Joue avec moi

21. Doute et déménagement

Ariane

"Dans la vie, rien n'est à craindre, tout est à comprendre."
de Marie Curie

Le soir venu, je me prépare pour la soirée avec Steve et son nouveau petit ami, que je vais enfin avoir l'occasion de rencontrer. D'après mon meilleur ami, il est apparemment aussi irrésistible qu'un cookie tout juste sorti du four. Autant dire que je risque de me retrouver en mode candélabre ambulant pendant toute la soirée. Heureusement, Bruce est là pour me tenir compagnie. Même si je ne cherche rien avec lui, sa présence a le don de rendre le moment un peu moins gênant. Alors que je peaufine mon look avec une combi-short blanche qui met mes formes généreuses en valeur, ma mère fait irruption dans ma chambre, comme si elle avait senti l'odeur de la soirée.

— Tu rentres sans frapper maintenant ?
— Oh, désolée, ta porte était entrebâillée !
— Ah, c'est pour Bretzel.

Apparemment, ça stresse les félins quand les portes sont fermées. Ouais bon, les poils sur mon lit, c'est du stress pour moi, mais comment refuser quelque chose à ma petite gueule d'amour.

— Ne te couche pas trop tard, demain c'est mon déménagement ! annonce Valérie avec enthousiasme, déjà plongée dans son prochain projet de décoration.

Ah, la magie de la rénovation ! La voisine a récemment donné un coup de peinture, donc il lui suffira de poser ses meubles et ses babioles de méditation pour s'installer. Mon appartement retrouvera enfin son élégante sobriété. En réorganisant déjà les lieux dans ma tête, je ne peux m'empêcher de sourire en pensant à l'extravagance de ma mère. Ses touches excentriques me rappellent mon enfance, me transportant loin de mes tracas actuels.

Malgré nos différences de style, ces babioles apportent une certaine chaleur et familiarité à mon chez-moi. Nos goûts divergent, mais ce contraste rend notre relation spéciale. Ma mère a toujours ajouté une touche d'excentricité à nos vies, tout mon contraire, mais aussi mon complément essentiel. Mais bon, demain, tout ça sera du passé ! Adieu déco exotique !

Pourtant, en regardant avec scepticisme le tapis de yoga déployé dans le salon, se fondant étrangement bien avec mon canapé beige, je ne peux m'empêcher de me dire que non ! Ce n'est plus à mon âge qu'on vit avec sa mère ! Et franchement, ses statuettes de divinités hindoues détonnent vraiment dans mon esthétique minimaliste.

— T'aurais pu trouver un chéri déménageur pour le coup, plaisanté-je, sachant très bien qu'elle est un cœur d'artichaut.

Elle me tire la langue, lève les yeux au ciel et poursuit :
— Karan déposera les meubles dans l'entrée à 9 heures.

Ah, c'est particulier ! Karan est le nom de son dernier ex, celui que Steve mate en live pour ses fesses musclées. C'est un pseudo qu'il se donne pour renforcer son implication dans le monde du yoga. En fait, il se prénomme Albert, moins rêveur, ni exotique, je vous l'accorde. C'est presque comme une erreur de casting quand on le voit. Quarantenaire, assez grand avec un physique sec et une souplesse aisée, il est loin d'éveiller mon intérêt. Oui, j'ai bien dit la quarantaine. Le problème quand on a une mère qui a seulement 20 ans de plus, c'est qu'on est un peu dans les mêmes tranches d'âge pour les hommes, elle en cougar et moi en homme plus mature. Mais Albert est loin de m'attirer, les hommes perchés, c'est plus le genre de Valérie.

— Ne t'inquiète pas, on sera à l'heure avec Steve et on récupérera les meubles de ton Albert.
— Karan, me corrige-t-elle alors que je suis déjà hors de la pièce, prête à rejoindre mes amis.

Au bar, Bruce finit par se joindre à nous, retrouvant Steve, son nouveau copain - alias Djemel, le témoin du mariage où mon ex était avec sa femme - et moi-même. Il s'intègre bien au groupe, contribuant à l'ambiance détendue de la soirée, enfin quand les deux tourtereaux ne se roulent pas des pelles. Cependant, je sens que mon esprit est ailleurs et le seul nom qui me hante reste celui de Morgan. Bruce tente de me faire la conversation ; je souris et réponds, mais aucun jeu de séduction ne se déclenche en moi. Steve doit certainement le remarquer, car il me propose de danser avec lui. Très vite, deux grosses mains saisissent mes hanches, et le corps qui les accompagne suit mes mouvements. C'est langoureux, sensuel pour le mâle alpha qu'il est. Bruce se frotte à moi comme s'il cherchait à dompter sa proie. Je suis bien trop féline pour me laisser apprivoiser. Je me retourne, telle une chatte joueuse, je me prends au jeu malgré l'absence d'étincelle. Il place sa cuisse entre les miennes, me tenant toujours fermement.