Lexa
D'un claquement de porte vibrant, je m'arrachai à la supervision des geôliers et m'y adossa, empêchant qui conque de constater les secousses parcourant mon corps. Mes doigts gelés agrippèrent mes genoux, s'entrechoquant au gré des palpitations de mon cœur.
— Jaecarys n'a rien vu. Crois-tu vraiment qu'il t'aurait laissé partir en sachant que tu étais à deux doigts de le tuer ? Calme-toi maintenant, ce n'est pas digne de nous.
Alors que le grand jour se rapprochait et que nous préparions notre plan d'évasion depuis deux semaines, l'impulsivité regagnait mon tempérament ; bien plus qu'il ne l'avait jamais été. Ma transformation se fluidifiait, en contrepartie, la barrière entre nos esprits s'effritait. Je ressentais davantage sa puissance tout comme le désir pressant de lui ôter la vie. Même les menaces prononcées par sa femme n'auraient pu le rendre moins méprisable. Son sourire mesquin me hantait. Comment arrivai-je encore à désamorcer nos pulsions sanguinaires ? Par chance, mon supplice s'achèverait demain au moment où nous franchirons tous ensemble, les portes de cette prison.
Je remarquai la présence de Daena dissimulée derrière le rideau qu'elle tira d'un geste brusque. Mon dos se décolla d'un bond, honteuse. Mon état ne devait pas lui avoir échappé.
— Tu es en retard. L'eau du bain a refroidi, je vais devoir la faire réchauffer, s'agaça-t-elle.
Ses jupons s'envolèrent lorsqu'elle tourna les talons, attrapant la bouilloire au passage. Il ne fallait plus rien laisser paraitre. J'inspirai avant de m'élancer à travers la pièce et patientai assise sur le rebord de la fenêtre, là où mon esprit vagabondait avidement, par-delà les limites de la propriété. Mon désir de liberté décuplait mon imaginaire. La vitre glaciale se recouvrait de buée au contact de mon souffle puis s'atténuait jusqu'à ma prochaine respiration.
En un temps record, le travail colossal abattu métamorphosa cette demeure. Des tapis, coussins et fauteuils furent installés dans chaque salle, constituant une multitude de salons privés dont l'ambiance tanisée profitait à l'intimité de chacun. Des compositions florales et mystérieux artefacts illégaux à Solis habillaient chaque surface astiquée. Dehors, les domestiques emmitouflés tapissaient d'imposants rubans verts, les majestueuses arches des allées. Une espèce de lièvre occupait depuis peu les cages rasantes, je cillai en l'observant abattre ses bois sur sa prison de métal. Un jackalope. La question du « comment » m'effleura l'esprit, jusqu'à se répondre d'elle-même : le marché noir. À l'instar des brownies et génies de maison en « vitrine » dans la salle à manger, leur provenance illégale ne faisait aucun doute.
Je frissonnai, être à Faeirdom n'avait pas protégé ces êtres magiques. Qu'en serait-il de moi ou de ma tante ? Pourtant, aucune autre perspective plus florissante ne s'offrait à nous. Rester dans ce royaume, pire encore, dans ce manoir, causerait notre perte à tous. Quand bien même l'égoïsme proposé par la Voix me permettrait la rejoindre bien plus vite, comment pouvais-je me regarder dans le miroir en les abandonnant ? Peut-être n'était-ce que mon Destin, néanmoins, me racheter une conscience surplombait mon désir de la retrouver.
— Viens.
Je repoussai l'appel de la domestique lorsque l'ombre sombre tacha le paysage blanc. La voilà. Chaque jour, j'apercevais son manteau ébène glisser le long du chemin, jusqu'à la haie de rosiers. Les feuilles mortes et les brins d'herbe n'avaient su résister à l'épaisse couche de neige, pourtant, grâce à son implication, l'éclat des pétales écarlates demeurait.
— Comment peut-elle vivre avec lui ? murmurai-je.
— Elle n'a pas eu le choix.
Je me retournai vers la domestique, surprise d'obtenir une explication à cette question rhétorique. Une fumée s'évapora lorsqu'elle déversât l'eau brulante dans le bain.
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L'ombre d'un loup
FantasíaUn conflit millénaire déchire les royaumes et ses populations. Celui des humains, et des faes. Lexa est une fae née sur la terre des Hommes. Soumise au destin réservé à son peuple, elle n'a d'autres choix que d'y vivre cachée avec sa mère. Lorsqu'un...