A C T E 4 - Parousie

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Dans la vie, tous les départs ont une arrivée... Sauf le dernier. Lorsque le corps meurt, l'âme du défunt est précipitée dans la mer des âmes. Les Grecs l'appellent le Tartare, les Chrétiens l'appellent l'Abîme et d'autres appellent ça les Limbes - là où les âmes errent à jamais, laissées à la miséricorde de Dieu. Les pécheurs et les déchus, ceux qui n'ont accès ni au Paradis ni aux Enfers, ne trouvent pas la paix et deviennent des spectres  détraqués jusqu'à ce que sonne le Jugement Dernier...

Au-delà de la mort, les souvenirs d'Haruo défilent comme la pellicule d'un film. De sa naissance jusqu'à sa tragique fin. Il revoit les passages les plus doux de son enfance : son premier anniversaire, ses premiers amis au jardin d'enfant, son premier vélo offert par ses grands-parents et son chemin de l'enfance à l'âge adulte, mais pas seulement, personne ne vit une vie entière sans jamais avoir souffert. Les souvenirs les plus douloureux sont souvent ceux qui réapparaissent lorsque l'on s'y attend le moins : un jour d'école difficile, tiraillé par l'envie de se déscolariser, les flammes qui engloutissent l'immeuble tout entier, les pompiers qui encerclent le bâtiment pour lutter contre l'incendie et les cris des passants affolés par la catastrophe. Un jeune homme se tient au milieu de la foule... Il ne pleure pas, ne hurle pas et ne pose pas des milliers de questions aux secours. Pas à pas, il s'avance vers la porte qui mène à l'escalier secondaire, sur le flanc Est du building. Alors que l'escalier s'effondre et que les flammes éradiquent tout ce qui se trouve sur leur passage, Haruo ouvre les yeux. Il inspecte le moindre centimètre carré de son corps, parfaitement au courant de ce qui lui est arrivé. Le métro, le crash et l'explosion.

Haruo, désorienté : Je suis... Mort ?

Son regard se pose sur le décor autour de lui : un lieu sans vie aussi obscur qu'une nuit sans lune, où tout est à l'envers de l'endroit et pourtant géométriquement parfait sans même avoir de relief. Le sol est à la fois transparent et opaque, mou et dur. Rien ne fait de sens et pourtant tout est parfaitement en ordre. Dans ce qui semble être le ciel se dessine un immense cercle de lumière blanche, aussi voire plus grand que le soleil. Haruo marche vers le cercle de lumière, incapable de différencier le Nord du Sud.

Haruo : C'est peut-être ça... Être en Enfer...

Sur le chemin, Haruo trouve une plume. Elle est de couleur noire mais est entourée d'un faible halo de lumière qui la rend visible dans ce capharnaüm sans fin - et sans début. Dans ses mains, la plume se désagrège en une fraction de seconde, laissant derrière elle une trainée de poussière qui va au grès du vent. Après vérification, Haruo se rend compte qu'il n'y a absolument aucun vent dans cet endroit.

Haruo, inquiet : Où est-ce que j'ai atterri ?

Voix ? : A la frontière du réel et de l'irréel. Là où vie, mort, humains et dieux n'ont plus de sens.

Haruo fait volte-face. La voix provient d'un être tapis dans l'ombre - c'est à la fois la voix d'un vieil homme empreint de sagesse, d'un enfant insouciant et d'une femme chaleureuse. Il ne distingue qu'une silhouette au-delà des ténèbres, rien qui ne soit humain ou animal.

Voix ? : Le temps, l'espace, la vue et la réalité ont leurs tours et détours que seul un rêveur peut percer à jour... Et tu es un de ces rêveurs, Haruo Arisato.

Haruo : De quoi est-ce que vous parlez ? Et puis vous êtes qui d'abord ?

Voix ? : Je ne suis qu'un administrateur parmi tant d'autres. Une voix qui guide les âmes perdues vers le Salut.

Depuis les tréfonds des abysses, une main difforme, griffue et dotée des serres d'un aigle approche du cœur d'Haruo. Il tente de reculer, mais une force invisible l'attire vers les griffes de son interlocuteur.

S O U L S T R U C T U R EOù les histoires vivent. Découvrez maintenant