Lexa - Chapitre 3

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Lexa

La porte de l'écurie poussa un long cri strident, alertant les chevaux présents de mon irruption. Ni le maréchal-ferrant, ni son palefrenier ne m'accueillirent. En traversant le bâtiment, j'adressai un regard contemplatif à ces magnifiques bêtes. L'une d'entre elles capta immédiatement mon attention.

Le magnifique frison noir hennissait dans ma direction, comme s'il me saluait. Sa crinière ondulée et sa robe soyeuse brillaient comme une étoile dans un ciel d'hiver. Je lui rendis la politesse, lui proposant ma main avant de lui caresser l'encolure. Il semblait apprécier ce geste amical. Accrochée à la porte de sa stèle, une plaque en bois gravée m'indiqua qu'il se nommait Comète. Un nom bien trop poétique pour venir de son propriétaire actuel. Tout en poursuivant mes caresses, je lui murmurai des compliments qu'il ne devait pas souvent entendre.

— Qui t'as autorisé à toucher mon cheval ? grogna la voix de Griffin, le maréchal-ferrant juste derrière moi.

Je me retournai pour lui faire face, quand il cracha le tabac chiqué dans ma direction. Je soupirai, préférant ignorer la démonstration de sa grossièreté.

— Je voudrais vous louer un cheval. À combien sont-ils ?

— C'est pas donné. Surtout celui-là.

— Dix cuivrons et je vous le ramène après-demain.

Il s'éclaffa, dévoilant sa dentition tachée de chique à l'odeur rance.

— La location s'fait aux clients fidèles et de confiance. Il faudra l'acheter si tu l'veux. Et c'est pas l'même prix. Cinq cents cuivrons.

— Quoi ? De quel droit essayez-vous de m'arnaquer ! Un cheval ne coute pas plus de trois cents cuivrons, même pour celui-là !

— C'est la loi du commerce ma p'tite, c'est moi qui décide. Et si j'te dis que c'est cinq cents, c'est cinq cents. Sinon j'ai une vieille mule derrière pour deux cents cinquante cuivrons, cracha-t-il une nouvelle fois.

Cette fois-ci, je ne pus m'empêcher de lui lancer un regard noir, l'idée de l'étriper me faisait bien envie. Il profitait d'être le seul marchand de chevaux de Nativille et des environs, et nous n'avions même pas les moyens d'accepter cette offre scandaleuse.

Je préférai taire la raison qui me poussait à chercher une monture, plutôt que de voir son visage s'éblouir en apprenant la nouvelle. La carte de l'empathie, ne me parut pas un bon jeu avec cet énergumène.

En tirant la porte de la sortie, bredouille, le marchand m'adressa une dernière phrase qui me glaça le sang.

— Nous saurons bientôt la vérité, et ce jour-là préparez-vous à fuir, toi et ta mère. Enfin, si vous êtes toujours en vie d'ici là.

Je tressaillis en refermant la porte derrière moi, sur laquelle mon dos se reposa. Habituée à ce genre de menaces, celles-ci n'auraient pas dû m'alerter plus que de raison. Cependant, son ton laissait entendre qu'il savait que la mort planait au-dessus de nos têtes. Impossible. Comment pouvait-il le savoir ? Peut-être délirai-je, mais mon instinct me trompait rarement. S'il savait quelque chose sur l'état de ma mère, cela devait être également le cas du reste du village. Me faisant aussi discrète qu'une petite souris, j'arpentais les ruelles pavées, veillant à ne plus être vu.

Croire en ce fort sentiment de vices dormants me poussait à imaginer que l'origine de son mal les impliquait d'une façon ou d'une autre. Leur seule occasion pour nous piéger se déroulait pendant notre visite hebdomadaire du marché. Comment pouvais-je remarquer un évènement inhabituel tandis que je m'éclipsais à chaque fois à la rencontre de mon meilleur ami, Léoviel, laissant seule ma mère pendant ce laps de temps ?

L'ombre d'un loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant