Joue avec moi

12. Quiproquo

Ariane

"Il faut oser d'abord, doser ensuite."
De Karin Viard

Dans la voiture, aux côtés de Raph qui conduit sa berline, je me retrouve seule avec lui uniquement parce que Marine travaille de nuit ce week-end. La radio diffuse en sourdine dans l'habitacle, mais mon réveil bien trop matinal suivi d'une douche beaucoup trop coquine pour ne pas rougir en y repensant me laisse rêveuse. Malgré l'euphorie de mon orgasme précédent, l'angoisse de quitter cet endroit me serre les entrailles. Je me suis vraiment beaucoup rapprochée de mon coloc, cette sexy tête à claquer est vraiment très attachante. D'ailleurs, l'autre jour, en rentrant, j'ai découvert un sandwich à moitié mangé sur le canapé, une chaussette solitaire sur la table basse et son téléphone coincé entre les coussins. Si ce n'est pas de l'organisation, ça ! Un sourire se dessine sur mes lèvres alors que Raphaël rompt le silence pour me sortir de mes pensées :

— Tout va bien ? Impatiente de rentrer ?
— Oui, bien sûr. J'ai surtout hâte de voir dans quel état est mon appartement et de retrouver mon chat. Mais je crois que quitter Paris dans un mois sera plus difficile que je ne le pensais. Je ne veux vraiment pas y penser.
— C'est normal. Tu t'es fait des amis, et puis je pense que tu t'es attachée à Mo. C'est un chouette gamin.

Gamin ? Bon sang, c'est vrai que je couche avec un étudiant. Un étudiant ! Un jeune homme, quoi !

— Il est gentil, je l'aime bien mais je t'interdis de lui dire ! ris-je pour camoufler ma gêne.
— J'ai vu vos stories, vous êtes devenus proches, c'est le petit frère que t'as pas eu en quelque sorte.

Oh mon dieu, même lui trouve qu'on a trop d'écart ! Heureusement qu'il ne sait rien. J'aurais l'air de quoi ? D'une cougar !

— Dommage qu'il soit trop jeune pour envisager autre chose, dis-je en le regrettant aussitôt.
— Oh, il te plaît ?
— Qui ne le trouverait pas beau mais c'est un Don Juan croisé avec un sale gosse bordélique.

Ouais, il laisse toujours tout traîner, il me rend folle alors que je suis maniaque. Chose que Raph sait et il s'esclaffe en imaginant certainement la vidéo faite avec le blond. D'ailleurs les commentaires de ses followers ne sont pas toujours tendres avec moi, certaines me jugent vieille, moche ou encore grosse ! Alors que les hommes le trouvent plutôt chanceux d'avoir une jolie coloc. Hum, je vais me contenter de ceux-là ! Ils sont meilleurs pour le moral.

Arrivée chez moi, je retrouve ma mère et mon adorable boule de poils qui a pas mal grossi ; mon petit chaton devient un bon gros matou. À peine ai-je déposé mes affaires que je me retrouve déjà à accompagner ma mère pour un repas chez sa jumelle, la mère de Raph. Les conversations fusent sur tous les sujets...

— Alors, ton colocataire est sympa ? m'interroge tata Vivi.
— Tu savais qu'il est très mignon, voire croquant raconte ma mère.
— Oh tata Val, Morgan te plaît ? Il est un peu jeune pour être mon oncle, se marre mon cousin.
— Attends, elle lui a déjà fait du rentre-dedans. La cougar ! ajouté-je.

Heureusement, Viviane, la jumelle de ma mère, interrompt la conversation avec l'arrivée de son dessert. Ma tante a toujours été une cuisinière hors pair, rien à voir avec sa sœur. Elle est la reine des plats copieux de notre terroir, alors que l'autre, ce sont les coquillettes au jambon et les croque-monsieur. Je tiens beaucoup plus de Viviane, bien que ces derniers temps, avec ma relation avec Mo, je commence à ressembler de plus en plus à ma mère. Seule, sans homme attitré, juste une femme qui aime vibrer... Notre différence ? C'est que je n'ai pas d'enfant à charge, juste un chat. J'ai passé de nombreuses années à alterner entre la famille de Raph et celle de mes grands-parents. Ma mère ne m'a jamais mise de côté, j'ai toujours été l'une de ses priorités, mais quand il s'agissait des week-ends, c'était mieux pour tout le monde si j'étais ailleurs. Je ne lui en ai jamais voulu, j'ai étrangement bien vécu cette période. J'étais heureuse d'être entourée d'une vraie famille avec une figure paternelle. D'ailleurs, le père de Raph est comme le mien. Georges n'est pas un grand bavard - de toute façon, il est difficile d'en placer une quand les filles Muller sont ensemble, même si elles s'interpellent de tous les noms d'oiseaux parce que l'une pense être plus intéressante que l'autre - mais il a un grand cœur, et il m'a acceptée tout de suite. On peut dire que Tata Vivi ne lui a pas vraiment laissé le choix. C'est ça, les jumelles, la fraternité avant tout !