Colette

13 - Cicatrices

"Ça te dirait de passer quelques semaines à la plage cet été ?"

Le message de Matthieu l'avait prise au dépourvu. Le mois de juin était déjà bien entamé, il était un peu tard pour louer quelque chose. Et surtout quelques semaines ! Elle ne pouvait pas s'éloigner autant aussi longtemps.

Le stress commençait déjà à l'envahir à l'idée de quitter son appartement, sa famille et surtout sa chatte adorée. Partir longtemps impliquait d'avoir une solution de garde et elle ne se voyait pas la confier si longtemps à sa famille. Et puis elle ne se voyait pas non plus passer ses nuits et ses journées sans la voir.
Son premier réflexe fut donc de dire non. Mais au moment de taper un long message d'explication, son téléphone sonna. C'était Matthieu qui l'appelait.

- Salut. J'allais te répondre, décrocha-t-elle.
- Je m'en doutais, répondit-il. C'est l'heure de ta pause.

Elle sourit immédiatement. Il avait donc remarqué ses horaires ?

- Je t'appelle parce que je voulais qu'on en discute justement, continua-t-il. Notamment pour ta louloute.
- Tu savais que j'allais te dire non c'est ça ?
- Oui mais c'est inadmissible, j'ai trop envie de te voir. Sauf que mon patron ne veut pas me laisser des congés ! Du coup, j'ai réfléchi.
- Dis-moi tout.
- Voilà, mes parents louent un appartement meublé à l'année en ville à des étudiants mais l'été il est libre. Ils seraient d'accord pour que tu vienne avec Misty comme pour une location d'été.
- Mais il n'est pas déjà réservé ?
- Non pas encore. Ils ne l'ont pas mis en ligne pour le moment justement parce qu'on en a discuté. Ils ont hâte de te revoir aussi mais on sait que tu ne peux pas laisser Misty seule aussi longtemps. Et chez nous ce serait compliqué pour elle. Au moins dans l'appartement l'acclimatation serait plus simple.
- Ça m'a l'air pas mal effectivement, pour que je puisse venir. Tes parents ont décidé du loyer du coup ? Comme ça je vois si c'est possible et combien de temps je viens ?
- Oui, je t'envoie tout. Et tu viens au moins un mois et demi, non négociable.

Elle pouvait entendre son sourire à travers le combiné. Le sien s'agrandit encore.

- D'accord, d'accord. Je regarde et je réfléchis.
- Super. Ça va comment ta journée ?
- Comme hier !
- Avare de détails aujourd'hui ?
- Non mais j'ai faim ! Je vais aller chercher mon repas et je te raconte après.
- D'accord, je t'attends, ne raccroche pas.
- OK.

Elle posa son téléphone sur le bureau et sortit de sa salle de classe rapidement. Ils se parlaient quotidiennement depuis plus de trois mois, de tout et de rien. Elle savait déjà qu'elle allait accepter. Même si Misty n'aimait pas beaucoup la voiture, la possibilité de l'emmener et que ce soit pour un temps long la charmait. Matthieu et sa famille lui manquaient beaucoup et elle avait hâte de pouvoir les voir.

- C'est OK pour cet été Mat, dit-elle immédiatement en revenant.
- Oh déjà ? Je suis trop content mais tu n'as pas regardé ce que je t'ai envoyé du coup ?
- Non, rit-elle. J'ai confiance et beaucoup trop envie de venir.

Le rire jovial du jeune homme retenti à l'autre bout du fil.

- Merveilleux. Prévois ton maillot de bain alors, mes parents vont nettoyer la piscine.
- D'accord. Tu me raconte ta matinée toi aussi ?
- J'avais posé la question en premier !
- Oui, mais on a le temps alors vas-y, commence.
- Ce n'est même pas un argument mais d'accord, j'obéis.

Elle mangea en l'écoutant et en racontant sa propre matinée. L'après-midi lui sembla bien courte et bien longue alors qu'elle devait sans arrêt ramener son esprit au travail tandis qu'il cherchait à s'évader vers la mer.

Le soir même, elle ne put s'empêcher d'essayer son maillot de bain, bien que son départ en vacances soit encore distant de deux semaines. Grand bien lui prit, il était devenu trop grand.
Le week-end même elle s'organisait une séance shopping. Elle hésita longuement sur le modèle : elle avait auparavant choisi un deux pièces pour la première fois de sa vie mais devait elle réitérer l'expérience ? Ou devait-elle revenir à un une pièce bien sage et classique ? Cela pouvait sembler être une question fort triviale et de peu d'importance. Mais alors que Colette essayait plusieurs modèles dans la cabine, et alors qu'elle le faisait par-dessus des vêtements, elle se rendit compte qu'elle voulait se sentir vraiment bien et à l'aise dans ce maillot. C'était le cas avec le deux pièces qu'elle avait précédemment mais cela lui avait pris du temps. Elle n'avait pas envie de passer à nouveau par ces doutes et tout le processus de validation qu'elle s'était sentie obligée de suivre. Elle choisit donc un modèle similaire à celui qu'elle avait déjà.

Arrivée chez elle, une fois qu'il fut propre et sec, elle le passa comme elle le porterait cet été là. Légèrement révélateur, le voile accroché au haut du maillot était juste assez long pour rejoindre le haut du short de bain. De taille haute, celui-ci épousait parfaitement les formes de son ventre. Elle passa les mains sur la matière, vérifiant qu'il était bien en place, s'habituant à cette image d'elle dans le miroir. Ses mains s'attardèrent plus longuement sur son ventre. Le short cachait parfaitement ses cicatrices. Elle avait beau les aimer, elle n'étais pas sûre de savoir en parler avec Matthieu et sa famille.
Elle ferma les yeux en songeant à tout le pan de sa vie qu'elle lui dissimulait encore. Un pan qu'elle révélait d'habitude très vite. Mais, pour une raison qu'elle se refusait pour l'instant de s'avouer, elle le lui cachait. Il avait déjà eu beaucoup trop d'occasions de la plaindre.