Lexa - Chapitre 23

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Lexa


Son souffle alcoolisé à l'effluve boisé, l'air glacial et ferreux, cette chaise inconfortable dont les chaines m'avaient paresseusement rongé la peau ; je frémis. Ma nuque pivotait, cherchant à se débarrasser d'une gêne dorsale, un toussotement s'évanouit entre mes lèvres. Quelque chose effleurait mes genoux, remontant au fur et à mesure de mon réveil difficile.

— Mon cœur saigne, uilebheist...

Je m'arrachai du sommeil et assimilai cette chose à ses doigts noueux, dessinant des formes imaginaires sur mes cuisses. Je sus à la lueur dans son regard que la frustration exacerberait ses pulsions.

— ...si ce n'est pas autant que ton épaule. Quelle idée saugrenue, te languissais-tu de nos sessions ?

Je sentais sous la robe de ménagère en lin, un bandage neuf recouvrant les coutures.

— On ne peut pas dire que Baelzon ait été enchanté de quitter la fête à son point culminant...

Le souvenir flou du médecin une aiguille à la main ressurgi, comme le gout de lait de pavot. Jaecarys zigzaguait le long de mes bras, dont l'un, insensible.

— Enfin, j'imagine que tu ne comptais pas t'en resservir un jour.

Son rictus s'élargit, avant de se reperdre dans les abysses.

— Pourtant, le savoir n'apaise pas ma propre douleur. Cette trahison...je pensais que nous avions dépassé ça, vois-tu. Grâce à moi, tu sais exploiter tes pouvoirs, et moi je montre à tous ta puissance, n'est-ce pas le marché que vous avions convenu ? Pourquoi avoir fait ça ? Tu aurais pu obtenir ta liberté...

Sa mâchoire se crispa et ses pupilles commencèrent à trembler, à la recherche d'une émotion qui l'aurait satisfait : la peur. Ses serres s'enfoncèrent dans mes joues, il me ramena vers lui, si proche qu'ignorer son regard fou devint inenvisageable.

— Réponds-moi ! hurla-t-il, sa main tressaillit sous la contracture de son bras. C'est ainsi que tu me récompenses de t'avoir sorti de ta cage !? Aurais-je dû t'y laisser croupir pour que tu n'oublies pas tes obligations envers ton maitre ?

— La promesse est rompue. Les autres vont –

— Qui va leur dire ? Toi ?

Sa langue claqua sur son palais et me relâcha, il se mit à rire. Un rire granuleux et condescendant.

— Je ne compte pas t'en donner l'occasion, petite chose.

— Qu'allez-vous faire ?

— J'hésite encore. Devrais-je t'abandonner ici ? Après cette traitrise, comment pouvais-je te refaire confiance ?

— N'ai-je pas contribué à votre succès ? Les convives de ce soir vont parler de moi à leurs amis, et leurs amis à leurs amis. Comment allez-vous justifier ma disparition ? Ne pensez-vous pas que votre précieuse réputation de dompteur risque d'en pâtir ? Est-ce vraiment ce que vous voulez ?

Il s'éloigna pour mieux m'observer dans mon entièreté. Dès l'instant où je m'étais intéressée de nouveau à ses plans, son sourire espiègle s'élargit.

— Oui, oui ! applaudit-il. Que tu es perspicace...argh j'adore ! Ce mordant, cette lueur dans tes yeux ! Pas prête à mourir, n'est-ce pas ? Je sentais bien qu'il serait laborieux de te soumettre, mais l'idée m'a toujours plus, ajouta-t-il en passant sa langue sur ses dents, excité. Et d'autant plus à présent, avec ce nouveau pouvoir que tu sors de ton chapeau. Pas n'importe quelle magie d'ailleurs, la manipulation d'esprit...

L'ombre d'un loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant