Lexa - Chapitre 19

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Lexa

Mon index répétait ses mouvements verticaux, témoignant d'une frénésie obsessionnelle. Mon ongle creusait un trait supplémentaire à mesure de ses passages sur la planche humide. Incapable de détourner mon entière concentration de cette simple tâche quotidienne, je dévorais la peau gercée de ma lèvre inférieure, l'un des troubles compulsifs développés par mon emprisonnement.

Un exemple parmi tant d'autres.

Une brise glaciale s'infiltra par le soupirail et s'immisça dans ma nuque, renforçant la vivacité de mon geste pour pallier aux tremblements de mes membres. Depuis mon arrivée, les vents hurlants de la dame blanche avaient balayé les pluies abondantes et les feuilles chatoyantes de sa sœur ; je découvrirais sous peu son épais manteau de neige. L'astre brillait si fort sur les terres solisiennes qu'aucun givre ne pouvait naitre sans fondre irrémédiablement.

Je me réveillai chaque matin surprise d'avoir passé la nuit, tandis que l'unique tenue prêtée ne me conférait aucune protection face au froid de ce chenil. Pour tenter d'apaiser ce mal, j'acceptai la chaleur de mon voisin de cellule accoutumé de ma présence. Les canidés me gracièrent d'un silence salutaire.

Apprécierais-tu ces lieux pour ne pas chercher à t'en échapper ?

Je m'interrompis, ignorant l'ironie au profit de la contemplation de mon œuvre.

Je jugeai sa profondeur satisfaisante pour rejoindre les rangs des vingt-neuf autres, à la régularité discutable. Mes doigts sans empreintes vinrent caresser ces derniers, ce contact poisseux demeurait agréable en comparaison de mes nouvelles blessures, frissonnant au simple toucher de mes habits inconfortables. Jour après jour, je nous voyais dépérir à travers le reflet de mon bol d'eau, le résultat de mon passage dans cette même pièce avec ce noble, revêtue d'une chemise ivoire flambant neuve. Si les précédentes furent détruites par les flammes, mon propre sort découlerait de la volonté de mon maitre et des compétences de son médecin, à prolonger ma vie à l'aide de quelques coups d'aiguilles et de bains purifiants.

Ton sort ne dépend que de tes décisions, pas des leurs. Mais ce n'est pas une fois trucidé que je pourrais t'y aider, Lexa.

En dépit de son désir ardent d'apprivoiser le pouvoir de cette bête, Jaecarys continuait à embrasser le risque que je succombe à mes blessures ou que je sombre dans la folie. Je compris qu'en réalité, son intérêt pour ma personne dépendait de mon obéissance. Je la feignais sous un masque de résilience rendu crédible par la douleur de ma chair en lambeaux soulageant ma culpabilité maladive. Et même si cela me coutait de l'avouer, la compagnie de cette voix me forçait à rester ancrer dans cette dure réalité : si je la laissais me contrôler une nouvelle fois, qui sait ce dont elle serait capable. Ces chiens de chasse n'en seraient que le commencement.

« Es-tu réellement déterminé à mourir ? », répéta-t-elle, est-ce donc la finalité de tant d'efforts et de sacrifices ?

Ses questions résonnèrent en moi. Avais-je envie de me battre pour cette vie ?

Pense à ta mère, au père de Léo et ce pauvre Troipate...Ne méritent-ils pas d'être morts pour une véritable cause ?

Si son spectre funeste m'attirait parfois lorsque ses lames lacérèrent ma peau, je me ressaisis en songeant à eux. Mais aussi ma tante et aux nombreux secrets dissimulés. Il demeurait tant de mystère sur Faeirdom et sa vie d'antan. Je désirais connaitre la vérité. Cependant, je ne pouvais me contenter d'espérer que ce corbeau relâcherait facilement ses serres autour de moi et d'en profiter pour fuir.

L'ombre d'un loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant