Passé [bonus~]

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—avoir peur de rentrer chez-soi n'est jamais bon signe—

2015
12 ans Johnatan



Je serre mon sac à dos comme si ma vie en dépendait. Je marche le plus lentement possible, la peur battant à tout rompre dans l'entièreté mon corps. La pluie s'abat avec violence sur mon visage. Sous les gouttes d'eau, on ne peut voir celle salée. Elles se font cacher par la pluie, comme le son de mes gémissements.

Maria m'a dit — ce matin avant que je parte en cours — que papa sera là quand je rentrai. Depuis là, je ne cesse de trembler, car je sais déjà ce qui va m'arriver. Il va m'agresser avec ses paroles aiguisées, il va m'assommer avec ses mots lourds.

Encore une fois. « Je suis désolé qu'il soit devenu comme ça Johnny ».

Alors, je fais tout pour retarder l'inévitable. Je traîne mes pieds qui commencent à refuser d'avancer, car je m'approche de plus en plus du building où nous habitons depuis la mort de maman. Je rêve chaque nuit que ce cauchemar prenne fin. Que tout redevienne comme avant. Quand nous habitions encore la maison en banlieue, quand maman était encore là, quand papa était encore gentil avec moi...

Mes lèvres tremblent de plus en plus et mon cœur peut exploser à tout moment dans ma poitrine.

Je m'arrête devant la porte en verre. Je respire l'air parmi la pluie et entre à l'intérieur. Je ne salue même pas le gardien. Pourtant, il est très gentil avec moi, mais je ne peux le regarder dans les yeux, car il verrait ma détresse et se poserait des questions muettes à mon propos.

Je fonce dans les escaliers parce que j'entends le son de sa voix dans le gigantesque hall.

A chacun de mes pas, mes chaussures fin trempées produisent de petits bruits qui résonnent dans la cage d'escalier. Je laisse derrière moi les traces de mes chaussures par de petites flaques d'eaux.

Je gravis les cinquante étages en ayant le souffle coupé une fois au sommet. Ma main tremble quand je l'avance vers la poignée de la porte de notre penthouse.

Quand j'entre à l'intérieur, l'odeur de papa m'enveloppe, comme une main menaçante et oppressante. J'entends sa voix, celle que je n'ai pas entendue depuis des mois. Je délaisse mes chaussures trempées sur le pas de la porte et commence à marcher dans l'appartement. Mes cheveux gouttent devant mes yeux.

Je mouille tout partout, il ne va pas être content.

J'essaye de m'éclipser dans ma chambre sans qu'il ne me voie ou m'entende. Je jette quelques regards un peu partout pour cerner l'endroit où il se trouve. Je longe le couloir, celui où se trouve ma chambre, mais avant que je puisse l'atteindre, je dois passer devant l'ouverture du salon.

Là où il se trouve.

Mon cœur bat encore plus rapidement que quand j'étais dans les rues. Je me mords la lèvre et ferme fortement mes yeux. Je me stoppe près du salon et ouvre grand mes paupières. L'ombre de mon père fait des aller-retours. Sa voix résonne une dernière fois et j'entends le "bip" de son téléphone, ce qui veut dire qu'il a terminé son appel et qu'il va forcément venir par ici...

Il va me voir c'est sûr.

J'allais me montrer à mon père quand soudainement la porte de ma chambre s'ouvre et se referme. Au fond du couloir se dessine Maria avec du linge sale dans une corbeille entre ses bras. Elle ne devrait pas le faire, elle le sait très bien que papa me demande d'exécuter mes propres tâches ménagères... mais Maria n'écoute pas toujours et j'ai peur qu'il ne la renvoie pour cela.

LA VIE COULE EN NOUSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant