Lexa - Chapitre 10

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Lexa

La fureur d'un orage lointain, tonnait dans notre direction. L'air s'était empli d'une lourdeur soudaine et l'ombre menaçante des nuages, couvrit la plaine de son voile ténébreux.

Mysti me tendit du bout des doigts la dernière pierre plate, pas plus grande que le creux de ma main. Je la saisis sans oser la regarder dans les yeux, me refusant de succomber à la tristesse. Ma peine grondait au dessus de mon âme, et déversait les éclairs de ma culpabilité sur mon cœur.

Aucun mot à poser sur mes sens.

Aucun sens à donner à cette fin.

Mais une fin qui attisera les foudres de ma colère.

Une colère envers ceux qui me privaient ma mère ; une colère envers elle qui nous avait forcés à vivre parmi eux.

Ma tante devait partager mon avis, puisqu'aucune de nous n'en avait utilisé de mots pour réconforter l'autre. Seul un geste doux ou un regard d'encouragement vinrent ponctuer nos échanges. 

Ses dernières paroles avaient eu l'effet d'un barrage en moi, se brisant, sous la puissance de l'eau : « Lexa... ma fille, n'te retiens pas. T'as l'droit d'pleurer, t'as fait tout c'que t'as pu... »

C'était donc tout ce dont j'avais été capable. Rien. La finalité de ce périple. Je n'avais pas été capable de la sauver. Tout cela n'avait servi à rien.

Héloyse avait tenté de me consoler, mais ses mots sonnèrent faux à mes oreilles. Elle s'était résignée, ne voyant aucune réaction de ma part mais, avait tout de même insisté pour être présente à ses funérailles, pour lui dire en revoir. Ce n'était pas ce à quoi servait l'enterrement selon nous, mais je concevais autant que possible, son besoin. Comment aurais-je pu lui refuser après tout ce qu'elle avait fait pour l'aider ?

Ma tante protesta contre sa présence, lui faisant porter le blâme de mon échec.

Je réussis à la convaincre qu'être entourée de sa famille et de son amie était son dernier vœu avant de perdre la raison. Peu importe ce qui s'était passé durant cette nuit sinistre, aucun sortilège assez puissant n'aurait pu la faire revenir. Nous avions tenté le tout pour le tout, un jeu imposé par la Morte à l'unique dénouement funeste.

Je posai la dernière pierre en équilibre au-dessus des autres. Ma main tremblait, pas de la peur de tout faire tomber, mais de fondre en larmes ici et maintenant.

Je me reculai au côté de Mysti et lui pris la main comme pour me rassurer de son existence. Observée par Héloyse à l'écart de notre groupe, Troipate installé sur mes pieds, m'enveloppant d'une chaleur réconfortante. Ses oreilles basses et la pointe de sa queue entre ses pattes révélaient ses émotions, bien mieux que des mots.

Nous avions passé la journée à creuser un trou si profond que les racines de la forêt se lieraient à elle. Ainsi, elle ne ferait plus qu'un avec ce sol aux récoltes abondantes.

La nature nous témoignait sa souffrance, fouettant d'un vent brutal nos visages et les feuilles des arbres. Ces dernières recouvraient le tas de terre retournée à nos pieds.

— Nous l'avons enterré comme le veulent les traditions, soufflais-je à l'intention du vent, emportant avec lui mes paroles.

Les faes d'chair retournent à la terre, récita Mysti en s'appliquant à articuler, celle du feu et d'air sont brulées et soufflés par l'vent et les faes d'eau sont emportées par l'courant.

Le cycle de vie se perpétue..., complétai-je.

Nous rendons à la terre qui a conçu ce corps..., finissait-on en cœur d'une voix solennelle et profonde.

L'ombre d'un loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant