Obéron
J'arpentais ce labyrinthe de haies verdoyantes, un lieu prisé par les amants en quête d'un refuge discret pour les témoignages de bons sentiments. La fraicheur de l'automne au crépuscule les avait fait fuir, privilégiant l'abri des murs de la cité aux jardins royaux. En dépit d'une difficile orientation, Je parvins à son centre, où se dressait un magnifique arbre de Glycines mis à l'honneur. Bien moins imposant que celui du Palais, son âge vénérable lui offrait néanmoins une certaine prestance, due à sa taille trois fois supérieure à la mienne. Ses fleurs, comme celle aux quatre coins de Faeirdom grâce au travail de pollinisation, ne fanaient jamais, qu'importe la saison ou les intempéries. Ce miracle divin débuta selon les rumeurs à la naissance de la première Princesse. L'élégance, la délicatesse et les propriétés médicales de cette fleur lui collaient à la peau, tout en renforçant sa position de favorite dans l'esprit de son peuple à chaque contemplation.
La ramure de l'arbre descendait en une cascade inégale et offrait un abri au tronc, dont les racines se soutenaient l'une l'autre dans un tortillement gracieux vers le ciel. J'interrompis la danse du vent entre les branchages afin d'y vérifier sa barrière d'ombre. Mes doigts hésitants effleurèrent ce contact frais, puis se retirèrent. N'allais-je pas le regretter ? Qu'allait-elle penser en apprenant la vérité sur mon compte ?
Six cycles de saison s'étaient écoulés depuis cet instant chaotique, où j'imaginais détruire la menace considérée jadis, étant la plus dangereuse de toutes : le prétendant. Ma réflexion enfantine s'appuyait sur la peur qu'il soit susceptible de l'éloigner de moi, la faire changer jusqu'à ce qu'elle me répugne, comme les autres. En grandissant, les mots blessants de l'elfe se révélaient être une pensée répandue et raisonnaient à présent tel un conseil avisé pour conserver son titre d'héritière, ma place n'était ni au Palais ni à ses côtés. Et quand bien même la dureté de ses propos me semblait injustifiée, il ne méritait pas de subir le châtiment d'un coup de colère d'un morveux incapable de contrôler ce pouvoir terrifiant en plus d'être partagé par un père unseelie.
Mon départ sans retour me permit d'ouvrir les yeux, bien que ma prise de décision s'avérât plus difficile à accomplir puisqu'il signifiait renoncer à son amour. J'inspirai profondément. Je continuerai à assurer sa protection qu'importe sa réaction ou sa haine. Le bras tendu, je palpais la caresse froide du voile lorsqu'une main me saisit, la seconde d'après, le reste du corps s'extirpa de sa prison. D'une sensation de légèreté m'envahit, grâce la disparition du flux constant d'énergie pour maintenir ce sort.
— Toi ! s'écria l'elfe. Espèce d'abruti de domestiques, tu veux mourir ? Oser me tromper suffirait à te condamner, il faut en outre que tu..., s'interrompit-il en cherchant autour de lui. Où est le morveux ?
— Devant vous.
Sa surprise étira ses traits délicats et purs, relevant d'un prosaïsme héréditaire. Sa chevelure lisse et souple confortait sa nature elfique, quelques mèches sombres rassemblées derrière son crâne dégageaient son menton aussi pointu comme ses oreilles. Un physique typique du séducteur indomptable, délaissant ses fraîches conquêtes et ses fonctions prédestinées au profit de folles aventures par-delà les remparts de la cité. Dans une certaine mesure, j'aurais dû remercier que sa réputation m'ait préservé des rumeurs, un temps du moins.
— Pour tout vous dire, je ne suis pas fier de ma ruse : utiliser l'excuse d'une rencontre secrète avec la Princesse, ce n'était pas correct...autant que de vous enfermer là-dedans pendant six cycles.
— Que dis-tu ? Six...cycles ?
Il me détailla de bas en haut avec un air dubitatif, à mesure de relier les points communs de l'enfant du passé et le jeune homme du présent, ses yeux s'écarquillèrent. Cette magie l'avait maintenu en vie, sans altérer la continuité de sa croissance.
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L'ombre d'un loup
FantasyUn conflit millénaire déchire les royaumes et ses populations. Celui des humains, et des faes. Lexa est une fae née sur la terre des Hommes. Soumise au destin réservé à son peuple, elle n'a d'autres choix que d'y vivre cachée avec sa mère. Lorsqu'un...