Passé

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–𝙇'𝙖𝙡𝙘𝙤𝙤𝙡 𝙚𝙨𝙩 𝙪𝙣 𝙧𝙚𝙢𝙚̀𝙙𝙚 𝙖̀ 𝙩𝙤𝙪𝙨 𝙣𝙤𝙨 𝙨𝙤𝙪𝙘𝙞𝙨, 𝙢𝙖𝙞𝙨 𝙞𝙡 𝙣'𝙚𝙨𝙩 𝙦𝙪'𝙚́𝙥𝙝𝙚́𝙢𝙚̀𝙧𝙚–

2018
Aleksandra 14 ans

J'ai tenté et j'ai échoué. Je suis là, le cœur qui bat, en vie dans ce monde cruel. Je suis là à me foutre en l'air. J'essaye par tous les moyens de me dénigrer, de me mépriser. Je fais l'inimaginable.

Je ne suis pas allée en cours depuis des jours, je passe mes journées à boire et fumer, à sortir à des soirées, à m'habiller comme une putain... mais c'est ce que je cherche et j'accepte ce que les gens pensent de moi. Après tout, cela ne changera rien à ma vie.

— Alek, me crie une fille que je viens de rencontrer.

Elle se fraye un chemin parmi les gens qui dansent. Arrivée à moi, elle me tend ce que je lui ai demandé. Elle me donne le joint entre mes doigts avec un briquet. Je m'empresse de l'allumer et d'aspirer la fumée dans mon corps. Je danse en fumant un bout et le laisse de côté dans la poche arrière de ma mini-jupe en jean.

Katie, Katherine, je ne sais plus, danse à côté de moi totalement défoncée. « Tout comme toi » tout à fait petite voix. Elle ne porte qu'un tee-shirt qui lui arrive juste en dessous de ses fesses. Ses jambes sont ficelées dans un collant à trous. Ses yeux maquillés croisent les miens et elle sourit en me voyant. L'alcool et le joint m'ont achevé, je ne suis plus consciente du faux et de la réalité.

Les silhouettes autour de moi deviennent floues de temps à autre. Je papillonne les paupières et je rejette ma tête en arrière. J'aimerais être à jamais dans cette bulle, dans cet endroit vide et flou. Mais toutes les bonnes choses ont une fin.

La musique devient plus forte autour de nous et les personnes commencent à crier de joie. Avec... « Kimberley » Kimberley, c'est ça, on suit le mouvement en sautant les mains en l'air et on danse une partie de la nuit.

Kim va chercher des verres, encore et encore. Je reste là, debout dans la foule, bougeant au rythme de la musique, les yeux fermés pour profiter des sensations qui s'emparent de mon être. Il y a quelques mains baladeuses, mais rien de surexagéré, rien de dérangeant, rien d'angoissant.

Je tourne sur moi-même et mes yeux se posent sur un garçon qui me fixe. Il me regarde de bas en haut et je fais de même. Il est plus vieux que moi, proche de la vingtaine. Il est mignon. « Ne fais pas ça ». Pourquoi pas ?

Je continue de danser sous son regard brûlant. Je vole parmi les gens. Je vole très haut au-dessus des lumières et de la musique. Des mains chaudes posées sur ma taille nue me ramènent à la réalité. Des doigts épais glissent sur mes hanches osseuses. Je penche ma tête en arrière pour la loger dans le cou du garçon mignon.

Nos bassins sont collés l'un contre l'autre. Je ressens une bosse contre le bas de mon dos, mais n'y prête pas attention. Nous dansons, collés longuement, avec des mouvements sensuels sans pour autant être ambigus.

Kim m'extirpe des bras du garçon en me gueulant dessus, comme quoi, elle connaît une adresse sympa. Je me retourne vers lui et lui fais un signe de la main pour lui dire adieu.

A jamais mignon garçon. C'était sympa de danser avec toi.

J'aurais bien aimé lui dire ça, tiens !

« Aleksandra. Ce n'est pas toi ça. » Nan, c'est ce que je suis devenue. C'est le résultat de ses coups. C'est l'effet que la vie a sur une enfant. C'est l'effet du vrai monde sur une pauvre gamine qui n'avait rien demandé, petite voix. C'est moi, et moi seule.

C'est moi et le vrai monde.
~~~

Kimberley est en train de dégobiller tout l'alcool qu'elle a bu quelques heures plutôt. Et moi, je regarde la lune et le soleil. « Charmant ». Je regarde les deux êtres célestes. L'un qui est l'origine de la lumière de l'autre. La lune est visible grâce au soleil, sans lui on ne la verrait pas, on ne verrait rien... mais l'homme ne voit déjà rien, à croire qu'il est aveugle ou qu'il lui manque des lunettes.

Le soleil n'a besoin de personne pour briller, par rapport aux autres planètes et autres du système solaire. « Tu es très philosophe quand tu bois trop Aleksandra ». C'est peut-être vrai.

— C'était démentiel, hurle Kim avec une de ces haleines près de mon visage.

— Je peux crècher chez toi ? lui demandé-je.

Je n'ai aucunement envie de rentrer chez moi et de subir les coups de mon père. J'évite la maison le plus possible depuis que j'ai... depuis que je me suis...

Je n'arrive pas à le dire putain « C'est pas grave ».

Car c'est lui qui m'a retrouvé. Il m'a simplement rigolé au nez et m'a jeté une trousse avec des pansements et des bandages. J'ai dû me débrouiller seule. «On n'est jamais mieux servi que par soi-même ».

— Ouiiii ! Bien sûr ma pote.

Pote... alors qu'on ne s'était jamais vues avant que je rentre dans la file d'attente pour entrer en boîte.

CORRIGÉ

LA VIE COULE EN NOUSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant