37 - Février

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Ce fut naturellement qu'ils se rendirent sur la plage de leur rencontre pour l'anniversaire de leur un an d'amitié. Partageant les anses d'un sac à dos qu'ils balançaient gaiement entre eux, ils riaient, insouciants et heureux.

Ils pique-niquèrent joyeusement en bavardant avant de se caler l'un contre l'autre, face à l'océan.

Alors qu'ils profitaient du silence puissant du bruit des vagues, Colette vit soudain apparaître un gobelet devant ses yeux. Une odeur de café en sortait. Elle sourit et le prit entre ses mains avec reconnaissance.

- Je sais, je sais, dit Matthieu, tu n'aimes toujours pas ça. Mais je voulais te voir une fois avec un gobelet de café à la main sans pleurer.

La jeune femme se tortilla contre lui, jusqu'à pouvoir lui asséner un petit coup sur le torse. Le jeune homme rit et la reprit dans ses bras, son propre gobelet dans les mains.

Ils restèrent ainsi de longues minutes, appréciant l'air marin salé, le goût métallique de l'iode, la chaleur de l'autre. Hypnotisée par le sac et le ressac, Colette s'assoupit doucement, se laissant aller à l'étreinte amicale. Alors, tâchant de bouger le moins possible, Matthieu posa les deux gobelets dans le sable et s'allongea, en essayant de positionner correctement la jeune femme, pour qu'elle puisse dormir confortablement. Instinctivement, elle se rapprocha de lui et il resserra ses bras autour d'elle.

Les yeux perdus dans la grisaille d'un ciel de février, Matthieu se laissait aller à imaginer l'impossible. Il se voyait plonger son nez dans les cheveux de Colette pour sentir l'odeur de son shampoing alors qu'ils danseraient un slow maladroit. Il se voyait se blottissant au creux de ses bras, dans leur lit, lorsqu'il rentrait des docks. Il se voyait l'embrasser lorsqu'elle revenait de l'école. Il se voyait plonger sa tête dans sa poitrine pour profiter d'un long câlin en écoutant son cœur battre. Il l'imaginait d'ailleurs battre la chamade.

Il se voyait découvrir les moindres traces, tâches, cicatrices de sa peau... Il ouvrit les yeux d'un coup alors que ses pensées dérivaient trop, trop loin, trop vite.

Las, il se passa une main sur le visage. Contre lui, Colette dormait encore du sommeil innocent de l'ignorance. Du bout des doigts, en douceur, il vint enlever de son visage quelques mèches de cheveux qui s'amusaient à s'échapper de son chignon. La jeune femme ne broncha pas, tant habituée maintenant à son contact pour ne plus se réveiller au moindre mouvement. Matthieu soupira discrètement. Il savait qu'il devait garder patience et espoir. Mais ces sentiments étaient mis à rude épreuve face aux incertitudes et à la fragilité de son amie. Il voulait plus, tellement plus.

L'envie et l'impatience le rongeaient de l'intérieur alors qu'il tentait de montrer calme et joie à Colette... Mais il voulait qu'elle reste, pour toujours si possible. Alors il prenait son mal en patience. Dans un effort presque douloureux, il força sa respiration à ralentir pour essayer de se détendre.

Colette ne dormait pas vraiment. Elle s'était assoupie, oui, mais changer de position l'avait réveillée. Elle adorait dormir dans les bras de Matthieu. C'était chaud, confortable, rassurant, tendre... Pour rien au monde elle n'aurait bougé. Elle regrettait seulement que la veste du jeune homme l'empêche d'écouter les battements de son cœur, c'était sa mélodie préférée. Le savoir en vie et près d'elle suffisait largement à son bonheur.

Quoi que...

Elle sentait bien, depuis l'été, qu'elle voulait une relation plus intense, plus intime. Et elle sentait qu'elle changeait. Ils avaient plus de contacts, d'étreintes, d'embrassades. Elle ne savait qu'en penser. Elle n'arrivait pas à imaginer que son ami puisse ressentir pour elle autre chose que de l'amitié, mais elle ne concevait pas non plus une telle proximité sans une forme d'affection bien plus particulière...

ColetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant