LA VIE COULE EN NOUS

Passé

—𝘾'𝙚𝙨𝙩 𝙡𝙚 𝙢𝙤𝙢𝙚𝙣𝙩—

2023

Aleksandra, 19 ans.

Je fixe un point invisible. Quelque chose qui n'existe pas entre ces murs immaculés de blanc. J'évite de regarder l'homme gigantesque en blouse blanche. L'horloge murale accompagnée du filtre de l'aquarium émettent des bruits qui comblent le silence.

Je lui ai tout raconté et me voici à ma dernière séance. « Tu as bien fait Aleksandra ». Je n'en suis pas sûre, petite voix.

— Il y a deux semaines, vous m'avez dit que vous aviez retrouvé une lettre chez vous après l'incident...

— Suicide, doc. C'était un suicide, lui dis-je à voix haute.

Il cesse d'écrire dans son carnet de notes et lève ses yeux noirs vers moi. Il joint ses doigts et lâche un soupir.

— Vous vous êtes déjà demandé de qui venait cette note ?

— Évidemment. Mais je n'ai aucune réponse à cette question.

— Et ce n'est pas l'un des frères qui l'aurait rédigé, propose-t-il.

Je le lâche des yeux pour les poser sur les petits poissons qui nagent dans leur habitat pour le reste de leur vie... un simple aquarium. Je suis le voile des nageoires d'un poisson rouge, totalement hypnotisée par ses mouvements. Une larme vient se loger au coin de mon œil et finit par rouler sur ma joue.

— J'ai arrêté tout contact avec eux. Je ne suis pas sortie de chez moi depuis ma TS. Je sors seulement pour m'acheter de la malbouffe et de l'alcool. Ah ! Et de temps en temps, je vais dans un dinner ouvert 24 heures sur 24 pour manger à outrance.

Je survis...

Je me maintiens en vie avec des paquets de chips et du vin de mauvaise qualité. Le moins cher.

Hector est venu plusieurs fois à la maison, mais je me cachais contre le mur de la cuisine pour qu'il ne me voit pas. Je ne voulais pas le voir. J'ignore encore pourquoi, mais au fond de moi, une chose refusait d'ouvrir la porte d'entrée.

Et je suis même persuadée que les soirs qui ont précédé mon retour de l'hôpital, Lachlan venait se garer devant chez moi pour m'espionner.

— Je vous ai tout raconté, doc. De A à Z. Alors quel est votre diagnostic ? Suis-je une folle qui mérite qu'on l'enferme dans un hôpital psychiatrique pour le reste de sa vie ? Suis-je une alcoolique qui n'a aucune chance de sortir de son trou ? Ou bien suis-je une personne qui ne peut être sauvée par la médecine ?

Docteur Watson me regarde droit dans les yeux. Il joue avec ses pouces en faisant des cercles. Un toc qu'il a fait à chaque séance.

— Vous êtes dans un mal-être, Aleksandra. Un mal-être que vous seule pouvez résoudre. Par quel moyen ? Je l'ignore, mais si vous voulez retenter de revoir la mort... je ne vous en empêcherai pas. En aucun cas, j'irai à l'encontre de vos choix.

Il marque une pause en portant son index à son œil gauche pour essuyer la larme qui menaçait de tomber. En le regardant faire, un poids se loge dans ma poitrine.

— Pas après tout ce que vous avez vécu, avoue-t-il d'une voix remplie de désolation. J'ai fait tout ce qu'il y avait à faire. La médecine ne peut vous aider.