr que non. Mais si tu ne veux pas me dire, tu n'y es pas obligée évidemment.

Colette secoua la tête.

- Non, j'ai confiance... J'étais persuadée que... qu'à un moment donné tu me trouverais insupportable et que je devrais partir. J'avais peur. Et c'est comme si, d'un coup, j'avais compris que ça n'arriverait pas... Je n'arrive pas à expliquer ce qui s'est passé, je suis désolée.

- C'est rien, merci de me l'avoir dit, répondit doucement Matthieu. Et évidemment que je n'en aurai jamais assez de toi.

- J'ai encore quelques doutes tu sais.

- Alors dis-les moi et je passerai tout le temps qu'il faudra à te rassurer.

Colette baissa les yeux avant de poser distraitement une main sur son ventre. Elle savait ce que concernaient ses derniers doutes... Elle soupira. Inspira profondément et souffla nerveusement.

- D'accord.

Elle s'humidifia les lèvres. Le cœur de Matthieu battit un peu plus fort, sentant que c'était le moment des confidences.

- En fait, je suis malade. Une maladie chronique des intestins qui me handicape. Fatigue, douleurs, régime spécial à certains moments... Ajoute à ça un trouble de l'attention dont l'un des principaux symptômes est la dysphorie sensible au rejet... C'est une forme d'hypersensibilité. Tout rejet perçu ou réel m'impacte énormément, à base de pensées négatives, de dévalorisation... Je n'ai été diagnostiquée qu'il y a deux ans alors toutes ces idées noires ajoutées à la maladie... Mon estime de moi est au plus bas, même si j'essaie d'y travailler, rit-elle amèrement.

Matthieu écoutait, essayait de comprendre les implications.

- La cicatrice que tu as vue, c'est le résultat d'une opération que j'ai eue pour ma maladie. On m'a retiré la quasi-totalité du colon, qui était trop malade. Ça a été une année pénible mais après ça, avec la reprise du traitement... La maladie m'a laissée relativement tranquille.

Elle marqua une pause, se mordilla la lèvre.

- Et cohabiter avec moi ça implique... pas mal de moments pas vraiment glamours. Cette année j'ai été plutôt tranquille mais je ne suis pas guérie. A tout moment la maladie reviendra, elle peut impacter tout le tube digestif alors elle a encore de quoi faire... Et les médicaments ! Hormonaux majoritairement, immunosuppresseurs. Je suis aussi fragile qu'une personne de quatre-vingt-cinq ans, plaisanta-t-elle.

Son sourire disparu alors que sa voix mourait. Elle avait encore beaucoup à dire mais tout se mélangeait dans sa tête.

- Je peux te poser des questions ?

- Bien sûr...

Matthieu réfléchit un instant.

- Tu as cette maladie depuis combien de temps ?

- Seize ans.

- Alors tu avais ... ?

- Onze ans quand elle s'est déclarée.

- Dur... Et les médicaments hormonaux, c'est ceux qui ont impacté ton corps c'est ça ?

- Oui. Prise de poids rapide puis perte tout aussi rapide quand ma maladie était active. Avant mon opération, j'avais perdu quarante kilos en deux ans. Je ne me reconnaissais plus dans le miroir. Puis la crise s'est aggravée. J'ai eu les médicaments et j'en ai repris dix en deux mois malgré mes précautions. Je ne me reconnaissais plus non plus...

- Et aujourd'hui ?

- Ça va mieux, mais même si j'apprécie ce que ces cicatrices représentent... La majorité du temps, je trouve que je ne ressemble à rien, conclut Colette avec un soupçon d'amertume dans la voix.

- Colette, dit Matthieu en se rapprochant d'elle. Tu es magnifique tu m'entends ? Non seulement tu es une très belle personne mais tu es aussi magnifique.

Colette souffla un rire.

- Regarde toi comme moi je te vois, enchaîna-t-il sans se démonter. Tu as de grands yeux bienveillants, un sourire envoûtant et des formes qui donnent envie de se blottir dedans.

Il lui saisit le menton avec douceur et fit tourner sa tête vers lui alors qu'elle détournait le regard.

- Et chacune de ces marques, chaque vergeture...

Il fit glisser ses doigts du menton à l'épaule de la jeune femme où quelques marques violettes apparaissaient timidement, puis de l'épaule au ventre pour poser sa paume exactement sur la cicatrice qu'il avait aperçue des semaines plus tôt.

- Chaque cicatrice montre ta force, ta détermination, que tu es une battante, une guerrière, une survivante.

Sa main libre entremêla leurs doigts alors qu'il collait son front au sien et terminait à voix basse.

- Alors ne laisse aucun magazine, aucune image ou pensée négative te laisser croire que tu n'es pas belle. Parce que tu es absolument splendide.

Le cœur de Colette battait la chamade. Leurs souffles, courts, se mélangeaient chaudement dans cette proximité soudaine vraiment très agréable.

La vibration sonore du portable de Colette rompit brutalement le charme. Elle s'éloigna presque d'un bon pour consulter le message.

C'était Johannes.

ColetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant