LA VIE COULE EN NOUS

Jour 28 | Johnatan

—𝙐𝙣 𝙧𝙚𝙜𝙖𝙧𝙙 𝙥𝙚𝙪𝙩 𝙙𝙞𝙧𝙚 𝙘𝙚 𝙦𝙪𝙚 𝙡'𝙚̂𝙩𝙧𝙚 𝙚𝙣 𝙛𝙖𝙘𝙚 𝙖 𝙨𝙪𝙧 𝙡𝙚 𝙘𝙤𝙚𝙪𝙧, 𝙞𝙡 𝙨𝙪𝙛𝙛𝙞𝙩 𝙙𝙚 𝙨𝙖𝙫𝙤𝙞𝙧 𝙡𝙚 𝙡𝙞𝙧𝙚 𝙥𝙤𝙪𝙧
𝙡𝙚 𝙘𝙤𝙢𝙥𝙧𝙚𝙣𝙙𝙧𝙚—

Toujours habillé de mon pyjama malgré l'heure tardive, j'entre dans la cuisine avec une idée bien précise en tête. Je cherche du regard la chose qui m'a poussé à sortir de mon atelier alors que j'étais en train de commencer un nouveau tableau. Voyant qu'il se trouve sur le plan de travail, je marche d'un pas rapide vers celui-ci.

Devant le gâteau aux carottes se trouve un petit mot avec la fine écriture d'Aleksandra :

Tâche de ne pas tout manger cette nuit. J'aimerais bien en avoir demain :)

Ps : ton glaçage est réussi !

Je souris en passant mes doigts sur les mots encrés dans le papier. Je pose le billet sur le marbre et empoigne le couteau pour me couper une part bien généreuse. Je prends ma première bouchée en fermant les yeux. C'est le meilleur gâteau que j'ai pu manger. « Et qu'est-ce que tu as pu en manger des gâteaux dans ta vie ». Je suis un grand amateur de gâteaux, c'est vrai.

En ouvrant mes paupières, mes yeux tombent sur Aleksandra qui est accoudée devant moi, une main sur la bouche pour cacher son expression d'amusement.

— Qu'est-ce qu'il y a de drôle ? demandé-je la bouche encore pleine.

Elle secoue la tête en se pinçant les lèvres.

— C'est impoli de parler la bouche pleine, dit-elle en tendant son bras pour attraper l'assiette où le gâteau déjà entamé réside.

Elle coupe une part aussi grosse que la mienne et la mange en un rien de temps sous mes yeux. Je prends quelques bouchées pour terminer de manger mon bout. Je me lèche les doigts qui sont salis par le sucre glace. Aleksandra s'en va pour se laver les mains à l'évier et va vers le frigo pour prendre une brique de jus d'orange une fois les mains propres. Elle se verse un verre et vient à mes côtés tout en sirotant son jus.

Mes yeux observent ses traits qui ont l'air plus fins qu'il y a quelques semaines. Ils descendent vers son cou, là où le col de son tee-shirt bâille, laissant apparaître sa longue cicatrice, due à une opération chirurgicale. C'est ce que j'ai décrété en la voyant pour la première fois.

Une cicatrice qui marque sa peau, qui la ramène dans le passé, qui ne la laisse pas s'épanouir dans le présent, du moins je l'imagine, pensé-je en regardant à présent ma cicatrice près de mon pouce et mon index.

Mes yeux se perdent une nouvelle fois sur sa cicatrice épaisse. Sentant mon regard sur elle, elle oriente son visage vers le mien. Aleksandra regarde où se dirige mon regard insistant. Voyant sa grande cicatrice, elle déglutit et finit d'une traite la fin de son jus d'orange. Elle se décale et commence à partir de la cuisine sans dire un seul mot.

Croyant qu'elle allait s'en aller, je me tourne pour aller moi aussi me servir un verre de jus d'orange avec un pincement au cœur que j'ignore en versant le liquide orangé dans mon verre. J'en bois quelques gorgées et me retourne pour me servir une autre part de gâteau. Sauf que je vois Aleksandra, assise sur l'un des tabourets de l'autre côté du plan de travail. Elle me regarde droit dans les yeux avec une émotion dure à identifier.