Lexa - Chapitre 14

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Lexa

J'observai l'araignée renforcer sa soie au coin du plafond, cristallisant patiemment son piège mortel. Son existence dépendait de la perfection de son œuvre réservée à une unique proie distraite, dont le Destin s'achèverait, offrant au prix de son sacrifice, un prolongement de vie à son bourreau.

Depuis cinq jours, l'envie de survivre comme cette araignée semblait avoir quitté mon corps. Comment pourrais-je poursuivre ma propre existence au sacrifice d'innocent ?

Maman aussi était innocente, ses bourreaux se sont-ils sentis aussi coupable ? murmurai-je en repassant dans l'air cette forme hexagonale, dont la propriétaire semblait m'observer.  

Me lever me demandait un effort surhumain, mais la faim me poussait à réaliser cet exploit, un jour de plus. Le paillage de mon matelas crissait sous mon poids, tandis que je me postais au-dessus de la bassine d'eau posée sur la commode.

Je contemplai mon reflet dans le miroir et j'y vis son sourire fière et furtif, qui s'évanouissait l'instant d'après. Elle hantait mes reflets, mes pensées et mes cauchemars. Quelle différence entre elle et moi, après tout ?

— Est-ce vraiment ce que je suis ? Une meurtrière ?

Chacune de mes questions demeuraient sans réponse, dorénavant, seule son reflet m'apparaissait dans cette réalité, lorsqu'elle ne manipulait pas le cours de mes rêves.

Je me lavai le visage, frottant vigoureusement pour la faire disparaitre, en vain. L'odeur du sang tachait souillait mes mains créatrices d'une tueuse vengeresse et aveuglé. Ces mêmes mains avaient condamné un autre orphelin innocent et un père aimant, par l'accomplissement d'un sombre dessein.

À nouveau, je me forçai à affronter ce visage terrifiant et maculé par le Mal.

L'emmêlement de mes cheveux dissuaderaient quiconque de s'y intéresser. La bouche pâteuse et l'estomac vide, j'imaginais sans problème l'odeur matinale exécrable s'y dégageant. Mes yeux rougis et mon teint malade témoignaient aussi bien de mon état mental que physique. Depuis cette étrange vision, les Bruits s'étaient évanouis, au profit l'écho de Sa Voix ponctuant mes cauchemars. Ces derniers participaient à la formation de poches violacées sous mes yeux et de la fragilité de mon corps. Je me suis surprise à regretter le bourdonnement des abeilles qui avait ponctué ma vie par sa présence rassurante. Depuis lors, aucune nuit ne ressemblait plus à aucune autre et le calme ne revint plus à moi.

En dépit de mon envie de retourner sous mes draps, je m'armai de volonté pour enfiler un habit quelconque avant de rejoindre Mysti. Mes doigts bandés glissèrent le long de la main-courante, appréciant le contact douloureux du bois, avec l'espoir d'y croiser quelques échardes. De longues semaines de soin m'attendaient encore, ma peau marquée par les chaînes de fer, me rappelant sans cesse la souffrance et mon crime, dont j'appréciais le châtiment.

Je partis en quête de ma tante, jusqu'à l'apercevoir dans le jardin, accueillant quelques cucurbitacées murs pour le repas. La faune me rejoignit les bras chargés, prenant soin de ne pas salir sa robe flamboyante. Deux cornes en forme d'escargot habillaient chaque côté de sa crinière d'encre frisée, reflétant les faibles rayons du soleil. Elle m'invita à la rejoindre en cuisine, afin de préparer le repas. Ma compagnie silencieuse devenue une habitude semblait convenir à ma tante, tandis que je l'observais s'affairer aux fourneaux, préparant des courges rôtis et un clafoutis aux châtaignes.

— T'crois vraiment qu'il va venir ? me demandait-elle sans préambule. Ça fait d'jà cinq jours.

— Je n'en sais rien, répondis-je las. A sa place, je serai venue chercher des explications. Ou me venger.

L'ombre d'un loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant