Obéron - Chapitre 9

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Obéron


Cinq Pleines Lunes après l'intégration

— Obéron ! Bouge-toi l'cul !

En dépit de ses sommations répétitives, mes forces m'abandonnèrent. Mes jambes tremblotantes n'arrivaient plus à avancer et chutèrent dans le sable chaud de notre terrain d'entrainement. Je haletais comme si l'on m'avait mis la tête sous l'eau et que je reprenais enfin ma respiration. Mon corps se vidait de toute l'eau dont il était constitué. Ne risquai-je pas d'en mourir ? Si mon cœur n'explosait pas avant, je n'excluais pas encore cette fin morbide, mais apaisante. Je n'aurai plus à subir les injonctions du Capitaine ni les remarques cinglantes de mes camarades d'entrainement. Ces derniers constituaient mon unité de formation d'aujourd'hui mais deviendraient mes partenaires d'armes de demain. Notre future "famille" selon les dires de Dorkas, mais quelle blague, comment travailler des siècles au côté d'ordures pareilles ?

Je vivais les cinq pires cycles de lune de mon existence ; j'en oubliais parfois mon objectif si la vision du visage de ma Princesse devant sa fenêtre ne hantait pas mes rêves.

— Obéron, finis de rêvasser ! Si t'es allongé, c'est que t'es mort ! Et tu sais c'qu'on fait aux morts ?

Tant bien que mal, je prie appui sur mes genoux pour m'aider à me relever, trouvant le courage dans les mots d'encouragement de mon maitre d'armes.

— Ils retournent à leur élément de vie, Capitaine.

— Donc, je demande à tes petits camarades de t'enterrer ou tu te remets à courir ?

— Je cours, soufflai-je agacé.

— J'ai pas bien entendu !

— Je cours, Capitaine, m'époumonai-je en crachant ce qui me restait au fond de la gorge.

Même avec mon cœur battant dans mes oreilles, je l'entendis grogner une remarque en langue chaotique dont je ne connaissais pas la signification, mais que j'imaginais à mon intention.

Je finis l'entrainement sur les rotules, les muscles douloureux et les ampoules fraîches sur mes paumes m'arrachaient un grognement sourd à chaque manipulation de ma lame.

— Ça suffit pour aujourd'hui, rangez le matériel et revenez demain à la même heure.

— A vos ordres, Capitaine ! hurlions-nous en cœur, maintenant la posture obligatoire.

J'observais Dorkas s'éloigner du terrain, en étant soucieux de pouvoir survivre à d'autres jours de souffrance.

— Hey, leanaidroch ! Je comprends que ça soit épuisant pour toi...

Le sylvestre soupira d'un air désolé tout en me tapotant l'épaule. Je l'observais quelques instants, attendant la suite cruelle de sa phrase qui ne tarderait pas.

— Comment un enfant mal né pourrait nous égaler ? Cesse donc de te faire du mal.

— Tu nous excuseras de pas ranger avec toi mais on a encore des cours thaumaturgiques. Tu sais, ces enseignements auquel un simple leanaidroch ne peut prétendre.

Non, ne rentre pas dans leur jeu Obéron, tempérai-je. C'est ce qu'ils veulent.

— J'espère que ça ne t'empêchera pas de passer l'évaluation de fin de cycle. Ça serait dommage, tout ce temps de perdu, poursuivit le sylvestre sous les rires de l'Animae au cerf boisé.

L'ombre d'un loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant