Clap de fin

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Deux ans s'étaient écoulés depuis la scène rocambolesque à l'Ecurie. J'avais coupé définitivement les ponts avec Léo. Un après-midi, je le recroisais par hasard, alors qu'il promenait son chien au parc des Bastions. Il était identique à mon souvenir. Le secret de l'éternelle jeunesse se trouvait peut-être dans le refus obstiné de vieillir. Le comédien me salua chaleureusement et m'invita aussitôt à prendre un thé vert sur la terrasse ensoleillée du parc.

- Quoi de neuf ? dis-je pour amorcer la conversation.

- Trabajo, trabajo, trabajo. En fait, je suis bon que là-dedans. Plus de sorties, plus de luxure, un nouveau Léo. Tout nouveau.

Je le considérais d'un œil circonspect.

- Parfois, je fais des rechutes, finit-il par avouer après un silence. Je dis bite, poils, nichons. Mais dans l'ensemble, ça va mieux. Et toi ? ça nique ? Il est prêt à faire quoi pour toi ? Je t'ai mise aux enchères à l'Aiglon.

- Parlons plutôt de toi, rétorquais-je, cassante. Toujours esclave de ta bite SDF?

- Non. La débauche, c'est terminé pour moi. Je suis devenu un homme fidèle. Mon épouse est comblée. Plus sérieusement, tu t'es maquée avec qui ?

- Tu te souviens de Tristan ?

- Tristan de la Dent de Lyon. Dis voir, t'es passé du côté obscur ? De toutes, façons, j'ai toujours su que tu finirais avec un Genevois moche et coincé.

La jalousie était décidément le dernier sentiment à disparaître, après la passion, la colère, l'humiliation, la honte et même l'amour.

- Tristan...répéta-t-il doucement, comme pour invoquer le souvenir du visage de celui qui était devenu l'homme de ma vie. Je me souviens parfaitement de son minois. Un conseil, dis lui de ne pas être dans les parages quand le camion-poubelle passe.

- Tu sais parfaitement que le problème de Tristan ne se situe pas sur son visage, au demeurant parfait...

- Oui, mais quand il parle, une pluie d'ennui s'abat sur « son visage au demeurant parfait », se moqua le comédien.

- Tristan peut plaire quand il le souhaite. C'est un fort agréable causeur quand il veut s'en donner la peine.

Au même moment, mon portable vibra. La voix douce de Tristan m'annonça à l'autre bout du fil qu'une surprise m'attendait ce soir là. Je devais être prête pour 20 heures. Je souri et raccrochais, le cœur palpitant. Le regard de Léo se voila de tristesse.

- C'est douloureux, ce sourire que je connaissais si bien, que j'aimais, et qui maintenant ne m'est plus destiné.

Il me considéra, méditatif.

- J'espère qu'il y aura un crash où tout sautera et on sera tous à poil, finit-il par dire après un long silence.

J'éclatais de rire. La minute nostalgie était terminée. Léo était de retour, graveleux à souhait. Certaines choses ne changeraient jamais et c'était tant mieux. 


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⏰ Dernière mise à jour : Dec 16, 2016 ⏰

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