Lexa - Chapitre 18

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Lexa

Je grognais d'une voix enrouée baillant à m'en décrocher la mâchoire tandis que mes cils encollés m'empêchaient d'ouvrir les yeux. Je parviens enfin à m'extirper de mon sommeil forcé ; la pénombre de ces lieux confirmait ma captivée. En plus de cette vaseuse sensation parcourant mon être, j'échouais à reconstituer tous les évènements de la veille. En me redressant par réflexe mes membres ankylosés, une douleur fulgurante me saisit.

Le juron préféré de ma tante s'échappa de ma bouche pâteuse et une grimace se forma au coin de mes lèvres gercées. Je grondai en touchant mon épaule recousue dont le tiraillement raviva le souvenir de la flèche hypodermique. Puis, j'assimilai le nouveau pansement autour de ma cheville anciennement disloquée, guérissant à peine de la morsure du fer. Mon corps se souvint dans un fourmillement, de ma course effrénée et de leurs flèches mortelles ; des couinements de mon frère subissant les attaques de ces cabots jusqu'à s'effondrer, transpercé par une flèche suivie d'une autre. Son cadavre tiède et son poil gorgé dans mes bras. J'observai les bandages propres sur mes doigts brulés. Je reconnus ce vide dans ma poitrine, cette douleur devenue coutumière, à l'instar de ma culpabilité. Bien que sa mort découlât de leur décision, je n'y voyais que la malédiction de mon existence.

Je m'appuyai sur le mur, le contact froid sur ma peau nue m'arracha un hoquet. Ma chevelure ondulée reposait le long de mes seins la recouvrant, tandis que je constatai avec effroi qu'ils m'avaient tout pris : les bottes vétustes offertes par ma tante, la robe portée par ma mère, et par-dessus tout, mon héritage de sa vie d'antan, son collier.

Mon cachot, si basse que seul un chérubin pouvait s'y lever, était séparé des autres par des planches en bois mal accolées et de deux grilles amovibles aux épais maillons. L'endroit s'apparentait à une cabane en pierre, humide et triste, aérée par quelques lucarnes sans vitre. Face au silence du lieu, je m'approchai de la cage voisine, afin d'y apercevoir le contenu. Des crocs baveux m'agressèrent, l'animal secoué d'une frénésie inexpliquée se mit à gratter le bois. Les autres suivirent aussitôt, une cacophonie insoutenable débuta en dépit de mes mains plaquées sur mon crâne. Le bourdonnement me fit tourner de l'œil, m'obligeant à me recroqueviller. Des larmes naquirent, je me mordis la lèvre pour maintenir la souffrance.

— Fermez-là.

Une ombre passa le pas de la porte, l'ordre adressé à tous résorba le silence dans l'abri. L'autorité indiscutable de l'homme sur ses chiens démontrait son rôle de piqueux, la personne en charge du chenil. Il franchit l'encadrement jusqu'à se poster devant ma prison. Mon regard attentif glissait sur le cinquantenaire à l'allure squelettique. Son menton, marquée par une atroce cicatrise, mâchouillait un brin de paille, qu'il retira pour m'afficher une moue dégoutée.

— Enfin réveillée, sale bête. J'vais appeler l'maître.

À ses mots il repartit avec la même démarche nonchalante, les chiens s'agitèrent à nouveau.

Au bout de ce qui me semblait être une éternité, trois personnes apparurent à contrejour.

— Fermez-là les clébards !

Je reconnus la voix trainante du piqueux, pourtant ce fut l'autre homme qui se posta au-dessus de ma cage. Son attitude traduisait ses intentions malsaines, son regard d'un bleu glacé pétillait d'une excitation désinvolte.

— Bien bien. Nous allons pouvoir parler, uilebheist.

Je prenais le temps d'observer, celui qu'on surnommait le maître. Son long manteau sombre paré de luxueuses broderies vertes m'interpella lorsque j'aperçus le blason sur la poitrine. L'œil du corbeau me fixait de son émeraude étincelante. Ma gorge sèche me brula à l'instant où je déglutis. Qu'allais-je devenir entre les mains de ces barbares ? La terreur me noua l'estomac pourtant, je n'arrivais pas à détourner mon regard du sien.

L'ombre d'un loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant