L'ombre d'un loup

Lexa - Chapitre 29 Final

Lexa

Loin du tumulte martial de l'Est pour le partage de ce lieu aussi dangereux que convoité, les villages berdins côtoyant sa lisière se voyaient protéger par d'infranchissables falaises et rivières. À l'exception faite de ce bourg déserté par une recrudescence d'un nouveau genre de population. Leur l'intérêt se portait sur l'étonnante accessibilité de ce passage au cœur des bois, pourtant délaissé par sa royauté. Chasseurs, mercenaires et autres scélérats pullulaient à chaque recoin, à l'affut du moindre bout d'oreille pointue.

J'y abandonnais à contrecœur cette brave bête dérobée au nez de son propriétaire, devant une taverne aussi charmante qu'hospitalière. Un mélange de lichen et rouille habillait la devanture tandis que de monstrueuses araignées protégeaient leur toile de nous autres, prédateurs.

— « La tanière de l'ultime salut », une promesse bien ambitieuse.

Si la plupart des voyageurs assoiffés passaient leur chemin, je survolais la poignée de marches défraichie à la mélodie grinçante.

J'inspirai et poussai les deux portes battantes.

Mon cœur se souleva, l'odeur nauséabonde de cigares et de transpirations me brula la gorge. Pourtant, je déglutis face à leurs regards libidineux, l'estomac noué. Ils flairent la peur, force-toi à les ignorer. Je bombai le torse et relevai le menton.

— Une bière et votre spécialité, commandais-je en m'essayant au bar à l'hygiène optionnelle.

Le tenancier à la barbe rousse aussi hirsute que le reste de son crâne me jaugea de haut en bas, puis ses deux doigts tapotèrent le comptoir. Je soupirai et y déposa deux galons qu'il porta aussi vite à sa bouche. Un coup de canine suffit à lui confirmer leur authenticité avant de les fourrer dans son pantalon. Note à moi-même, ne pas lui demander la monnaie. L'instant suivant, le musicien poursuivit son air entrainant au piano et donnait l'impulsion aux joueurs de cartes et quelques filles de joie résignées.

Mes doigts s'imbriquèrent sous mon menton, je profitai de ce bref moment pour survoler l'étendue des dégâts de mon cœur en pièces. Durant ces longues heures à galoper, j'avais ressassé chacun de ses mots et chacun de ses gestes. À quel point mon esprit amoureux avait chassé les signes de trahison ? Je souffrais de mon ignorance, m'arrachant cette terrible envie de rebrousser chemin comme un pansement sale. Il est humain, ses paroles comme ses promesses ne valent rien, je répétais ce mantra jusqu'à y croire assez fort. Pourtant, l'absence des subalternes de mon ancien maitre à mes trousses brouillait mes suppositions le concernant. Me protégeait-il réellement d'eux ou n'était-ce qu'une étape pour un plan plus machiavélique encore ? Tout cela m'infligeait une torture digne de la perversité de Jaecarys.

Je soupirai, tout en me massant les paupières où une tension se formait à mesure de réfléchir à ce terrible casse-tête. À côté, décrypter les raisons ayant obligé Baelarys Targaryon et ses prédécesseurs à renoncer à ce passage s'était avéré bien moins épuisant. Si aucun rempart naturel n'entravait l'orée des bois, des pièges bien plus mortels se dressaient sur le chemin des inconscients. Quelques haltes et rumeurs suffirent à me confirmer qu'il s'agissait du « ventre de la bête », le point le plus condensé en magie du voile. L'endroit même où les humains la baptisèrent humblement : La Forêt Maudite.

Mes oreilles dérobèrent des bribes de conversations ci et là, jusqu'à être réellement conquises par l'une d'elles.

— Franchement les gars...c'est du pur suicide vot' mission...s'inquiéta le plus jeune à la table.

— Mais t'as bien vu la prime de l'autre ! Avec ça, tu couleras des jours heureux avec toutes les filles que tu veux...

— Et l'prix de ta vie ? s'inquiétait-il. Y en a un tas qui sont d'venus fou, à peine le pied d'dans ! Et quand l'un d'eux en est ressorti, il a zigouillé sa femme et ses gosses !